Entretien avec Serena de SVALBARD : « Je ne pense pas que quoi que ce soit puisse me guérir… »

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À quelques jours de la sortie du nouvel album de SVALBARD, nous avons pu poser quelques questions à la chanteuse et guitariste du groupe, Serena. L’occasion de parler un peu d’elle et des paroles très personnelles de ce nouvel album…

Salut Serena, comment vas-tu depuis le Hellfest ?

Très bien. Ce fut un été plutôt chargé pour nous…

On peut donc enfin parler de votre nouvel album, « The Weight Of The Mask », qui sortira début octobre… Sur celui-ci, il semble que vous avez souhaité approfondir les parties mélodiques, mais c’est aussi un album profondément triste. Peux-tu nous parler de la composition, de l’évolution de votre son ? Sur quoi avez-vous le plus travaillé ?

Bien sûr, oui. En terme de mélodies, c’est toujours quelque chose que je souhaite faire évoluer, qui évolue continuellement à chacune de nos sorties. En ce qui concerne la façon dont nous avons écrit celui-ci, je crois que ça a été l’album que nous avons mis le plus de temps à composer. Cela nous a pris deux ans pour écrire toute la musique. C’est principalement Liam ( guitariste et chanteur ) et moi qui composons. On se retrouve souvent autour de quelques riffs qu’il a en stock puis j’écris mes leads mélodiques par-dessus. Après on répète tous ensemble et on discute des idées avec le batteur et le bassiste. 

Enfin, une fois toute la musique de l’album terminée, c’est là que j’écris les paroles. Le thème de cet album est clairement la dépression, et comment cela affecte votre relation avec vous-même, comment cela affecte votre relation avec les autres, comment cela vous isole de vous-même et des autres. Je voulais vraiment me plonger dans la réalité de la maladie mentale et non pas juste de mon expérience à ce sujet parce que je traversais une très mauvaise passe à ce moment là, une véritable crise. Je pense que la dépression est tellement englobante que lorsque vous traversez une mauvaise passe ou une période difficile, il devient très difficile d’écrire sur autre chose ou de penser à autre chose donc cela a pris une grosse part de l’album.

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D’accord. Donc cette fois-ci, tu a choisi d’aller plus loin dans les paroles, personnellement, en nous ouvrant ton cœur. Je suppose que le processus a été difficile pour toi ? Et comment gères-tu ça ?

Je trouve toujours le processus d’écriture des paroles assez douloureux parce qu’écrire des mots aussi profonds vous fait souvent vous sentir assez vulnérable et ouais, c’est presque un peu une arme à double tranchant dans le sens où tu prends quelque chose qui te fait du mal et tu essayes de le transformer en chanson et cette transformation semble au départ positive parce que tu le sors de toi. Après tu te dis c’est cool, il y a maintenant une chanson sur cette période sombre que j’ai vécue, donc quelque chose de bon vient de la douleur. Mais d’un autre côté, la chanson devient aussi un rappel de cette douleur et de cette mauvaise expérience. Ça ressemble vraiment à une épée à double tranchant… Écrire des paroles pour SVALBARD n’est pas du tout un processus facile, c’est comme si je me déchirais le cœur et que je me le mettais sur le bras pour que tout le monde puisse voir tout le sang dégouliner.

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J’ai l’impression que tu ne parles pas juste de toi, que tu parles de maladie mentale en général. Est-ce que tu veux ouvrir les gens au sujet ?

Certainement, je pense que c’est vraiment un facteur clé dans les paroles. Je pense que dans la société, nous nous sommes améliorés dans la façon de parler de la santé mentale, mais pas nécessairement dans la façon de parler de la maladie mentale. Nous pouvons donc parler de santé mentale facilement, vous savez ce que vous devriez faire pour essayer de vous sentir mieux et tout est vu de manière très positive bien qu’il reste évidemment encore beaucoup de chemin à parcourir… Mais quand vous parlez de maladie mentale et la réalité de ce à quoi cela peut ressembler, c’est plus compliqué. Donc oui, je veux vraiment qu’on en parle, je veux que les paroles de cet album résonnent avec tous ceux qui ont lutté ou qui luttent contre la dépression et leur donnent le sentiment qu’ils ne sont pas seuls dans ce cas. Moi aussi, je passe par là…

Vous en parlez avec les autres membres maintenant ?

Je ne parle pas vraiment des paroles avec les autres. Non, pas vraiment, peut-être un peu avec notre bassiste, Matt. Parfois nous avons ce genre de discussion, de maladie mentale et tout ça, mais ce n’est pas vraiment quelque chose qui fait partie des conversations dans le groupe.

Penses-tu que seule la musique peut te « guérir » ?

