Heavy Montreal 2016

Enquête « Ce que pensent certains metalleux des festivals d’été. » – Part.1

L’été est arrivé avec tout son lot de festivals metal et notre rédaction a voulu savoir ce qu’en pensent certains métalleux.
Voici les interviews de Cyril, un montpelliérain de 46 ans, Bruno, un français résident au Canada et Jounja, une nantaise de 31 ans.

 

CYRIL

1) Étant actif dans la scène metal depuis plus de 30 ans, comment as-tu vu l’évolution de celle-ci?

J’écoute du metal depuis le début des années 80. J’étais, et suis resté, ce qu’on pourrait appeler un «actif». Je contribuais comme je le pouvais au soutien du style : un maximum de concerts, la création d’un fanzine papier, du tape-trading (échange de démos cassette) et de la photographie. C’était l’avant internet. Il fallait une démarche intensive pour satisfaire ta passion.
Seule la presse écrite (Metal Attack, Enfer magazine, Hard-Force…) te renseignait de l’actualité metal. De plus, nous étions moins «noyés» dans le déluge des sorties actuelles. En moyenne, tu ne découvrais que quelques groupes par mois. Le bouche à oreille. Tout ça ! Tout ça !
Désormais le metal se partage en quelques clics et internet a, à mon avis, un peu tué la sincérité du truc. Attention, je ne crache absolument pas sur les nouveaux comportements liés au net. Je suis moi-même grand consommateur. Ce que je constate juste, c’est une modification du sens critique concernant la musique. Auparavant tu achetais un disque et tu l’écoutais jusqu’à l’usure. Tu finissais par adorer ou détester ce que tu écoutais mais tu savais de quoi il en retournait et il y avait une véritable implication. Actuellement, on est plus dans le self-service. Tu te poses devant ton PC et tu te retrouves à devoir choisir parmi des centaines de formations. Paradoxalement, c’est parfois un peu blasant.

2) Explique nous pourquoi tu ne te rends pas à ces gros festivals d’été ?

Suis pas très fan de la foule en général. En plus, j’ai vraiment le sentiment de saturer très rapidement. Je suis plutôt partisan du «quatre groupes par soir». J’ai peur d’être lassé assez vite, et je me dis qu’en aucun cas je pourrais apprécier une succession de concerts pendant près de neuf heures par jour ! Je veux vraiment que ça reste un plaisir. Après je rate certainement quelque chose concernant l’ambiance et la fête, mais je suis plus tout jeune et j’ai peur de boire toutes les bières !

3) De plus en plus de festivals se montent dans toute l’Europe et du coup je ressens une nette baisse d’affluence au niveau des concerts underground. Comment vois-tu cela?

C’est évident. C’est problématique pour les petites et moyennes structures. J’imagine très bien que nombreux sont les festivaliers qui économisent toute l’année pour se payer un ticket pour le Hellfest. En gros, le budget vacances part dedans. Certains ne peuvent plus financièrement soutenir les petits concerts. Malheureusement, cela ne risque pas de s’arranger. Les groupes en devenir doivent mettre de plus en plus la main à la poche pour jouer et espérer un minimum de visibilité. Il y a aussi un désintérêt certain de la majorité du public. Certains concerts gratuits n’attirent que quelques spectateurs. C’est juste un constat.

4) Certaines photos, vidéos, live-reports et autres histoires délirantes d’amis qui se sont rendu à ces festivals ne te donnent toujours pas l’envie de participer ? 

Oui et non. Le côté fédérateur doit être sympa, mais pas pendant trois jours. J’ai peut-être les clichés du Petit Journal en tête, avec cette horde de types imbibés de bière qui montrent leur cul en criant «maman». Hahahahaa ! Pis, je fais trop la fête le reste de l’année !

6) Imaginons tu gagnes à l’EuroMillions et que tu désires organiser un de ces gros évènement, sans bien sûr te prendre la tête au niveau contrat, organisation etc… Serais tu prêt à te lancer dans cette immense aventure ?

Franchement, non. Organiser ce n’est pas ce qu’il y a de plus simple, avec ou sans argent. En revanche, un bar-concert bien équipé où les musicos prennent du plaisir, avec une bonne équipe de passionnés, je serais partant… Mais merde je ne joue pas à l’EuroMillions ! Je m’y mets dès demain.

7) Du coup pour toi, quel serait LE groupe qui te ferait voyager au bout du monde ? Et pourquoi ?

