Chronique : AMENRA – Mass VI ( Neurot Recordings ) note : ….

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AMENRA fait parti de la frange très réduite des groupes que l’on arrive à reconnaître en à peine quelques secondes d’écoute. En effet, le collectif belge s’est toujours employé à se forger un son et une âme tout à fait particulière : un mélange unique et envoûtant de doom, de post-metal et de hardcore. Presque 20 ans de bons et loyaux services, dévoué à son art, voué à produire, au gré de ses états d’âme, un matériel de haute qualité et développant par la même occasion pléthore de projets musico-artistiques, d’OATHBREAKER à BLACK HEART REBELLION en passant par CHURCH OF RA. D’un autre côté, ils le disent eux-mêmes, AMENRA n’est pas non plus le type de groupe que l’on pourrait qualifier d’imprévisible, dans le sens où c’est un projet qui a toujours eu la même vocation : la catharsis, coucher sur album ce qui devient insoutenable voire dangereux de garder en soi. Et c’est bel et bien dans cet exercice qu’AMENRA excelle selon moi, cette pureté dans l’émotion comme dans la musique, ce ressenti pénible et douloureux, si fort.

C’est donc non sans joie que je me suis jeté, à corps perdu, dans ce « Mass VI », sachant parfaitement à quoi m’attendre. J’ai personnellement toujours réussi à prendre la musique d’AMENRA pour moi, à vivre ces albums comme ils le devaient ( en tout cas c’est ce que je pense ), c’est donc pour ça que je ne peux pas en dire grand chose car, ici tout est question de ressenti, c’est une oeuvre extrêmement lourde, difficile à digérer même si l’on y adhère, car terriblement « intérieure » et « personnelle ». AMENRA parle au coeur et est donc une expérience difficile à faire partager, je vais cependant essayer de vous en faire un vif et bref aperçu…

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Avec « Mass VI », AMENRA réitère sa formule : une représentation sonore des dualités de la vie, de la naissance et de la mort, le tout distillé dans leur plus pur rituel sonore mais avec encore plus d’ambiances lugubres et une spiritualité plus sombre. Le groupe ne se révolutionne pas, il n’a que faire des révolutions, il fait simplement évoluer son palais sonore, juste ce qu’il faut pour atteindre le niveau supérieur, toujours plus haut dans l’intensité et l’oppression. Les transitions entre les passages calmes et les raz-de-marées doom-hardcore n’ont jamais été aussi puissants, efficaces et foutuement organiques. On sent l’odeur de la sueur, du sang et de la terre, la force du vent, strident ; le froid qui vient gifler les joues et crevasser les mains, les guitares colossales qui écrasent jusqu’à l’asphyxie, la lumière aveuglante, l’obscurité assourdissante, les explosions de fureur, la perte des sens, la mélancolie et la douleur, les instants fugaces de joie, un coeur qui bat, la réalité.

Cet album est comme un témoin de la « survie » de ses hommes, de ses musiciens traversant les crises de la vie : « la mort d’un parent, la maladie d’un enfant, l’incertitude de la vie, la quête du bonheur … Il y a de l’amour aussi. Et il y a la lutte envers et contre tout ce qui peut menacer cet amour. Il y a aussi le désir de trouver une tranquillité… ». De même, l’utilisation des murmures et du chant clair ne font qu’exhorter ces émotions. Que les trois premières chansons soient chantées en anglais, flamand et français c’est avant tout car on parle ici d’universalité de la condition humaine, de situations émotionnelles et intellectuelles qui transcendent les notions si limitées « de race » et « de nation ».

Je ne parlerai que de la chanson « Plus Près De Toi », véritable balafre qui m’a beaucoup touché. « Hymne à la mélancolie », elle est inspirée d’un chant chrétien du XIXème siècle, elle est un voyage pour s’approcher des choses que l’on a aimé et qui nous manquent. Grâce à sa dualité vocale, entre cris et chants clairs, elle est la preuve de la co-existence quasi-permanente des ténèbres et de la lumière, subtile et fragile. Colin H. Van Eeckhout y hurle à l’agonie, à un point tel que nous pouvons l’imaginer sur scène, se griffant, dos au public, sous un spot borgne, mettant ses sentiments à nu et paradoxalement enfermé en lui-même, terriblement seul.

« Mass VI » est un véritable ascenseur émotionnel, de l’introduction de « Children Of The Eye » à « Diaken » qui s’interrompt brusquement, en plein climax, au dernier souffle d’une vie qui rend l’âme. AMENRA a passé les dix-huit dernières années à produire une musique avec la douleur comme seule constante, le collectif belge (se) dissèque, vient exorciser les névroses de tout à chacun, les vulnérabilités les plus intimes, le chaos de la vie. En cela « Mass VI » ne fait pas exception, il ne fait que resserrer un peu plus l’étreinte, jusqu’à la fin de tout.

 

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