Trois ans après son troisième album, l’excellent « Underneath », sorti du néant oppressif des différents confinements, CODE ORANGE est de retour, à coups de communication bien huilée, prêt à libérer son digne successeur et à le faire courir et ramper sur tout le globe terrestre pour mieux le dévoyer… Partis de la scène hardcore underground au milieu des années 2010, les Américains n’ont jamais cessé d’évoluer avec une volonté de toucher le plus de monde possible, de convertir tout en s’affirmant et en restant foncièrement imprévisible, mystérieux, instable ( dans le bon sens ). Cette nouvelle épreuve baptisée « The Above » reste sur cette même lignée, dans cette vision conquérante et versatile de la musique que le groupe a toujours développée, même si cette fois c’est peut-être plus personnel, plus inné.
Si il est limpide que son évolution l’a d’abord fait passer du hardcore underground au metal plus traditionnel, « The Above » franchit une nouvelle étape, offrant un album aux multiples facettes qui laissera l’auditeur lambda dérouté, confus, tant il joue sur la variété d’influences et d’idées mais qui sont toutes, je trouve, plutôt bien amenées et savamment agencées pour ne pas non plus donner l’impression d’un gigantesque copié-collé sonore. « Underneath » avait d’ailleurs déjà amorcé ce côté plus expérimental, ce côté plus industriel et électronique avec notamment l’ajout de nappes de synthé’ et l’intégration de paysages sonores étranges et inquiétants.
Mais « The Above » va nettement plus loin et pose les jalons d’un nouveau CODE ORANGE se situant désormais quelque part entre ces mêmes éléments indus’ – électro’ et des sonorités axées nü-metal, alt-rock 90’s ( qui semblaient déjà pointer le bout de leur nez sur « Underneath » si je me souviens bien ). Et n’en déplaise à certains, ça fonctionne plutôt bien car tous ces sons contrastés et juxtaposés, la dispersion de ces idées n’empêchent cependant pas la cohérence, la fluidité et l’homogénéité. J’ai l’impression qu’il y a toujours cette volonté d’engendrer la stupeur et l’étonnement, cette sensation de coups d’agrafeuse sur les structures et les mélodies qui vient ainsi briser la quiétude apparente.
« Never Far Apart » démarre sur une forme de trip-hop déstructuré nourrie au piano avant d’exploser dans un metalcore saccadé. Des morceaux comme « The Mask of Sanity Slips » et « A Drone Opting Out of the Hive » versent dans un metal bien plus accessible, très influencé par les 90’s, avec des refrains accrocheurs, des chants clairs puissants, des guitares sous effet… Alors que « The Game » et « Grooming My Replacement » envoient du pur metalcore, énergique, agressif, hermétique. « Mirror » se révèle être une simple ballade rock grungy, très séduisante quand on est comme moi un gosse des 90’s. Le tube-bonbon « Take Shape », met même en vedette ce bon vieux Billy Corgan de SMASHIN’ PUMPKINS avec un refrain purement rock, très enthousiasmant, qui nous rappelle les plus belles heures des CDs samplers Rock Sound…
Et cette énergie juvénile, cette mémoire adolescente, va continuer de se déverser avec « Snapshot » et « Circle Through » plongeant presque vers le pop punk, vers le côté « skate », pour une bande son presque lycéenne mais toujours teintée d’une certaine amertume, de cette patine grise typique des Américains et dont ils barbouillent chaque titres – cette sensation d’instabilité, ce vernis craquelé qui à tout moment peut nous faire basculer dans l’obscurité la plus profonde, un peu comme dans un roman de Bret Easton Ellis.
La nouvelle mue de CODE ORANGE risque donc de faire couler encore beaucoup d’encre : certains les taxeront d’opportunisme, d’autres les verront comme des fétichistes d’un passé qu’il aurait fallu ne pas déterrer, d’autres encore se demanderont où s’arrête la nostalgie et l’hommage et où commence le foutage de gueule…
De mon côté, je trouve que « The Above » incarne à la perfection les éléments des genres qu’il traverse. Il les fait sien, il les revitalise, en lui adjoignant sa propre modernité, sa verve et sa vibration mais aussi cette épilepsie artistique qui définit assez bien notre époque. Ensuite, je pense que cette pseudo-insistance à s’accrocher au passé est une volonté, une determination, mais aussi le reflet des influences qui ont construit CODE ORANGE, et comme on le sait très bien avec les Américains : un album ne fait pas l’autre. Sur ce nouvel album, le groupe continue donc de brouiller les pistes en nous plongeant dans une esthétique néo-musclée / rocky mielleuse. Vous en reprendrez bien un peu nan ?