Ca, c’est difficile… Certainement Faith No More, parce qu’il est pour moi le groupe qui m’a fait découvrir que le metal pouvait être diversifié, ouvert et surtout audacieux. Sinon ce serait CinC (Carnival In Coal NDLR), parce que c’est comme ça !
Merci Seb. Ratt reste un groupe majeur quoiqu’on en dise !

 

BRUNO

1) Toi qui vis au Canada, t’es-tu déjà rendu dans des festivals d’été en France ou dans le reste de l’Europe ?

Malheureusement je n’ai pas pu le faire encore pour des raisons de budget, parce que traverser l’Atlantique pour aller voir un festoche, ça coûte cher ! Mais je connais plusieurs personnes ici qui le font régulièrement, les vrais passionnés, qui vont au Hellfest, au Graspop, au Wacken ou au Metal Camp.

2) Il y a au Canada un gros festival au doux nom de « Heavy Montreal », as-tu déja participé à celui-ci ?

Oui, presque chaque année depuis que j’habite ici. C’est drôle parce que c’est un festival, mais en plein centre-ville, sur l’île au milieu du Saint-Laurent : tu peux y aller en métro. Donc tu n’as pas du tout l’expérience d’aller camper et faire la fête 24h sur 24 : après le dernier concert, tu reprends le métro et tu rentres chez toi (ou tu continue dans les bars qui font des after-party du Heavy MTL). Donc d’un côté c’est pratique, facile pour y aller, pas besoin de camper, mais c’est très loin de l’expérience d’être trois jours dans la boue et le metal !

3) Ces gros rassemblements sont-ils pour toi l’occasion de se réunir entre amis passionnés pour faire la fiesta ou t’y rends-tu dans l’optique de découvrir de nouveaux groupes ?

Ça dépend vraiment du festival et de la programmation. C’est sûr qu’il y a toujours une partie d’y aller pour l’ambiance et pour le fun, retrouver la communauté, mais pour ce qui est de découvrir des groupes, faut se tourner vers des festivals un peu plus underground pour avoir de la variété et qualité. Parce que par exemple, depuis que j’habite ici, j’ai du voir quatre fois Anthrax ou Slayer. Ça peut vite se répéter…
Sinon, même s’il est plus grand public et punk/rock/hardcore, le Amnesia Rockfest reste pour moi le seul festival au Québec qui se rapproche de certains européens en terme d’ambiance, où tu retrouves cette expérience de camper trois jours dans un petit village envahi par des milliers de personnes qui picolent en écoutant de la musique qui gueule.

4) Par chez toi entends-tu parler de la scène metal en France ? Pourrais-tu nous conseiller quelques valeurs sûres Canadiennes ?

En dehors de Gojira qui sont très populaires, il y a quand même des groupes français qui commencent à se faire un nom comme Gorod. Vulcain s’est fait invité dans au Festival Wings Of Metal de Montréal aussi il y a quelques années. Mais là où je vois un gros intérêt, c’est dans la scène black metal : les passionnés au Québec sont vraiment super calés sur la scène black française. Il y a d’ailleurs un excellent festival, la Messe des Morts, qui fait venir chaque année au moins un ou deux groupes de l’Hexagone.
Pour les valeurs sûres côté Québec, il y a des excellents groupes de black comme Monarque ou Sombres Forêts, ou plus récemment Gevurah. Niveau thrash, le dernier Reanimator est énorme, je comprends pas que ce soit pas signé sur un gros label. En matière de heavy/speed, faut aller vers Toronto où il y a une superbe scène, menée par Skull Fist et Cauldron. Puis en Alberta il y a Striker, encore un groupe qui devrait être signé sur un gros label. Un super groupe qui malheureusement n’existe plus : Kill Cheerleader, dont Lemmy lui-même vantait les mérites. Et au Québec, il y a eu Inepsy (plus crossover) qui a quand même fait un split CD avec Toxic Holocaust. Puis finalement en hard rock/hair metal, tu as Rusted haha ! Après je connais moins la scène sur la côte Ouest, mais ça bouge bien aussi, j’aime beaucoup Chapel.

5) Tu es guitariste dans un groupe de heavy/rock appelé « Rusted, est-ce pour vous un rêve de jouer dans un de ces gros festival en Europe ? Qu’elles sont les démarches pour espérer y jouer un jour (on évoque souvent le système des tremplins, des candidatures ou même, parfois, le piston) ?

