Entretien avec Masha Scream d’ARKONA : « Je fais juste ce que mes démons intérieurs me dictent, et ce sont des créatures très imprévisibles. »

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À l’occasion de la sortie du nouvel album des Russes d’ARKONA, nous avons eu la chance de pouvoir poser quelques questions à sa chanteuse et compositrice principale, Masha. On a pu aller en profondeur sur sa manière de créer, ses textes, sa vision du monde, etc.
Cela fait 5 ans que « Khram » est sorti, pourquoi si longtemps avant un nouvel album ? Vous aviez besoin de prendre du temps pour vous ? ( il y a eu le Covid aussi )

Il y a des circonstances… Nous ne faisons rien exprès, nous ne nous concentrons pas sur le temps, nous donnons à la créativité autant de temps que nécessaire. J’ai commencé à écrire des chansons pour cet album en 2018 et je n’ai fini de les écrire complètement qu’en 2022. Pendant toutes ces années, le processus créatif est venu uniquement de la façon dont des événements ou certaines situations se sont déroulés, à partir desquels le concept complet de cet album s’est ensuite développé. .
Je crois qu’on ne doit pas se précipiter avec des choses telles que l’incarnation créative et qu’on doit lui conférer une énergie à part entière, sans se concentrer sur le temps, car l’inspiration sincère ne doit dépendre d’aucun facteur matériel, cette énergie vient spontanément et vous prend parfois par surprise et seule cette énergie sait quand elle doit se manifester et, avec un travail long et minutieux, elle prend finalement vie dans une incarnation physique.

Maintenant, il y a « Kob’ », votre nouvel album, qui sort bientôt ( le 16 juin prochain chez Napalm Records ). Peux-tu nous en parler ? Comment avez-vous travaillé sur ces nouveaux titres ?

Tout se passe étape par étape. Tout le matériel a été écrit à différentes périodes de 2020 à 2022. J’ai fait toute l’écriture des chansons moi-même, j’ai travaillé avec le programme de séquenceur « Cakewalk pro audio », des chansons individuelles ou des parties d’entre elles ont également été composées par moi à la guitare. Ensuite, tout était assez routinier, nous avons répété le matériel et l’avons enregistré en studio. L’enregistrement et le mix ont été gérés par Sergey Lazar ( le guitariste du groupe et mari de Masha ). En fait, on fonctionne toujours de la même manière, tout se passe assez simplement, je pense d’abord tout, y compris tous les arrangements, samples, concept, paroles, puis je donne tout à mes gars pour qu’ils les apprennent et après de longues répétitions on enregistre tout.

Je suis ce schéma : pas une seule chanson écrite par moi ne reste sur la touche après avoir été écrite, elle deviendra définitivement l’une des œuvres constitutives du futur album. Et cette fois, cela s’est passé de la même manière : au fil des années, chaque chanson est simplement née après une autre chanson, et toutes ces toiles musicales se sont alignées pour créer l’album. Le concept de l’album n’a été construit que lorsque toute la composante musicale était prête et je n’avais qu’à répartir les morceaux selon la numérotation, pas à pas, quel morceau suit lequel. Ce n’était pas difficile du tout, car le concept de l’album se développait progressivement, de plus en plus, à chaque parole écrite, et à la fin il était complètement défini après que les paroles du dernier morceau de l’album aient été écrites.

Cette fois, nous avons un invité, notre bon ami, A. Thanatos ( THANATOMASS ), qui a joué un solo de guitare cosmique au milieu de la chanson « Ydi » et a ajouté quelques effets de guitare à la fin de la même chanson, apportant ainsi une atmosphère déprimante profonde avec sa performance. Nous n’avons pas jugé nécessaire d’inviter d’autres invités, car cela ne correspondrait pas au concept de l’album. Les invités de l’album doivent toujours être thématiques, et leur participation doit souligner quelque chose de spécifique, souvent leurs parties ont été composées spécialement pour eux.

J’ai trouvé le nouvel album plus sombre que les précédents, il y a plus d’influences black ou death et moins de folk… plus de désespoir… C’est volontaire ou c’est juste ton état d’esprit du moment ?

Tu sais, je ne peux jamais deviner comment mon travail va se dérouler et quelle composition sera la prochaine à écrire. Je fais juste ce que mes démons intérieurs me dictent, et ce sont des créatures très imprévisibles. Aujourd’hui, ce sera peut-être une chose, demain ce sera quelque chose de complètement différent. Cela ne dépend de rien, cela se produit simplement spontanément, lorsque certains thèmes me viennent simplement à l’esprit et que je les enregistre. Au cours de ce processus, tout se transforme en quelque chose de plus substantiel, une chanson, un album entier. Probablement mon état mental général s’est manifesté de cette façon, et par conséquent nous avons ce que nous avons.

J’ai l’impression que même les instruments folk sont plus en retrait, et qu’il y a plus d’éléments electro/synthé aussi, la production n’est-elle pas plus brute et agressive ?

