Tamás Kátai, l’homme derrière THY CATAFALQUE, a une vision qui dépasse les frontières, et ce depuis ses débuts. Il a toujours transcendé les limites, celles du style d’abord puisqu’il a explosé celles, plutôt rigides, du black metal. Les siennes ensuite, puisqu’il a fini par passer le cap du live pour son projet initialement destiné uniquement au studio… À chacune de ses sorties, l’artiste essaye de nous surprendre en faisant plus, en changeant le metal extrême, le modelant à sa façon avec plus ou moins de réussite, mettant en dialogue son univers dur et sombre avec l’avant-garde. Ce douzième album baptisé, « XII: A gyönyörű álmok ezután jönnek », se veut encore plus expansif, toujours onirique mais se rattachant à la fois à son propre passé et à l’histoire de son pays natal, la Hongrie.
Si « Alföld » (2023) était déjà revenu à une forme plus agressive, plus simple et tranchante de THY CATAFALQUE, « XII… » lui emboite le pas de la plus belle des manières, c’est à dire à grands renforts de guitares distordues, de leads planants et de rythmes puissants, tout en nous plongeant dans son maelström d’influences diverses et variées allant de la musique des Balkans au death metal, du classique au folk et au blues, sans jamais provoquer le chaos.
À travers la nuit, les montagnes menaçantes et la campagne obscure, ce nouvel opus nous plonge dans l’introspection de l’homme derrière l’artiste. « Piros kocsi, fekete éj » qui ouvre l’album provoque la nostalgie et glisse sa mélodie à travers une brume chaude faite de flûte et guitares. « Le temps claque sur les rails » chante Attila Bakos alors que sa voix rayonne avec force. Le temps semble central ici : celui qui passe, celui qui fuit, celui qui fut et celui qui sera… Bien que coloré par une nostalgie prégnante, « XII… » est également assombri par le tic-tac des aiguilles du temps… Et les doux prémices d’un « Mindenevő » ne reflètent pas sa suite écrasante.
Le temps semble foncer droit sur nous accompagné de chœurs lyriques lugubres, et des blast-beats furieux viennent y soutenir le metal le plus sombre. Tous ces instants noirs semblent intimement liés et ancrés dans l’histoire de la Hongrie. « Vasgyár » évoque les forges rouillées qui alimentaient autrefois l’économie du pays, un autre éclat du passé que Kátai partage avec ces compatriotes.
De nombreux visages familiers se joignent d’ailleurs à Kátai dans ce voyage ; de vieux amis et des nouveaux. « XII : A gyönyörű álmok ezután jönnek » présente ainsi la plus grande liste d’invités depuis le début du projet, plus de vingt musiciens apparaissent sur cet album (de Martina Veronika Horváth de THE ANSWER LIES IN THE BLACK VOID à Gábor Dudás en passant par la violoncelliste Jo Quail).
Plus loin, une sorte de saudade magyare s’empare de nous sur l’interprétation fidèle de « Lydiához », sorte de pépite enfantine du groupe SEBÖ sorti dans les années 1980 et qui nous enfonce un peu plus dans les racines hongroises avec son instrumentation classique ultra-réconfortante. Avant de s’envoler au-delà des nuages, « Vakond » s’entend comme une promenade printanière, une aventure à travers les grands espaces de la puszta.
Ici Kátai ne se contente donc pas de courir dans les rues de ses souvenirs, il s’attarde volontairement le long des chemins sinueux, à travers la campagne hongroise. Ainsi, plus vous écouterez cet album, plus vous en percevrez ses subtilités, ses aspérités, ses changements de rythme continus. Ses atmosphères immersives et ses voix polymorphes feront émerger en vous des scènes surréalistes, parfois jusqu’à l’effroi, mais elles nous montrent aussi que de belles chimères peuvent encore faire irruption.
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