Entretien avec Dávid Makó de THE DEVIL’S TRADE : « …le monde qui m’affecte s’aggrave de jour en jour, et je ne peux écrire que sur mes expériences. »

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Une semaine après la sortie du nouvel album de THE DEVIL’S TRADE, nous avons posé quelques questions à son auteur-compositeur-interprète, Dávid Makó. L’occasion de prolonger l’album et d’approfondir les thèmes qui lui sont chers : la composition, l’évolution, la progression en tant qu’artiste… 

« The Call Of The Iron Peak » est sorti il y a 3 ans, que t’est-il arrivé depuis ?

Trois ans, c’est vrai que c’est long, même sans covid, guerre, inflation extrême, ou même sans vivre dans un pays qui s’est transformé en un environnement très stressant et instable ( Hongrie ). Malgré tout ça, je me considère comme une personne plutôt chanceuse. J’ai tourné avec DER WEG EINER FREIHEIT pour la seconde fois et j’ai même eu la chance d’interpréter notre chanson « Immortal » avec eux. J’ai aussi été invité par AMENRA à les rejoindre sur leur tournée acoustique, ce qui est l’une des expériences les plus influentes de ma vie. J’ai joué quatre fois au Roadburn, dont une fois dans sa version Redux et trois shows différents l’année dernière, lors du vrai. On peut dire que c’est le sommet de ma carrière jusqu’à présent. En parallèle, j’ai commencé à développer une version « groupe » de THE DEVIL’S TRADE et j’ai joué dans quelques festivals assez importants avec ce premier line-up. Enfin, j’ai écrit et enregistré mon quatrième album. Plus tout un tas de choses que j’oublie maintenant…

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Maintenant, il y a donc « Videkek vannak idebenn », ton nouvel album qui vient de sortir ( cf notre chronique ). Quand je l’ai écouté, ça m’a semblé être une « (r)évolution » pour ta musique… Peux-tu en parler ?

Je suis tellement content que tu le vois comme ça ! Mon seul but quand j’enregistre est qu’il y ait une forme de progression, sur autant d’aspects que possible. C’est pourquoi j’ai écrit cet album, entièrement joué, et crée pour être joué par un groupe. C’était la seule façon possible pour moi de créer quelque chose de meilleur, de plus grand que ce que j’avais fait auparavant. C’est évidemment toujours un projet d’auteur-compositeur-interprète donc j’ai écrit et joué tout ce que vous pouvez entendre. Sauf la batterie, ça c’est mon ami Gaspar Binder qui s’en est chargé.

Le mot « Liminal » semble être le point de ta réflexion artistique, peux-tu nous l’expliquer et essayer de définir comment tu en es arrivé là ?

Au moment d’écrire et d’enregistrer cet album, j’ai réalisé que j’avais été dans une situation où je ne savais vraiment pas ou plus comment être, comment devenir créatif, comment renouer avec ma créativité. Et j’ai trouvé ce terme d’espace « liminal », j’ai senti que cela décrivait parfaitement mon état mental, cet état où tu es comme coincé dans un espace étrangement mort, entre le passé et le futur tout en n’étant pas encore vraiment le présent. C’est comme si le présent n’arrivait pas, ne voulait pas venir. Tout ce que je devais faire, je l’avais déjà fait et ce qui arrivait n’arrivait toujours pas alors je flottais dans cet espace où rien ne semblait vouloir bouger et je me trouvais dans l’impossibilité de pouvoir créer dans cet état. J’avais besoin de trouver un nouveau chemin afin de trouver la musique en moi.

J’ai l’impression que tu évolues dans ton art, mais je ne vois pas non plus de cassure/rupture au sens strict. Est-ce que c’est simplement ta façon de créer et de ressentir qui a changé ?

Je suppose que j’ai tendance à voir et à ressentir toutes les cassures et les ruptures dans le processus de création mais je viens seulement d’apprendre à les apprivoiser, à les adopter. Ainsi, ces cicatrices et ces blessures font désormais partie de l’image finale que tu obtiens.

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Il y a des paroles en anglais et en hongrois, je pense que c’est la première fois que tu écris en hongrois… Pourquoi ce choix et que penses-tu que cela apporte ?

