Anonyme et bourdonnant, confondant les eaux et créant des atmosphères aliénantes, le collectif belge de B R I Q U E V I L L E hante les conduits auditifs de son public depuis une dizaine d’années et quatre albums au compteur. Doté d’une force singulière et sans visage, le groupe revisite les dogmes du doom, du post-metal, de l’ambiant à travers des mouvements hypnotisants ( les « Aktes » qui désignent ses titres ), denses, obscurs et mystérieux où s’insèrent des plages de réflexions électronico-cinématographiques…
Alors que l’hiver fait son retour, B R I Q U E V I L L E dévoile sa dernière expérimentation, « IIII ». Le collectif revient à des rythmes palpitants et répétitifs, des mélodies éthérées et maussades, mais avec cette fois-ci une présence vocale plus proéminente qui amène encore un peu plus de profondeur à son vaste espace d’expression.
Ainsi, « IIII » ne s’oppose pas à « Quelle » mais il prend un chemin annexe, changeant subtilement de tonalité, cherchant dans les détails à nous suggérer, à nous plonger dans une immobilité qui confère parfois à l’ennui. Mais un ennui maîtrisé, morne, un ennui partagé, beau, essentiel. En supprimant le volume, la pression et la lourdeur, au profit de synthétiseurs marmoréens et de rythmes lents, catatoniques, presque drones, B R I Q U E V I L L E se répand en méditations infinies d’une indolence enchanteresse. Seules quelques guitares s’écoulent de-ci de-là comme un paresseux mais implacable flux de lave qui viendrait ronger les terres glacés, alors qu’une voix claire et douce nous guide de sa lumière tamisée et intermittente, se faufilant entre les nappes froides et les courants plus chauds…
Et c’est là sans doute le point le plus important de « IIII » : c’est une œuvre qui privilégie les atmosphères, qui s’installe lentement et qui ne se termine jamais vraiment. Certains la considéreront comme trop cinématographique, presque trop énigmatique car elle sort peut-être trop du carcan « classique » des fans de post’ pour s’aventurer vers des territoires expérimentaux et ambiants. B R I Q U E V I L L E continue ici de tisser son oeuvre complexe, d’empiler les « actes » sans pour autant les bâcler ou les brader, et si il se penche nettement sur les atmosphères, il faut peut-être le voir dans la globalité, comme une nouvelle série de signes inscrite sur la grande fresque sonore que le groupe a débuté il y a plus de dix ans maintenant.