[ Chronique ] FANGE – Pudeur ( Throatruiner Records )

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J’avais quitté FANGE, il y a un peu plus d’une année. Le groupe m’avait laissé baignant dans mes déjections, cherchant inlassablement lumière et air, ce second soleil qui ne s’avérait être que le plafonnier blafard du huis clos bruyant et assourdissant nommé « Punir ». Que reste-t-il un an après de cette expérience traumatisante, de cette domination de l’Autre ? Je remarque encore la marque des coups de ceinturon, la peur pavlovienne de la matraque, le frisson aux cris des chiens enragés, bref je suis encore largement sous l’emprise, sous le joug de la musique du groupe. Tant et si bien que l’évocation même d’un nouvel album, me fait déjà claquer des genoux et trembler en mon for intérieur.

Aux premières nouvelles, il apparaît que le groupe s’est mué en trio, laissant le batteur filer pour mieux ne pas le remplacer et laisser faire tout le travail aux machines. Chose qui va donner une teinte particulière à l’album et peut-être aux performances in-vivo. Évidemment, FANGE continue de perpétuer son oeuvre en proposant une musique extrême, tant dans le son que dans la composition mais une musique que le trio semble de plus en plus maîtriser. J’avais déjà trouvé « Punir » plus audible et sur « Pudeur », je dirais que le jeu d’équilibriste sonore auquel se prête FANGE, cette mesure dans l’excès, devient clair et affiné.

 

Si l’engagement y est le même, c’est à dire total et sans concession, on y compte aussi des variations, des évolutions. Le groupe semble d’ailleurs agir un peu comme un tueur en série qui perfectionne son modus operandi au fur et à mesure que les cadavres s’amoncellent. Si je ne me risquerai absolument pas à parler de diversification, j’ai le sentiment de découvrir un visage nouveau, un visage qui commence légèrement à s’éloigner de la rage sourde et aveugle des débuts, pour devenir plus froid et cynique, plus death aussi, un peu crust, du moins en partie.

D’emblée, le son impose le meurtre du soleil, il attaque la lumière et l’embourbe jusqu’à l’étouffer. La rythmique martelée, saccadée et mécanique, couplée à une guitare crasseuse va enterrer définitivement tout espoir de rédemption ou de salut. En moins de quarante minutes, FANGE va broyer machinalement et ratisser inexorablement tout ce qui se trouvera sur son passage, dans une épopée sadique faite de graisse et metal. J’ajouterai un bon point pour les voix qui, sur « Punir », étaient trop en retrait et qui reprennent ici une place digne de ce nom.

À ma grande surprise, plus j’avance dans l’album et plus j’ai cette sensation que le metal brut, mort et sale, s’échappe pour se réfugier dans de synthétiques et bruitistes alliances. Des relents industriels qui donnent une teinte, une atmosphère glaciale et impénétrable à l’oeuvre mais en gardant toujours cette même lisibilité, ce même griffonnage nerveux et nervuré, étonnamment sensé. La marque de fabrique FANGE est désormais indéniable mais ce chemin industriel en serait-il le futur ? Je n’en ai évidemment pas la réponse et je suppose qu’eux non plus.

En tout cas, une fois de plus le travail effectué sur ce nouvel album touche et fait mouche puisque chaque titre gratte, racle, me démange et me dérange comme un bubon, espèce d’enflure noirâtre, purulente et mal placée. Mais sur « Pudeur »,  FANGE ajoute son expertise, pratique de douloureuses incisions, de profonds coups d’un scalpel criblé de rouille, pour mieux en extraire le nectar visqueux et odorant, sorte de concentré de ce que l’humanité fait de pire, mais qui fait ici toute son essence.

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