J’ai généralement une ou deux reprises de chansons folkloriques hongroises. Cette fois, j’ai aussi écrit mes propres paroles en hongrois et c’était en effet la première fois. C’était la première fois que j’écrivais quelque chose en hongrois qui ne pouvait pas être traduit en anglais. Les paroles de « Vidékek… » sont d’ailleurs plus folkloriques que contemporaines ainsi je n’ai pas vraiment l’impression qu’il s’agisse de quelque chose de très poétique et que cela reste donc suffisamment éloigné des paroliers hongrois qui ont un réel impact sur moi.

J’ai lu ta déclaration sur la chanson-titre. Y a-t-il quelque chose de plus social/politique dans tes textes maintenant ? Est-ce que tu as envie d’aller plus loin dans ce genre ? Je veux dire prendre position sur l’actualité ou les faits sociaux…

La première fois que j’ai réalisé que j’écrivais une chanson politique/sociale pour THE DEVIL’S TRADE, c’était « Eyes In The Fire » sur l’album précédent. Mais avec mes groupes précédents, j’avais déjà commencé à être un musicien politiquement actif. Mais avec T.D.T., je devais trouver la bonne façon de le faire. Quelque part je ne veux pas, mais je dois aller plus loin car le monde qui m’affecte s’aggrave de jour en jour, et je ne peux écrire que sur mes expériences. Il n’y a pas d’autre chemin.

Ton expérience avec JOHN CXNNOR a-t-elle influencé la façon de composer et de voir l’avenir de THE DEVIL’S TRADE ? Penses-tu composer en tant que groupe complet ou THE DEVIL’S TRADE sera toujours « ton bébé » ?

Non. JOHN CXNNOR a son propre univers, qui est assez éloigné du mien, même si j’aime écouter ce genre de musique. Je pense que c’est d’ailleurs le facteur qui a rendu notre collaboration si spéciale. Donc, non je composerai toujours seul pour THE DEVIL’S TRADE ou éventuellement avec Gaspar à la batterie. C’est mon terrain de jeu, avec mes jouets, que j’ai appris à aimer et à partager en vieillissant, mais si je travaillais avec quelqu’un d’autre ce ne serait plus T.D.T.. Je suis sûr que cela pourrait être « un meilleur produit « , peut-être plus professionnel et peut-être plus réussi aussi, mais je vois toute la beauté dans le fait qu’il évolue avec moi. C’est mon propre reflet.

Je suppose que tu vas tourner avec un groupe… Comment as-tu choisi les autres musiciens ? Cela change-t-il votre façon de jouer en live ?

Je pense qu’en ce qui concerne la batterie, je resterai fidèle à Gaspar, pour toujours. Sa façon de jouer correspond tellement à mon univers ! C’est tellement musical et heavy à la fois ! C’est l’un de mes meilleurs amis et nous jouons ensemble depuis 2006 quand il a rejoint mon ancien groupe STEREOCHRIST, puis nous avons formé notre groupe suivant HAW ensemble et il était aussi le batteur de la première version du groupe de THE DEVIL’S TRADE. Ensuite, j’avais besoin d’un troisième membre car toutes les basses et les nappes supplémentaires de l’album sont créées avec des synthés. Gabor Toth a un groupe appelé HARMED où il écrit tout et je savais déjà que nous avions les mêmes goûts musicaux et que c’était une très bonne personne. J’adore être sur scène avec eux, mais le meilleur, c’est que même les pires choses auxquelles vous devez faire face en tant que groupe sont tellement amusantes avec eux.

Et oui bien sûr, ça a changé ma façon de jouer parce que l’énergie d’un groupe est différente de celle du solo. J’apprécie tellement le côté physique du groupe et puis maintenant je peux compter sur la lourdeur de la batterie et de la basse tout en sachant que cela reste très personnel et émotionnel. Mais je dois quand même garder une version solo car cela a un très fort effet curatif sur moi.

Maintenant, quelle est la prochaine étape ? Tu dois tourner avec ALCEST cette année, ce qui est une belle opportunité, comment cela s’est-il passé ?

Ils m’ont invité et ils voulaient la version « groupe ». C’est une énorme opportunité pour moi de partager ce nouvel album à beaucoup de gens. En plus connaissant bien la musique d’ALCEST, je suis sûr que leurs fans sont aussi de belles personnes. Nous avons encore quelques festivals avant cette tournée et j’ai aussi un show solo et une autre tournée est déjà prévue pour le printemps prochain. J’ai également commencé à travailler sur une bande son pour un court métrage d’animation, une histoire horrifique et populaire à la fois…

Un dernier mot ?

Merci pour tout, pour cet intérêt pour ma musique. Tout ça signifie beaucoup plus pour moi que ce que vous pouvez imaginer…

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