C’est sous un soleil quasi-sudiste que s’est déroulée la dernière édition du SYLAK OPEN AIR avec toujours cette formule qui fait son succès depuis près de 13 ans maintenant : une ambiance de feu et un esprit familial, presque fraternel. Bien loin des grosses locomotives françaises ou européennes, l’équipe du festival propose une sorte de retour aux sources avec une seule et unique scène sur un site naturel proche de l’Ain (donc baignade obligatoire et fortement recommandée durant la période estivale) et avec une petite jauge qui permet à chacun de profiter au mieux des shows, de ne pas faire des heures de queue et donc de se retrouver avec cette même envie de faire la fête. Et on peut affirmer que la programmation 2024 a pleinement atteint son objectif en laissant la place à une nouvelle vague, surtout hardcore metal. Ainsi les concerts se sont succédés, avec des prestations exceptionnelles et énergiques notamment d’INSANITY ALERT, ESCUELA GRIND, CANCER BATS ou encore la tête d’affiche BEHEMOTH…
Vendredi 2 août 2024
Nous débutons ce SYLAK 2024 avec la traditionnelle soirée mousse et le groupe PRINCESSES LEYA. C’est sans nul doute un concert de metal mais ça ressemble aussi à une pièce de théâtre, une comédie précisément. Avec le nouvel album « Big Bang Therapy », ils viennent présenter leur nouveau show axé sur les films de super héros et une nouvelle configuration se tournant désormais vers leurs propres compos. Toujours aussi délirant, revendiquant une bêtise délicieusement geek – on pense forcément à ULTRA VOMIT – avec une touche plus subculture – et une musique à l’image du titre « Je vous emmerde et je rentre à ma maison », simple et efficace et tout à fait à propos pour démarrer ce weekend.
Plus tard LOUDBLAST assène un massif son de guitare pour clôturer en beauté cette première soirée. Puisant dans cet héritage qui a figé leur statut de groupe culte à jamais, ils délivrent un set puissant, allant de « Disincarnate », à « Sublime Dementia », soit un saut dans le temps de 1993 à nos jours. Le groupe se fendra même du « From Beyond II (The Return) » issu de son nouvel opus, « Altering Fates And Destinies », prévu pour cet automne. Stéphane Buriez a su définitivement bien s’entourer. On notera la présence derrière les fûts de Quentin Regnault de ARO ORA en remplacement de Hervé Coquerel, malade. La mousse coule à flot, on est vendredi soir et la popularité de LOUDBLAST se mesure « aux nouveaux » qui connaissent autant leurs classiques que les anciens…
Samedi 3 août
Ce matin, rendez-vous était pris avec STINKY ! On en gardait un bon souvenir depuis leur superbe performance il y a 5 ans au Hellfest. En effet, ce hardcore avec une touche mélo nous avait séduit d’entrée de jeu, professant l’émotion au sein d’un hardcore très « in your face », très « tough », STINKY réussit ce mélange singulier avec une certaine grâce. Et Même si les Nantais sont des habitués des grosses scènes, ils semblent être aux anges de jouer sur la même scène que COMEBACK KID et consorts. Un show de qualité avec toujours cette même rage, et une fanbase bien présente pour accueillir leur champion.
En voyant le spectacle hilarant proposé par INSANITY ALERT, on se demande si ces Autrichiens, fans de crossover, finiront par dépasser leur statut de second couteau. En tous cas, leur stand au merch ne désemplira pas avant un bon bout de temps. Il faut dire qu’ils ont retourné le festival. Avec leur habituel pancarte scandant leurs paroles délirantes (« Picon = Amour », en faisant une analogie avec Macron, ou une « F***k RN », etc.), on ne voit pas les 40 minutes défiler. Leur récente parodie « Moshemian Thrashody » ou la plus traditionnelle « Run To The Pit » fonctionnent à merveille, et démontrent à qui le veut le talent de chanteur « Heavy Kevy ». Plus on les voit plus on se dit que ce groupe n’est pas reconnu à sa juste valeur… Bref !
Les Moldaves d’INFECTED RAIN jouent sur un tout autre registre. Groupe de nü-djent mené par la sculpturale Elena « Scissorhands » Cataraga, il suscite notre curiosité (et pas que la nôtre à priori). Ne les ayant jamais vu, l’attente est grande de prendre en pleine face ce mélange de djent lourd et gras, imbibé au nü-metal et sublimé par le chant de Lena. Premier constat, la voix est tout à fait à la hauteur, et la présence scénique de leur immanquable bassiste, Alice Lane, et du bondissant guitariste Vidick ajoute à l’atmosphère globale très énergique du groupe Le quartet oscille entre rage et mélancolie, avec professionnalisme mais notre encéphalogramme ne va pas s’emballer pour autant ; le milieu de l’après-midi n’est sans doute pas idéal pour défendre ce genre musical. Bon mais guère transcendant.
