Playlist Sound Protest de juin – Une Lettre.

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Extérieur jour. En direction de la boite aux lettres, le pas est pressé, l’appréhension forte, les gestes mal assurés. Entre mes doigts se glisse une enveloppe de papier, blanc. Mon nom y est écrit au feutre, noir. 

Bruit de déchiquètement, raté, gourd – zuckungzuckungzuckung – Battement sincère, psychique et organique à la fois, puissant. Le froissement anxieux du papier au moment de la lecture s’aligne sur la cruauté de la conjugaison. La syntaxe est froide, limpide, brute, sans détours. Je parcours avec célérité ces alignements de caractères dont le sens glace mes sentiments, ma perception.

Intérieur nuit – Je lis, je relis – zuckungzuckungzuckung. 

Je déchiffre plus d’a dans l’e, complexes et explicatifs, ainsi que d’autres mots malheureux, qu’un simple présent de l’indicatif, ou que cet e qui se love dans l’o, qui l’englobe pour presque l’effacer et créer ce mot, pur et beau. Ce mot ou ces mots que je cherche et j’espère à chaque saut de ligne, que mon corps souhaite plus que tout – plac. 

Mouvement rapide des paupières, clignements – ploc. 

Le bruit sec des larmes, amères, qui roulent sur mes joues et s’écrasent sur la lettre – plac – essayant d’effacer ces mots si durs – ploc – cherchant à redonner vie au papier aride et froissé – plac – saccadant la lecture, en rendant difficile la compréhension ( mais peu importe ) – ploc.

Je jette enfin les dernières gouttes d’une relation qui signifiait beaucoup – ploc – déliant les lettres, séparant les syllabes, en changeant le sens, faisant dégouliner l’encre pour en extirper ma détresse – plac – traçant des formes, aquarelle morne détruisant l’horizon, brouillant le lendemain – ploc. 

Mes mains tremblent, mes tempes bourdonnent – zuckungzuckungzuckung – et ce coeur qui continue de me frapper le thorax, qui tabasse – zuckungzuckungzuckung – qui résonne, et qui fait jaillir la souffrance par tous les pores, m’affaiblissant mais me rendant soudain plus vivant, plus humain – plocplocploc. 

Je m’accroche, je broie le papier en sanglotant, j’agrippe mes doigts moites à ce petit bout de ouate – plac – la mémoire de ma peau contre ta peau – ploc – et je m’efforce de garder intact le souvenir de notre dernier contact… 

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