[ Chronique ] THE DEVIL’S TRADE – Vidékek Vannak Idebenn ( Season Of Mist )

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Se réinventer ou s’inventer pour mieux se réaliser, s’accomplir n’est jamais chose aisée, et chacun à son petit niveau y est confronté un jour ou l’autre. C’est un peu le coeur de ce nouvel album de THE DEVIL’S TRADE, « Vidékek Vannak Idebenn » ( « Il y a des paysages à l’intérieur » en hongrois ). 

En effet, ce projet solo de dark-folk mené de front par le chanteur et multi-instrumentiste Dávid Makó est arrivé à un moment de sa carrière où la remise en question est inéluctable. Fort de trois premiers albums qui ont affirmé un style éthéré et profond, sorte de forteresse d’émotion et de solitude où l’artiste a tout fait, seul, du chant, à la guitare, au banjo, jusqu’aux arrangements…

Le ‘sieur semble donc arrivé au bout d’un chemin, à un croisement, à l’espace liminal entre passé et présent. Liminal étant le mot, l’élément clé de cette nouvelle phase, de ce quatrième album qui se doit d’être une évolution, qui en devient une nécessité pour l’artiste, tout en n’étant pas quelque chose de forcément agréable puisqu’elle l’oblige à prendre des risques, à sortir de sa zone de confort, à emprunter des chemins tortueux et plus incertains… 

« Vidékek Vannak Idebenn » se veut donc comme une transition et une extension de l’univers de THE DEVIL’S TRADE, Makó développant les couches et les textures, ajoutant pour la première fois de la batterie avec l’aide Gáspár Binder et des claviers avec Gábor Tóth afin de chercher encore plus de profondeur et sortir de sa paralysie liminale tout en conservant les mélodies déchirantes sur lesquelles il a bâti sa réputation. Le chant dépouillé, le minimalisme et l’austérité sont ainsi contrastés, transfigurés par ces pulsations inédites et ces atmosphères brumeuses.

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J’en viens à penser que cette réflexion et la remise en question qui en découle sont peut-être à mettre en relation avec les différentes collaborations et tournées que Makó a effectuées ses dernières années, notamment celles avec JOHN CXNNOR ou DER WEG EINER FREIHEIT

Toujours est-il que le résultat est bluffant. « Flashing Through A Lack of Light » en est le parfait exemple, ample et évocateur, il offre grâce à son rythme, enfin dévoilé, un aspect plus chaleureux et rond aux murmures et envolées plaintives de Makó avant de se faire écho dans un mille-feuille vocal qui vient s’éventrer sur le refrain. Tout est émotion, comme avant en fin de compte mais avec plus de mâche, plus de matière. Plus loin, le morceau-titre chanté en hongrois dégouline de sentiments et d’intensité douloureuse, les guitares et la voix sont renforcées par une électronique douce et mélancolique tirant vers le post-rock, ou rappelant certains travaux de Trent Reznor. « Clear Like The Wind », autre moment fort de l’album se passe cette fois-ci de pouls mais propose une bonne dose de corde pour retrouver une forme de monolithisme, de prostration, de buées oniriques du passé.   

« Liminal » ( le mot inspirant de l’album donc ) continue sur une voie plus répétitive, tel un mantra les guitares tournent autour de la voix, tissent un canevas de frustration jusqu’à ce que le chant éclate et perce avec fracas les différentes poches d’émotion. Le tumulte intérieur continue encore sur « Fordulj Kedves Lovam » qui installe son « rituel » autour du banjo de Makó. Enfin, le dernier morceau « Új Hajnal Már Nem Jő », déjà entendu sur le live au Roadburn avec JOHN CXNNOR sous le nom de « Lullaby » mais ici complètement déplumé de son électronique oppressante, remplacé par une guitare et un timbre de batterie funèbre et obsédant qui lui donne une toute autre couleur.

Si « Vidékek Vannak Idebenn » est toujours d’une beauté profonde, sombre et éthérée, si il est une réussite sur le plan musical, il semble aussi n’être qu’une partie de la mue que THE DEVIL’S TRADE est en train d’opérer, il ne semble être que l’entame de la prochaine phase artistique du groupe, sa nouvelle trajectoire. Il est donc la bande-son idéale pour les âmes en peine et en transition, celles qui se sentent coincées dans ce fameux espace liminal, celles qui sont avides mais effrayées par les changements, mais aussi celles qui ont envie d’évoluer, de s’épanouir hors des frontières qui les entravent.

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