Comme je te l’ai déjà dit, je ne fais jamais rien exprès, au départ je crée toute la musique et les arrangements comme je le ressens intérieurement, donc s’il me semble qu’un instrument devrait prévaloir quelque part, je le fais simplement sans aucune intention particulière. C’est ainsi que j’ai vu mon œuvre et que je lui ai apporté de la diversité avec des nappes de clavier plus électro’. Cependant, ARKONA n’a jamais sonné de la même manière, et d’album en album, nous avons toujours essayé d’introduire quelque chose de nouveau, qui n’était jamais arrivé auparavant, de diversifier, pour ainsi dire, les arrangements des compositions. Et les claviers jouent aussi un rôle important dans nos albums, pas pour la première fois. Lors des concerts, nous utilisons également toutes les parties de clavier à l’aide de playbacks, car avec eux le son en direct semble plus dense et parfois ils complètent l’absence d’une deuxième partie de guitare, ainsi que des instruments à vent en direct, car il n’y a qu’un seul guitariste dans le groupe.

Votre promo’ dit : « Avec leur nouveau neuvième album, ARKONA reflète chaque étape de la descente aux enfers de l’humanité » – Peux-tu nous en dire plus là-dessus ?

« Kob' » c’est du pur nihilisme, l’extermination complète de l’humanité par l’autodestruction ou par diverses transitions à plusieurs niveaux via les événements qui se déroulent de nos jours. Le concept de l’album est basé sur l’actualité de notre époque. Chaque problème de l’humanité est indiqué dans l’album dans l’ordre de son inévitable émergence. En fait, l’album raconte la descente progressive de l’humanité sur le chemin de l’enfer ou de l’abîme, un état de zéro absolu, de disparition totale. L’humanité fait 6 pas en descendant aux enfers, 6 titres de l’album sauf le premier et le dernier.

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Chuchotements, « voix fantômes » et nappes de synthé’ sont des motifs récurrents sur l’album, quelle est la signification derrière ces voix hypnotisantes, inquiétantes ?

Avant de répondre à ta question, je voudrais clarifier certains points plus en détail. « Kob' » est un album exigeant, il est très atypique en termes d’énergie et pour moi sur le plan personnel. Tout au long de sa création, j’ai été hanté par des événements très étranges, mais extrêmement intéressants, qui, en fait, ont par la suite formé cet album petit à petit. Cela s’applique à tout : aux événements de notre époque, aux films que j’ai regardé, aux courants philosophiques auxquels je me suis intéressé, aux personnes que j’ai rencontré et qui m’ont donné des informations spécifiques et ont ainsi énormément contribué à la création de cet album.

En général, au départ de la composition, je n’ai aucune idée de ce que sera exactement l’album en terme de concept, la chaîne s’est construite par étapes, pendant ces 5 années, il s’est passé quelque chose autour de moi, et tout s’est reflété dans le concept final de « Kob' ». La compréhension finale est venue lorsque j’ai écrit les paroles du dernier morceau de l’album, intitulé « Razryvaya plot’ ot bezyskhodnosti bytiya », après avoir regardé la trilogie du célèbre cinéaste russe Konstantin Lopushansky. Cette piste a apporté une compréhension absolue du concept et a conduit à sa conclusion logique.

Et puisque c’est Lopushansky qui a donné vie au concept de l’album, j’ai décidé d’insérer des phrases séparées de ses deux films « Dead Man’s Letters » et « A Visitor to a Museum », qui racontent brièvement chaque sujet spécifique décrit dans les chansons et complètent l’image apocalyptique de chaque intrigue et ligne musicale.
Toutes ces phrases des films s’entremêlent simultanément avec mes sorts, mes chuchotements qui sont en fait de la divination, courent en fil rouge tout au long de l’album et représente l’élément principal, l’accompagnement, tandis que l’humanité descend vers les abîmes.

Au final, j’ai trouvé l’album aussi dur et désespérant que mystique et mélodique. Vraiment ambivalent, y a-t-il de l’espoir au final ? pour le futur? Musicalement, tu veux aller plus vers le mélodique, même dans ta voix, est-ce quelque chose que tu aimes ?

L’humanité se dévorera. Il n’y a pas de doute. Le seul espoir est de changer complètement la conscience des gens, mais c’est malheureusement impossible. C’est de cela qu’il s’agit dans le concept de l’album, que l’humanité est condamnée à périr.

Avec ma voix, je reproduis exactement ces émotions que je voudrais souligner, et encore une fois, rien n’est fait exprès, tout se passe selon mes sentiments, en suivant strictement une certaine ligne conceptuelle, quelque part c’est plus mélodique, quelque part plus agressif…

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Du coup, les guerres, les croyances religieuses et les problèmes environnementaux influencent-ils votre façon d’écrire et de chanter ? La situation de votre pays influence-t-elle votre musique ?

Oui, bien sûr, toutes ces choses combinées ont sans aucun doute influencé à la fois l’ambiance de la musique et le concept général de l’album. Plus vous vivez les problèmes de nature personnelle et globale, plus vous pensez à l’existence humaine en général, et pour être honnête, ici, je peux voir que tout approche inévitablement de la destruction totale. Aucune attitude positive du tout, seulement le désespoir et l’immersion dans les ténèbres, plus loin, plus profondément.

Du coup, avez-vous du mal à tourner ou à planifier une tournée ? Quand te verra-t-on en Europe ?

Nos plans incluent une tournée déjà confirmée avec BATUSHKA en Europe de l’Est, nous travaillons sur une autre tournée, qui passera peut-être par la France, mais nous verrons dans quelle mesure ce sera possible. Au moins, nous ferons de notre mieux pour que les deux tournées se produisent.

Si tu as un dernier mot…

Vivez pour aujourd’hui. Demain ne viendra peut-être pas.

Merci d’avoir pris le temps de me répondre. À bientôt !

Merci pour ces superbes et très intéressantes questions ! Bonne chance !

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