[ Chronique ] DAWN RAY’D – To Know The Light ( Prostethic Records )

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Quand j’étais au collège ou au lycée ( je ne me rappelle plus très bien ) et que les gens autour de moi se découvrait, ou se cherchait, il était fréquent de voir fleurir différents signes sur les trousses ou sur les sac à dos. Barbouillés à la va-vite au feutre ou au blanco, se côtoyaient des graffitis de SLAYER, DIMMU BORGIR, MARDUK avec des SEPULTURA/SOULFLY ou même des NIRVANA… Dans un élan provocateur, les croix inversées rencontraient les A encerclés des anarchistes, ou des croix gammées rayées, sans même sourciller ou se poser la question de la place ou de la portée de ces sigles…

Ce n’est d’ailleurs qu’en grandissant que l’on s’en rend compte et de l’incongruité de ces associations. Car on ne va pas se le cacher le black metal traditionnel ( pour ne pas dire traditionaliste ) ferait plutôt pencher la balance vers la droite et vers un patriotisme assumé que vers la gauche et une vision du monde libertaire. Cependant, quelques « résistants », quelques visionnaires semblent vouloir mélanger les paradigmes et se servir de la fureur et du souffre noir pour faire passer ces idées et renverser le processus mimétique et l’identité collective caprine qui imbibent le mouvement black metal depuis sa création. DAWN RAY’D fait partie de ces résistants ou de ces visionnaires et avec son nouvel album, « To Know The Light », vient nous présenter son/sa (ré)invention du black metal, et peut-être même son futur.

Fort de deux premiers albums, le trio n’en est donc pas à son coup d’essai et sait parfaitement où il veut nous emmener. L’album est un riche écosystème d’interconnexions entre un black metal mélodique, puissant et expansif, un violon tantôt larmoyant tantôt urgent et chaotique, et toute une foule d’inspirations folkloriques. Subtil tout en restant frontal, « To Know The Light » est fait d’un tissu sonore résistant au froid mordant de l’isolement et du capitalisme, cousu des fils soignés de la chanson folklorique issue de la classe ouvrière et de l’âpreté de l’esprit anarcho-punk superposés aux élans épiques du métal le plus noir. 

Avec des voix claires, des harmonies vocales et de nombreux passages mélodiques, on sent que DAWN RAY’D a longuement travaillé son propos et affiné son style pour concevoir un album qui dépasse la vision simpliste du metal extrême tout en misant sur la nuance et la concision pour propager son intensité. Continuant de ne travailler qu’à trois, avec une batterie, une guitare, un violon et un chant ( quelques samples et nappes de synthé’ viennent ponctuer l’album de-ci de-là mais c’est tout ), le groupe reste ainsi parfaitement lisible malgré la richesse de sa production. D’ailleurs, on passe un peu par toutes les sensations : « Go As Free Companions » est extrêmement épique et théâtral alors que « The Battle of Sudden Flame » mise tout sur l’agression et les aspects les plus directs de la musique des Anglais. L’alternance avec des passages plus folk ( « Requital », « Freedom in Retrograde » ) renforce chaque sentiment, chaque harmonie, chaque pensée.

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DAWN RAY’D définit ici la musique folklorique comme un moyen de documenter les blessures, les abus et les histoires vécues par la classe ouvrière, comme un moyen de diffuser des informations qui seraient difficilement accessibles, une vision que l’on n’a pas forcément l’habitude de voir au sein de la scène metal qui utilise trop souvent le folklore comme un vulgaire gimmick, comme un scénariste se sert du moyen-âge pour nourrir ses fantasmes médiévalistes. 

Ouvertement politiques, les paroles retracent le propre parcours du groupe à travers l’anarcho-nihilisme : de la colère et la rage, au désespoir, à une acceptation radicale des ténèbres. Mais, loin de nous imposer un quelconque militantisme, le trio cherche plutôt à ouvrir une réflexion et une expression créative autour de thèmes communs qui animent nos sociétés comme la lutte des classes, la liberté et la résistance. Le groupe cherche à projeter, mettre en œuvre et incarner ses titres : les préceptes de l’anarchisme imprégnant le paysage sonore, le rendant d’autant plus consistant et pertinent.

Bien loin de mes préoccupations proto-adolescentes, à savoir si c’était classe ou pas d’avoir un symbole anarchiste sur mon sac à dos East-Pack et si cela me faisait passer pour un rebelle à la coupe improbable, au pantalon trop grand et au bracelet à clou démesuré, ou si cela allait enfin attirer le regard de la fille de la classe au dessus qui possédait des dreadlocks roses et un pull SLIPKNOT, l’anarchisme dont il est question ici est bien celui de Proudhon ou de Bakounine et non pas celui des vendeurs de hoodie d’une braderie de n’importe qu’elle ville de province.

Malheureusement, je pense que « To Know The Light » place immédiatement le groupe à la périphérie d’une scène embourbée dans des règles auto-imposées. Car vous l’aurez compris, DAWN RAY’D ne brûle pas de Bibles, ni de bâtiments soumis à la loi d’un Dieu, il ne s’asperge pas de faux sang, mais il bouscule et ignore les idées préconçues du genre, il n’adhère en rien à ce qu’est le black metal tout en en utilisant ses aspects sonores les plus intéressants et en y injectant sa conscience politique et sociale. Il nous offre simplement des pensées de libérations, des chants de rancune et quelques maigres actes d’espoir, une manière de voir le monde tel qu’il est avec ses contradictions, ses luttes, et sa cruauté systémique. Et en ces jours sombres pour nos démocraties, je dois avouer que ça fait un bien fou.

 

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