Besoin d’un café bien frappé ? COMEBACK KID est là pour vous ! On a l’impression que le groupe donne vraiment le coup d’envoi de cette journée tant son énergie et son charisme font mouche sur un public qui fait immédiatement planer une bourrasque de poussière brûlante au-dessus de la fosse. Si il est vrai qu’il vient des terres froides du Manitoba, CBK pour les intimes, sait cependant parfaitement « réveiller les morts », réchauffer les foules et les coeurs grâce à son punk-hardcore fédérateur et ultra-énergique. Durant les 45 minutes de son set, il ne va pas relâcher la pression enchaînant les titres (« Heavy Steps », « Do Yourself A Favor », « Wake The Dead »…) comme autant d’uppercuts assénés à une foule compacte et désormais endolorie. Coup de chapeau au chanteur Andrew Neufeld qui s’époumone sans discontinuer sous une chaleur de plomb. On en redemande !
Le gros problème avec TERROR ce n’est pas la qualité de son show, de ses compos ou encore de son attitude. Non ! Tout cela est irréprochable ! C’est plutôt son temps de jeu… Set prévu = 1h mais seulement 30 minutes sur scène… Alors ok, c’est un enchaînement de tubes tous plus puissants les uns que les autres, c’est comme un shot d’A.C.E. (Agressivité / Combativité / Énergie) – une source puissante et énergisante, apportant ce regain de force et de vitalité dont l’auditeur peut avoir besoin en fin de journée. Mais réduire son set de moitié n’est pas une option qui s’envisage lorsqu’on joue à 20h devant une foule avide de « bagarre » et rassemblée en grande partie pour le groupe… Bref, il faudra nous expliquer messieurs !
Nous sommes curieux de voir le « Monster of Hard Rock » LORDI, les grands gagnants de l’Eurovision 2006. Mr Lordi lui-même nous gratifie de plusieurs discours en français, s’attirant la sympathie immédiate de la foule. Le décor de la scène est somptueux, dans un style très Beetlejuice. On chante les classiques (pour ceux qui les connaissent). Le chanteur emphatique nous invite à participer avec un « Oui, oui » (que l’on entendra résonner dans les allées du camping durant une bonne partie du weekend), entre deux lignes de chant parfaitement maitrisé.
Mais le plus curieux reste l’enchaînement après ce déluge de hard rock bon enfant avec la tête d’affiche de la soirée : ELECTRIC WIZARD. Est-ce que le groupe britannique de doom fait une bonne tête d’affiche ? La question se pose et semble légitime tant le public semble plus qu’épars lors du début de leur set… Après on pourrait aussi se demander si le concert du dit groupe est digne d’un samedi soir en festival ? Mais là, je vous arrête tout de suite car la réponse est évidemment oui car les cultissimes ELECTRIC WIZARD ne font jamais les choses à moitié et envoient un son gras, lent à l’extrême, couplé à une imagerie hautement sulfureuse.
Néanmoins, on note que cultiver une image à base de mur d’amplis, certes, est acceptable mais que le chanteur noie volontairement son chant hypnotique et suffocant dans une reverb poussée à l’extrême, et le chaos massif des guitares démontre toutes les limites de l’exercice. L’ambiance lancinante qui se dégage de leur musique est appuyée par la projection sur grand écran de films ressassant des images de cérémonies sacrificielles, de sabbats et d’orgies, voire de relations qui ne paraissent pas tout à fait consenties. En 2024, est-ce que ce parti-pris esthétique est encore défendable et ne nuit pas à l’image de la femme ? La question se pose, est posée. Mais cela n’empêche pas le groupe de défendre avec efficacité sa musique et ses incontournables « tubes » dont « Dopethrone », « Black Mass »ou encore « See You In Hell »…
Dimanche 4 août
Après un weekend passé à griller devant l’unique scène du SYLAK, on était prêts pour la fournaise et la tempête de sable qu’allait assurément déclencher ESCUELA GRIND. Nos grindeux ne cessent de tourner depuis leur apparition, et ne cessent de se faire de nouveaux amis, que ce soit dans le public ou parmi les musiciens qu’ils croisent (À ce titre CANCER BATS ne manquera pas de les saluer quand les Canadiens les verront sur le bord la scène durant leur set).
ESCUELA GRIND transpire le grindcore par tous les pores, mais pas que… le hardcore aussi, la powerviolence et maintenant le death metal, se mêlent à leur formule chimique. On assure un des meilleurs sets du weekend- avec une Katerina Economouen prof de fitness sous amphétamines – crocs acérés mais diamantés – se démène comme un beau diable, à hurler, cracher, encourager les circles-pits – et le tout sans jamais s’essouffler. On se croirait chez Basic Fit, le bruit et la poussière en plus. Le batteur, et le duo basse-guitare jouent la carte de la lourdeur et de l’étouffement, et la tempête promise arrive : nuages sortis du pit, wall of death, et un groove de bûcheron dont se régalent les musiciens (et les spectateurs avec). Le quatuor semble ravi d’être là, et c’est tout sourire qu’il accueillera ses nouveaux fans au stand merch’ qui ne désemplira pas avant la nuit tombée. Incroyable !
