ELDER – Reflections Of A Floating World ( Stickman Records / Armaggedon Shop ) note : Alan Eustace.

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Avec « Lore » paru en 2015, ELDER affirmait ne pas être un groupe de stoner comme les autres. Il avait réussi à faire une des choses les plus importantes que la musique peut accomplir, c’est à dire prendre l’auditeur et le transposer dans un univers propre, dans un voyage épique à travers la musique.  Un exploit incroyable et insaisissable que seuls quelques albums de la courte histoire de la musique moderne ont réussi à atteindre ou quand les sonorités vous détourne du monde réelle et vous encapsule dans un ailleurs entièrement construit par l’artiste. Comment donc faire suite à un album aussi complet ? Comment réussier à recréer cette sensation à nouveau sans entraver la qualité et sans manquer de charme et de grandeur?

Dans le cas d’ELDER, on peut dire immédiatement que « Reflections of a Floating World » est autre chose qu’une version bis de « Lore ». Ce nouvel album se veut plus une confirmation de la vision exploratrice de « Lore », un raffinement de l’élément progressif, une évolution, tout aussi dense mais moins répétitive sur les constructions et plus cohérente sur l’ensemble. Loin de s’endormir sur ses lauriers,  ELDER a redoublé d’effort dans l’écriture, avec des ponts musicaux, des soli en pagaille et cette signature épico-floydienne dans le lead guitare qui ont fait la célébrité du groupe de Boston.

Cependant il y eu aussi eu du changement dans le line-up, un guitariste supplémentaire a été ajouté en la personne de Michael Risberg ainsi que Mike Samos aux claviers pour gagner encore en texture. Le groupe évolue désormais en quintette ce qui lui permet d’aller encore plus loin dans ces constructions sonores, gagnant un nouveau niveau de profondeur. Sur « Reflections of a Floating World », ELDER a choisi de mettre l’accent sur ces guitares aux étendues légères et aériennes comme pour mieux contraster avec le rivage rocheux et groovy mis en place en arrière-plan. La guitare de Nick DiSalvo est omniprésente, l’homme flotte au dessus du squelette, de la chair et des muscles fournis par la batterie de Matt Couto et la basse de Jack Donovan.

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Toujours plus en avant dans le psychédélique et le progressif mais en apportant sa patte, ses idées conçues autour du culte monolithique de ses « primo-géniteurs » comme YES ou KING CRIMSON, ELDER choisit de faire la part belle aux passages instrumentaux. Les pistes sont de longues odyssées sonores qui laissent donc tout le temps aux musiciens de développer leurs idées. ELDER y mélange ainsi parfaitement stoner rock et prog’, mettant chaque instrument à sa place. Le réel pouvoir de « Reflections of a Floating World » réside dans la capacité d’ELDER à établir des plans et à les exécuter de manière cohérente, intelligente, afin de créer l’alchimie et donc un maximum d’effet sur l’auditeur. On est comme constamment entraînés dans les cieux, embarqués sans difficultés par le duo DiSalvo/Risberg et leurs soli de guitares digne d’un programme spatial.  De fait, les voix se font donc discrètes et lointaines. Mais quand elles apparaîssent comme sur  « Sanctuary » ou sur « Staving Off The Truth » , elles sont réellement cathartiques et explosent dans une intensité salvatrice.

« Blind » et ses 13 minutes offre peut-être le meilleur exemple de ce qu’ELDER a voulu faire ici. Les riffs stoner épais fournissent une base extrêmement solide et dirige le titre, ils creusent le sillon sur lequel les guitares leads quasi-célestes vont venir créer les mélodies et construire les ramifications psychédéliques qui vont ainsi embarquer l’auditeur. Mais il y aussi « The Falling Veil » qui commence par des arpèges lents avant d’exploser dans un entrelacement de riffs très stoner. Une piste pleine de aspérités, un crescendo cathartique post-rock qui montre qu’ELDER est toujours aussi heavy et qu’il ne s’est pas perdu dans ses dérives progressives, raccrochant toujours l’auditeur sur la croûte terrestre lorsqu’il est parti beaucoup trop haut dans la stratosphère.

Pour conclure, je dirais que « Reflections of a Floating World » n’est peut-être pas le meilleur album d’ELDER, mais le son y est meilleur et l’écriture est cohérente, il contient de belles sensations et arrive à créer un réel « vertige » sur certains titres ( « Sanctuary », « Staving Off The Truth », « Blind » ). Long, « lourd » donc pas facilement assimilable, il demande plusieurs écoutes attentives à l’auditeur pour en découvrir tous les secrets et toutes les subtilités, la puissance des mélodies cachées dans ce tourbillon hypnotique ne se peuvent se révéler qu’après des écoutes répétées. Mais le plus excitant, au final, reste cette sensation de transition pour ELDER, cette évolution infinie vers quelque chose d’encore plus grand, plus puissant et d’encore plus complet/complexe, plein de suggestions pour les horizons futurs et les triomphes potentiels. ELDER marque encore des points avec ce nouvel opus et s’offre un avenir des plus brillants.

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