Chronique : ARKONA – Khram ( Napalm Records ) note : ДEBЯTЬ / ДЕСЯТЬ

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La Russie n’est pas un pays franchement réputé pour sa scène metal, seuls quelques groupes arrivent à atteindre une renommée mondiale…  Les Moscovites d’ARKONA font partie de ceux là. Dès le départ, le groupe a adopté un style de metal explosif caractérisé par des paroles pleines d’esprit et des insertions épiques mêlées de folklore russe. Authentique et original de par ses origines, ARKONA a définitivement un impact sur la scène folk-pagan bien différent de celui des éternels adeptes de l’humppa. Ce qui fait du groupe un sérieux prétendant au trône de la Fédération Métallique de Russie.

Aujourd’hui, ARKONA présente « Khram », son huitième album. « Khram » est aussi le mot russe pour temple. Traditionnellement, c’est un temple entouré d’un mysticisme naturel qui sommeille derrière la cime des arbres, mais qui est ouvert à tous… Tout un programme !

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Musicalement, « Khram » s’inscrit nettement dans la continuité de « Yav » ( 2014 ) et de « Vozrozhdenie » ( 2016 ) : c’est à dire beaucoup d’ambiances, des mélodies de guitare plus « dramatiques » et une utilisation réduite des éléments folkloriques. Cependant, si à ses débuts le groupe utilisait des samples, aujourd’hui, violoncelles, cuivres, et instruments à vent sont enregistrés méticuleusement et viennent s’écouler de manière beaucoup plus naturelle sur la musique (« Shtorm »).

De plus, le groupe ouvre la voie de « l’expérimentation » comme sur le pachydermique « Tseluya zhizn’ » et ses 17 minutes. Divisé en plusieurs sections, il est pour moi l’étalage de tout le savoir d’ARKONA. Captivant et surprenant, truffé de mélodies, de doublages de guitares et d’arrangements extrêmement proche du prog’, du rock ou même de la fusion. Il est une véritable plongée dans l’ésotérisme de l’album et dans l’éclectisme assumé des Russes. Certains éléments partent, d’autres reviennent, évoluent, se déversent sur la musique comme un mantra, le tout se mélange de manière très fluide. C’est un élément central et un des meilleurs morceaux de l’album selon moi.

Pour faire simple je dirai que, sur « Khram », les mélodies « traditionnelles » et les rythmes métalliques ont magnifiquement été imbibés de sonorités plus modernes, plus sombres. ARKONA y exprime toute sa tension, toute sa mélancolie, tout son mysticisme aussi, et place tout ça au centre de son temple païen. Les longues plages instrumentales, presque rituelles se transforment sans effort en chefs-d’œuvre de metal libre, en morceaux épiques aux mélodies cristallines infusés à la guitare acoustique ou au piano. ( « V Pogonie Za Beloj Ten’yu » et « V ladonyah bogov » )

Contrairement à leurs premiers travaux, les Russes ont clairement revêtu un plumage noir corbeau, leurs cœurs sont désormais emplis d’une bonne dose d’amertume et d’une soif de vengeance presque perceptible. Si les racines folkloriques sont certes toujours là, elles ont été subtilement élargies. Comme ce temple ouvert à tous, les chansons et les structures offrent une palette sonore plus large encore, elles viennent titiller l’esprit et ramper sous la peau. D’album en album, le concept semble s’assombrir de plus en plus, un peu comme les voix de Mascha semblent se diversifier… En véritable aigle à deux têtes, en beauté froide, en ourse cosaque presque mystique, la jeune femme tour à tour crache, éructe puis enjôle, charme entre une Regan McNeil possédée par Pazuzu et les prédications d’un pèlerin zélateur comme Raspoutine.

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Au final, on ressent de moins en moins ce côté folk « amusant », on passe vers quelque chose de beaucoup plus progressif avec des incursions, Death, Doom, Pagan, Black, Atmospheric, Ambiant etc… Là où ARKONA avaient tendance à se rapprocher d’un KORPIKLAANI, ils seraient désormais plus proches de constructions typées MOONSORROW avec des compositions multicouches et progressives. ARKONA réussit d’un coup de baguette à s’extirper de son carcan, à briser les limites de son genre et à créer des univers sonores bien particuliers et captivants. Luxuriant et indomptable, aussi dense et riche qu’exigeant à l’écoute, « Khram » ouvre de nouvelles pistes. Un développement, une montée en gamme qui promet encore de belles surprises à venir pour les Russes !

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