Je ne pense pas que quoi que ce soit puisse me guérir…

Ça ne te fait même pas te sentir un tout petit peu mieux…

En fait, je pense que la musique rend la vie digne d’être vécue. Et être capable de me perdre dans la création musicale est l’une de mes choses préférées, c’est le truc que j’apprécie vraiment le plus dans la vie… Être perdu dans la création musicale, autant que possible. Je pense que la musique peut être stimulante et unificatrice et qu’elle agit en quelque sorte comme un langage différent, comme un langage plus significatif,  plus profond. Quel est le mot ? D’une manière moins tangible que la manière très « structuraliste » du langage. Je pense que la musique est définitivement un énorme point positif dans ma vie mais je crois aussi que la réalité de la maladie mentale et la dépression ne sont pas des choses qui peuvent être guéries. C’est quelque chose…

Avec lequel tu dois vivre…

Oui exactement.

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Donc, sur cet album qu’est-ce qui est le plus important à tes yeux, la musique ou les paroles ?

Je ne sais pas trop, j’ai l’impression que la musique représente l’espoir parce que les parties mélodiques sont vraiment mélodiques, certains des leads sont presque euphoriques, presque joyeux, ou peut-être doux-amer mais il y a définitivement une forme de joie dans mes parties de guitare solo et dans la musique en général et c’est là que la bascule vers une forme d’espoir s’opère, en contraste avec la douleur qui réside dans mes paroles. C’est un très grand contraste, je décrirais ça un peu comme si la musique était la lumière au bout du tunnel, alors que les paroles seraient le tunnel au bout de la lumière. Et c’est ce contraste qui, à mon avis, est la chose la plus importante de l’album.

Si j’ai bien compris, tu préfères donc composer que jouer en live ?

Je préfère composer, ouais, c’est ce que je préfère dans un groupe, écrire de la musique, m’asseoir et de me laisser perdre dans les idées. Ouais, je pourrais faire ça toute la journée. Chaque jour serait un nouvel état de bonheur dans lequel me plonger.

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Parce que je t’ai vu sur scène plusieurs fois et ton style est si si puissant, poignant. Je pensais vraiment que tu adorais jouer en live.

J’aime aussi jouer en live bien sûr. C’est aussi l’une de mes choses préférées au monde. C’est incroyable.

Je t’ai même vu pleurer au Hellfest… ( Rires )

Ouais, le Hellfest était presque irréel. C’était comme un rêve devenu réalité, alors… C’était génial, mais je crois qu’il y a trop de choses qui peuvent mal tourner lors d’un show, qui ne sont pas prévisibles et je pense que c’est, pour moi, une source de stress supplémentaire…

Penses-tu qu’il y ait un espoir de laisser tomber le masque à la fin ?

Hmmm… J’ai l’impression que le masque est actuellement un mécanisme de défense. Et j’ai l’impression que cela vient à la fois de l’intérieur, et aussi du côté « précieux » de notre société qui fait qu’on ne veut pas laisser apparaître nos côtés négatifs. Je pense qu’en tant que société, nous sommes devenus assez réalistes et tolérants mais nous ne sommes pas très doués pour gérer des choses qui ne sont pas heureuses ou qui ne vont pas dans notre sens et ce genre d’atmosphère en général me fait me sentir obligé de porter un masque quand je ne me sens pas bien. Alors j’ai l’impression que pour le moment, le masque est un mal nécessaire.

C’est pourquoi tu adores SLIPKNOT… ( Rires )

Et GHOST ! ( Rires )

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Et maintenant, c’est quoi la suite pour vous ?

Et bien, l’album sort donc le 6 octobre puis on part en tournée. On joue au Soul Crusher Festival en Belgique, puis je crois à Paris et quelques dates en Allemagne et au Royaume-Uni. Nous jouerons aussi au Beyond The Redshift avec CULT OF LUNA à Londres, ce qui sera génial, très bon line up là-dessus. Et puis nous sommes en train de finaliser certains projets de tournée.

Vous êtes encore super occupés…

Pour l’année à venir, ouais ! Nous aimons rester occupés et surtout, après les confinements, le fait de ne pas avoir pu jouer donne vraiment envie de tourner le plus possible maintenant.

Un dernier mot ? Quelque chose que tu veux partager ?

Je voudrais juste dire un immense merci à tous ceux qui soutiennent SVALBARD. Écoutez-nous de quelque façon que ce soit, nous apprécions vraiment. Nous ne sommes pas un groupe qui vend des tonnes de disques donc ce soutien nous aide vraiment et nous permet de continuer à créer, à nous passionner et nous battre, à tourner et à jouer en live. Nous apprécions vraiment que les gens se soucient de ce que nous faisons. Merci et à bientôt.

Merci beaucoup Serena. À bientôt.

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