image article [ Chronique ] ENVY - Eunoia ( Pelagic Records )

Je me plains souvent de la rentrée, de ce mois de septembre souvent saturé de sorties et de nouveautés, que je n’ai bien souvent ni le temps, ni l’envie, d’écouter tant sa masse me paraît monstrueuse, indigeste et ridicule… Mais cette année me semble plus légère, ou alors je suis complètement passé au travers… Ma rentrée se fait donc en douceur avec ce que je considère toujours comme un évènement : un nouvel album d’ENVY, le premier en quatre ans. À quelques semaines de sa sortie, je m’y plonge donc avec une véritable joie et, je ne m’en cache pas, un peu d’excitation…

En 2020, « The Fallen Crimson » m’avait marqué par sa singularité, son inspiration, sa charge émotionnelle, ce son si distinctif et sa composition riche – comme une nouvelle ère pour le groupe grâce à la fraîcheur des nouveaux membres. « Eunoia » reprend exactement là où « The Fallen Crimson » s’était arrêté – sur cette dichotomie du calme et du chaos, et la pousse encore plus loin. Constitué uniquement de chansons qu’ENVY peut et veut jouer sur scène, « Eunoia » a été écrit autour de l’idée de la recherche d’espoir et d’inspiration dans la vie quotidienne, autour de l’idée et le sentiment de bienveillance mutuelle (ce que le mot signifie en grec ancien), tout en se sentant impuissant face au poids du monde. 

 

L’ADN du groupe est donc respecté mais la modernité pointe le bout de son nez et ce penchant pour les mélodies éthérées, déjà éprouvé sur les précédentes sorties, semble de plus en plus prégnant. Du reste, aucune des trente minutes de ce nouvel album n’est inutile, ENVY brille et fait briller ses notes et ses mots, fait respirer ou entrer en fusion… De timides parties agressives apportent le contraste parfait, l’équilibre face aux accumulations post-rock – des éclats de lumière, de chaleur et d’espoir perçant la morosité ambiante. Ainsi chaque titre me paraît être une déclinaison de la même teinte, un riche nuancier faisant varier les textures. Ils frappent ou caressent mais confèrent le même ressenti.

De même, le style vocal expressif de Tetsuya Fukagawa entre cri, chant et parlé-chanté typique et inimitable du groupe est une fois de plus au centre de l’oeuvre, nous ouvrant son intimité, ses pensées, offrant ainsi toute une gamme de voix, apportant de la perspective, de la candeur, de la rage, appuyant ou soufflant là où ça fait mal…

Les titres sont beaucoup en soi, sont nombreux en sensations, en molécules, vivantes, mouvantes et bruyantes. Ils sont à la fois un soubresaut de colère, une lamentation énergique, une puissance apaisante, une rage salvatrice, une nostalgie positive, comme une lave glaciale, une bruine acide, moisson de l’âme, mousson du coeur, et j’en passe… En somme, un album magnifique d’urgence et de profondeur !

 

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