Le metal britannique est en plein essor, la scène commence d’ailleurs à se peupler de jeunes groupes qui cherchent à apporter leur pierre à un édifice, déjà cossu, construit autour de légendes que sont IRON MAIDEN ou BLACK SABBATH… Mais loin de se conformer et de se conforter à ces « monstrueux ancêtres », les « jeunes pousses » essayent plutôt, à leur manière, d’emmener cette musique heavy vers de nouveaux horizons, dans des directions souvent plus complexes, plus intimes. À ce titre, SVALBARD peut-être vu comme un fer de lance de cette nouvelle scène, purement ancré dans son époque, bien loin du heavy de ses ascendants.
En effet, le groupe de Bristol est déjà fort de trois disques qui ont solidement forgé un style désormais reconnu et facilement reconnaissable : un post-metal noirci, teinté de hardcore, qui s’attaque à de nombreux sujets sociaux et sociétaux comme les droits des animaux, le racisme ou la misogynie. Mais SVALBARD c’est aussi Serena Cherry, une chanteuse et guitariste talentueuse, un parangon élevé au rang d’icône dans ce petit milieu, devenue en quelques années l’une des parolières et une des voix les plus passionnées et les plus passionnantes du metal actuel.
Et ce nouvel album, « The Weight Of The Mask », marque une nouvelle étape dans la vie artistique de SVALBARD, et de sa chanteuse puisqu’elle y ouvre complètement son coeur en abordant sa profonde dépression et l’isolement qui en découle, ce masque qu’elle porte chaque jour pour ne pas sombrer définitivement. Concomitant à ce dévoilement, le groupe continue de développer ses sonorités « typiques » ancrées dans la fureur et la férocité du post-hardcore mais avec des lignes mélodiques ( notamment à la guitare ) pleines d’émotions, pleines d’espoir, parfois presque chatoyantes, comme pour apporter un peu de lumière et contrebalancer la détresse de textes à vif.
Une profondeur émotionnelle qui devient maintenant palpable dans les nuances et les contrastes des morceaux. La douleur de Serena y semble incommensurable, peu importe le remède, rien ne semble fonctionner, elle ne fait que lutter, et lutter encore pour rester à flot face à une marée noire implacable. Ces flux et reflux viennent donc tempérer les « abysses » avec des morceaux comme « November » ou encore « How To Swim Down » puisant davantage dans les influences post-rock, tirant ainsi sur une corde plus sensible. Mais c’est bien l’urgence et la viscéralité implacable des « Faking It », « Lights Out » et « Be My Tomb » qui forment selon mois les moments les plus forts de l’album.
Car les morceaux, certes de qualité, ne surprendront pas l’auditeur éclairé : ils sont une suite logique de ce que produit le groupe depuis ses débuts. La réelle plue-value de « The Weight Of The Mask » réside vraiment dans ses paroles sans ambiguïté, dans leur conception directe, dans la manière dont elles nous racontent à quel point la vie peut être insupportable pour quelqu’un qui souffre, pour une personne qui se bat avec ou contre une maladie mentale. Comme beaucoup de groupes qui traitent de tels thèmes, le but de SVALBARD est donc ici d’inspirer, de donner l’envie d’écouter l’autre ou les autres, de donner la force de continuer à se battre et à affronter ces problèmes et ces troubles d’ordre psychologique. La portée en devient donc presque plus importante que l’oeuvre… Mais cela n’est en rien un défaut puisque le groupe semble parfaitement l’assumer.
En bref, je dirais que « The Weight Of The Mask » est un album cohérent et déterminé, un exercice d’extrêmes qui n’offre pas de réponse, mais qui constitue un monument important de la carrière de SVALBARD, notamment pour sa chanteuse et principale compositrice qui témoigne ici de ses expériences les plus intimes. Mais je note aussi qu’il montre un groupe continuant de grandir et d’évoluer en mettant chaque once de lui-même dans sa musique, n’hésitant pas à se montrer extrêmement vulnérable tout en faisant preuve d’une grande maturité dans sa composition. C’est plutôt louable.