[ Chronique ] THE OCEAN – Holocene ( Pelagic Records )

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Depuis plus de 21 ans, le collectif berlinois THE OCEAN étend ses eaux troubles et troublantes à la surface du globe. S’articulant autour d’un noyau dur formé par le guitariste Robin Staps et le chanteur Loïc Rossetti, le groupe développe depuis plus de dix ans une série d’albums inspirés des périodes géologiques de notre bonne vieille planète. Ce nouvel album « Holocene », soit l’âge de l’Homme, qui clôture le cycle, se rapproche donc terriblement de nous, nous susurre à l’oreille et prend donc une forme moins directe, beaucoup plus réfléchie.

Construit sur des idées avancées par le synthé’ de Petr Voigtmann, le disque se meut, dérive dans un onirisme fiévreux, très emprunt d’électronique, comme pour ramener la plus grande invention de l’Homme, la machine, au centre de cet « Holocene ». Les huit morceaux qui en résultent sont parmi les plus variés et les plus expérimentaux que THE OCEAN ait proposé, offrant une diversité rafraîchissante tout en ne perdant jamais sa lourdeur tellurique.

Qui dit nouveau voyage dit nouvelle destination et le chemin emprunté ici est donc différent des travaux précédents. Si le style THE OCEAN reste reconnaissable, il se veut plus doux, plus mélodique, plus sinueux ( notamment dans le chant de Loïc Rossetti ). Le crescendo et la progression sont toujours les maîtres-mots mais l’accent est mis sur la technologie rappelant parfois le travail de MASSIVE ATTACK ou de NINE INCH NAILS. Les éruptions métalliques se font donc plus rares mais sont adroitement placées et redoublent d’intensité. Ainsi, le trio d’ouverture de « Preboreal », « Boreal » et « Sea of Reeds » flotte dans ce nouveau design très synthétique, très « transhumaniste ». 

L’idée d’épaisseur et de pesanteur semble vouloir se démontrer sans l’utilisation de l’indispensable « gros riff », on mise avant tout sur les atmosphères denses, étouffantes, comme sur la fin de « Preboreal » où guitares, claviers et cuivres se mélangent pour mieux nous asphyxier… Cependant, rassurez-vous, il y a encore de grands moments de distorsion où THE OCEAN remonte à la surface et plombe ses mélodies avec un riff massif, comme sur « Atlantic » qui si il commence sur des ambiances trip-hop finit dans une explosion, ou sur « Subboreal » dont le chant hurlé vient fracasser les digues et fait trembler les falaises synthétiques. Le groupe a complètement changé son angle d’attaque en mettant les claviers au centre des compositions mais les riffs ne paraissent pas non plus déconnectés ou tombés de nulle part, ils s’intègrent, s’ancrent dans ce nouvel environnement, créant de la nouveauté et donc de l’excitation chez l’auditeur, ainsi qu’un album relativement éclectique.

Le point culminant reste cette fin envoûtante, « Unconformities », sur laquelle apparaît la voix de Karin Park ( ÅRABROT ) qui vient merveilleusement s’accorder, une fusion parfaite entre le synthé’ et la disto’, faisant le pont entre deux océans, celui du passé et celui du présent. La guitare et le chant y entrent à peu près à mi-parcours pour finir dans un assaut des sens dont peu de groupe sont capables.

« Holocene » nous plonge dans les 11 700 dernières années de notre planète et vient fermer le chapitre dit « géologique » qui a servi THE OCEAN depuis le début de sa carrière. Cependant, il évite d’être ( musicalement comme thématiquement ) rageur ou en colère contre l’état actuel de notre monde, il met plutôt en lumière les expérimentations sonores, les théories du complot, l’obsession pour la jeunesse éternelle, le transhumanisme etc.

Son côté plus électronique et « easy-listening », mais sournois et complexe dans ses structures attirera certainement les critiques ( que je vois déjà poindre ) mais il semble être extrêmement important pour la suite. Cet album est-il un passage, une ouverture vers autre chose ? Où le collectif compte-t-il aller la prochaine fois ? Seul l’avenir nous le dira…

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