KEN MODE vient à point nommé déposer son hardcore aux relents noise et post’. Alors que résonnent les notes lourdes de « A Love Letter » et que le saxophone dégingandé de Kathryn Kerr vient jouer les troubles fêtes, la foule se meut lentement sur le site, écrasée par l’atmosphère bouillante de la journée. Le show est mené d’une main de maître par les frères Matthewson et leurs comparses, mais le public, pourtant rodé et bien réveillé, semble un peu perdu dans ce monde dissonant et distordu, comme évanoui dans la moiteur des vagues successives de violence sombre et chaotique. On trouve franchement intéressant de les voir évoluer en plein après-midi – sous un soleil de plomb – leur noirceur et leurs expérimentations sonores offrent un virage étrange… brut et monolithique.
Les Canadiens de CANCER BATS prennent ensuite les choses en main et font encore monter la température. Leur punk hardcore aux accents métallique et rock’n’roll ravi le plus grand nombre. Liam, leur charismatique chanteur, se donne à fond comme d’habitude. Il nous confira avoir été malade comme un chien lors du dantesque concert de Montpellier en mai dernier. Cet homme est donc invincible et toujours à fond après sept albums au compteur. Détendu et désopilant avec son français approximatif, Liam lance la machine CANCER BATS à 100 à l’heure. Les torgnoles suivent et font mal, la tension ne redescend pas – headbang à tous les coins – et les titres qui s’enchaînent donnent envie de danser, chanter et hurler à la fois.
Avec ROTTING CHRIST, on est ravis de revoir les Grecs et leur metal atmosphérique. Une heure moins diurne aurait été plus adaptée pour nous capturer dans leurs épopées macabres. C’est du bel ouvrage, on espère les revoir prochainement à l’automne lors de leur tournée européenne. Attention, un Grec peut en cacher un autre ! SEPTICFLESH déboule sur scène victorieux, devant un public déjà conquis. En effet, qui n’a pas en tête un refrain de SEPTICFLESH ? Et le quatuor va nous donner l’occasion d’en chanter une bonne partie. Que ce soit avec « Vampire Of Nazareth » ou le splendide « Anubis », le groupe a réussi à composer et à interpréter une musique exigeante et à la fois entraînante. Par ailleurs, leurs sonorités grandiloquentes s’adaptent mieux à ce bel après-midi estival. Magnifique !
CONVERGE, lui, bénéficie de la nuit tombée, et va en profiter pour nous assener vicieusement branlée après branlée. Avec un Nate Newton survolté à la basse, et un Jacob Bannon, implacable, leur show se déroule comme un rêve, chaotique et irréel. Il faut forcément bien connaître CONVERGE pour reconnaître tous les morceaux, mais le fait est que la discographie du groupe de Massachusetts est sans faute, et que leur setlist ne peut décevoir. Le concert se transforme en une sorte de rituel hypnotique où la violence des riffs assenées laisse place à la marque du groupe, expérimentation dans le son et virtuosité technique dans l’entrelac musicale tissé par chaque musicien.
BEHEMOTH va sortir le grand jeu ce soir. Un grand voile blanc où des ombres se glissent démarre le show. Un déluge pyrotechnique prend la suite, et se dévoile ensuite divers échafaudages sur lesquels les musiciens peuvent se hisser pour dominer la foule. Impressionnant. Et surtout Nergal est bien plus en voix que lors de sa prestation audiovisuelle à la Philharmonie de Paris il y a un mois. Pendant 1h30, BEHEMOTH va nous régaler d’une setlist rendant hommage à une bonne partie de sa longue discographie. En particulier « Demigod », nous semble-t-il. Le groupe possède désormais quelques-uns des plus emblématiques et anthémiques titres de death des deux dernières décennies. Et il les dégoupille comme autant de petits cadeaux pour nos cages à miel. Le son est parfait, avec des duels de guitare de hautes volées, irréprochables techniquement. Nous avons à faire des brutes, des bêtes de scène qui étalent un savoir-faire insolent. M. Nergal, de par son charisme, insuffle le supplément d’âme qui manquerait à une représentation trop parfaite. Un spectacle complet qui clôture magistralement un week-end aussi bucolique et bagarreur passé au SYLAK, rempli de bon son et de chaleur humaine comme atmosphérique. Vivement 2025 !
1 commentaire
Bernoux · 14 août 2024 à 18h30
Le festoche est bien résumé avec une très belle flamme littéraire. On reconnaît le style slyen les yeux fermés. J adore: » Katerina, prof de fitness sous amphétamines . »
Une bien belle chronique, même si l on ne voit que ma casquette en photo…;)
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