Si la Nasa découvrait une nouvelle forme d’élément métallique dans ce vaste univers, elle devrait certainement l’appeler ORANSSI PAZUZU, un groupe en permanente mutation, qui repousse les limites de ce à quoi devrait ressembler la musique extrême. De leur début très black metal à leur ascension psychédélique qu’est « Värähtelijä » (2016), jusqu’à l’inclassable « Mestarin Kynsi » (2020), les Finlandais n’ont eu de cesse d’épurer leur musique, de la rendre plus minimaliste et plus hybride, de la polymorphoser, de nous habituer à l’insondable et à l’étrange. Après quatre ans de travail, ORANSSI PAZUZU nous présente enfin son nouveau chef-d’œuvre : « Muuntautuja ».
La musique apparait ici sous une nouvelle forme, mais sa chair, abstraite, paraît étrangement familière. Inspiré par ses récentes performances, par son précédent album qui avait déjà amorcé ce virage, et par toute une flopée d’artiste que l’on retrouvera sous différentes formes et à différents endroits (comme PORTISHEAD, GODFLESH ou NIN période « Downward Spiral »), le groupe a choisi de développer encore un peu plus son côté noise, électronique et expérimental, magnétique mais brut. Ainsi cette expérimentation électronique le fait avancer vers une rave cauchemardesque – la rencontre entre les rythmes dansants, les vagues oppressantes, le ressac et l’écume de la distorsion – les accords déroutent et troublent, tout se déforme dans un nuage de poussière, de bruit blanc, et de cris entremêlés.
Au coeur de « Muuntautuja », il y a comme une obscurité pure, un espace infini, sans cordon ombilical pour respirer. Tout semble rituel, avec des tonalités en mouvement permanent, résonnant de couche en couche, de rythme en rythme. Et des images… des images sombres… Du chaos et de la guerre émerge « Voitelu », alors que le malveillant « Bioalkemisti » nous manipule, et « Ikikäärme » nous plonge dans le mythe, dans le fantasme de l’immortalité, dans l’union-digestion avec le « Dieu-Serpent ».
Boa constrictor à la puissance sonore cosmique et multi-dimensionnelle, glissante et déformante, « Muuntautuja » poursuit la mue irrémédiable d’ORANSSI PAZUZU, nous plongeant dans les cordes théoriques et rhétoriques – un monde à part irradiant le cortex pré-frontal, cocktail de caféine, d’acides et d’opioïdes, de tanins malicieux assouplis, fondus, devenus plus soyeux avec le temps. « Muuntautuja » englue l’auditeur dans un cauchemar spatial et métamorphe – il est comme une sculpture faite d’un suintement électrique noir…