En trois albums et à peine dix ans, MYRKUR s’est taillé une place de choix sur la scène metal, une niche sonore qui lui est propre. Si ses débuts lorgnait vers un post-black éthéré jouant sur les racines folk et scandinave de sa créatrice, son style a très vite évolué vers une approche plus néo-folk abandonnant même totalement la distorsion et les aspects saturés sur le paisible et bucolique « Folkesange » ( 2020 ) pour nous mener, n’en déplaise à ses détracteurs, sur son propre chemin – un vaste espace où se rencontrent folk, pop et une espèce d’esthétique pseudo-métallique…
Ayant maintenant entendu son quatrième album, « Spine », je peux dire qu’il n’est pas un retour vers des territoires noirs et sur-saturés mais qu’il a le mérite de démontrer que l’intérêt d’Amalie Bruun pour l’écriture métal n’est pas forcément mort avec « Mareridt ». En effet, ce nouvel album est une nouvelle évolution, un nouvelle ramification qui ouvre donc un nouveau pan, un mélange de différents styles déjà évoqués par l’artiste qui viennent se diluer dans des vapeur pop’ et de nombreux embellissements électroniques, synthétiques parfois presque rétro’, donnant un aspect nostalgique et cold aux titres.
Bien que le disque soit relativement bref ( à peine un peu plus de trente minutes ), il parvient néanmoins à créer un voyage musical assez varié et suffisamment riche pour réussir à nous plonger dans un tourbillon d’émotion, dans la psyché de son autrice faisant face à une nouvelle étape de sa vie de femme : la maternité. Ainsi, nous passons nous aussi par tous ces états : de l’émerveillement à la peur, au traumatisme. De l’euphorie et l’amour sans limite à l’anxiété et l’atermoiement, toutes les émotions et les sensations sont parfaitement capturées et rendues sur ce « mince » volume sonore.
Il y a ainsi plusieurs grilles de lecture à ce nouvel album et plusieurs couches musicales à tenter de disséquer : du chant serein au hurlement convulsif, des nappes électroniques presque 80’s aux guitares agressives, d’un roulement rugueux aux rythmes dansants, hypnotiques ou folk… Mais le plus intéressant reste l’ensemble, le tout, cette symbiose, cette cohérence musicale très pop – arty et pourtant disparate qui fait que chaque morceau semble contagieux, débordant gentiment sur l’autre, le contaminant et nous contaminant par la même occasion, se frayant un chemin jusqu’à notre subconscient et nous poussant parfois à le fredonner de manière incongrue, longtemps après l’avoir entendu, comme une résurgence mémorielle qui se serait ancrée, plantée spontanément.
Outre son esthétique de plus en plus « myrkurienne » – sorte de Mylène Farmer en classe de neige – ( chose qui n’étonnera plus personne et qui éloignera encore un peu les « trve » et les indignés de tout bord ), il est vrai que « Spine » renoue avec des dynamiques plus rock et une distorsion qui prend parfois une forme noircie, comme sur « Valkyriernes Sang » ou la fin de « Devil In The Detail », ou post-rock / blackgaze comme sur le morceau-titre ; là où « Like Humans » prend plutôt le parti d’un alt-rock et « Blazing Sky » ou « Mothlike » ( et son solo ) penchent vers le hard rock classique et le doom.
Dans l’ensemble, un album au format aussi serré et succinct a tendance à me laisser sur ma faim mais les écoutes rapides et successives me le rendent d’autant plus savoureux, son éventail et la force de sa respiration me sont plutôt agréables. Bruun, dans sa concision, ne fait pas qu’effleurer son sujet, elle crée ici une oeuvre profondément personnelle, une oeuvre transmissible qu’elle semble maîtriser tout en se montrant fragile, elle semble d’ailleurs s’affirmer dans son nouveau rôle, dans cette vulnérabilité maternelle, dans ses questionnements comme dans son amour inconditionnel ou son anxiété… nous offrant quelque chose de qualitatif et d’authentique qu’elle sera, je l’espère, fière de faire découvrir à son enfant…