C’est sûr que c’est un rêve qu’on aimerait réaliser un jour. J’ai l’impression que sans être signé sur un label reconnu ou sans piston, c’est assez inaccessible, surtout quand tu viens d’Amérique du Nord, car les frais de déplacement sont énormes, donc si tu n’es pas Kataklysm ou Voivod, tu ne te feras pas inviter comme ça. Nos démarches jusqu’à présent sont difficiles, mais je ne désespère pas qu’on puisse accrocher un petit label européen avec le prochain album, pour avoir une chance d’accrocher certains circuits, et pourquoi pas se retrouver sur certains festivals. Certains tremplins existent au Canada comme celui pour le Wacken, et ça peut-être un super trip tout payé si tu gagnes, mais je ne sais pas si c’est si constructif sur le long terme.

6) Quel groupe te donnerait l’envie de te bouger à l’autre bout du monde ?

Difficile comme question, surtout qu’on est quand même bien servis à Montréal niveau tournées, parfois on sait plus où donner de la tête, et je pense qu’il y a peu de groupes à voir qui restent sur ma liste… je pense que la seule fois où j’ai vraiment faillit prendre l’avion pour un groupe c’était pour aller voir le dernier concert de Dissection en Suède. J’aurais dû le faire… Sinon je pense que je serais prêt à aller au bout du monde pour aller voir des festivals plus petits en Allemagne ou en Scandinavie, comme le Tuska Open Air, pour vivre une vraie expérience et voir certains groupes dans leurs propres pays. Ou bien voyager en Californie si la scène glam du Sunset Trip existait encore, ou si un vrai Woodstock existait encore…

A part ça, je pense qu’un des voyages que je voudrais faire, ça serait une des croisières metal, très à la mode aux US, le Monsters Of Rock Cruise ou le 70 000 Tons Of Metal, une semaine sur un paquebot remplit de metalleux et de super groupes, c’est à faire une fois dans une vie je pense !

 

YOUNJA

1) En tant qu’habituée des concerts et festivals, tiens-tu une comptabilité et saurais-tu te souvenir de tous les concerts auxquels tu as assisté ?

Je ne tiens pas de comptabilité concernant les concerts et festivals. Auparavant, je gardais mes places de concerts et bracelets de festival, mais maintenant j’ai la flemme! Ce qui compte c’est le moment présent puis le souvenir qui restera après tout pour les concerts les plus mémorables.

D’ailleurs, je ne pourrai pas me souvenir de tous les concerts que j’ai vus, car tous n’étaient pas mémorables. J’ai vu pas mal de concerts de groupes peu connus ou de groupes qui ne correspondaient pas forcément à mes styles de prédilection. Le genre de concert où on va « par curiosité ».

 2) On imagine que tu dois avoir pas mal de souvenirs ! Quels seraient le pire et le meilleur ? As-tu quelques anecdotes ?

Difficile à dire… Là comme ça je dirai que le meilleur souvenir le plus récent fut le concert d’Aerosmith au Hellfest 2014. Il était vraiment énorme et c’était la première fois que je les voyais en live. Un grand moment.

Sinon je ne vois aucun vrai mauvais souvenir quand j’y pense.

 3) Concernant l’organisation et plus particulièrement l’hygiène: es-tu une personne à te rendre en festival à la « roots » (camping du festival, sans se laver pendant trois jours…) ou es-tu pour l’option hôtel voire l’hébergement chez l’habitant ?

En festival, c’est camping ! Chaque année je me dis « plus jamais ça » au bout du dernier jour, et finalement je finis toujours par replonger. Ça devient addictif en fait. J’aime bien ces quelques jours loin du confort quotidien. Par contre, je ne reste pas 3 jours sans me laver! Je me lave au camping.

 4) Est-ce que ta vie professionnelle, affective et familiale modifierait ton intérêt pour ces festivals ?

Non, ça ne change rien pour l’instant. Ça m’éclate toujours autant donc je continuerai encore pendant quelques années je crois. Et puis j’y vais en couple et on y rigole bien avec les amis donc pourquoi se priver ?

5) Question look, on voit de plus en plus de déguisements qui donnent un côté carnavalesque et folklorique, penses-tu que cela dénature l’esprit metal du départ ?

Totalement. Je regrette vraiment cette dérive. Je fais partie de ceux qui apprécient que les « codes » soient un minimum respectés.

 6) Quel groupe te ferait te déplacer au bout du monde ? Et pourquoi ?

Manowar. Pour leur tournée d’adieu, j’irai au bout du monde s’il le faut héhé !

 


Hellfest : hellfest.fr
Heavy Montreal : http://www.heavymontreal.com/fr

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