[ Chronique ] CATTLE DECAPITATION – Terrasite ( Metal Blade Records )

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Il arrive parfois qu’à l’écoute d’un album ou d’un groupe, je me pose la question de savoir si la portée politique, spirituelle, écologique ou tout autre engagement d’une oeuvre supplante son intérêt musical, sa portée purement artistique. En somme : est-ce que le message devient plus important que la création ? Et surtout comment continuer à faire passer ce message, en conserver son importance tout en restant pertinent artistiquement ?  À ce titre les maîtres du deathgrind CATTLE DECAPITATION attisent selon moi ce type de réflexion, tout comme d’autres ( NAPALM DEATH par exemple ). « Terrasite » répondra-t-il à ses questions, à ses attentes ? 

Oui et non. Quatre ans après l’excellent « Death Atlas » et une pandémie mondiale plus tard, CATTLE DECAPITATION, véritable cassandre de l’apocalypse écologique est toujours dans le vrai et colle à notre réalité. Ses prédictions ( certes un brin hyperboliques ) d’il y a vingt ans comme d’il y a cinq ans sonnent aujourd’hui plus que réelles voire ont dépassé la réalité. Et bien que beaucoup s’y soient essayés, aucun groupe ne décrit l’extinction programmée de l’humanité avec autant de réussite, d’urgence et de nihilisme que CATTLE DECAPITATION. Difficile donc, autant conceptuellement qu’artistiquement, de dépasser à chaque fois un album aussi audacieux que son prédécesseur. Mais après tout faut-il absolument vouloir le dépasser à tout prix ?

« Terrasite » reste de toute façon singulier dans le milieu du metal extrême : épique, jusqu’au-boutiste et protéiforme. Musicalement, je ne vous cache pas qu’on reste dans la droite lignée de ce que fait le groupe depuis quelques années : des blasts agressifs, des riffs abrasifs, de belles cassures aux allures de dégringolades, le tout soutenu par des claviers qui accentuent le côté épique et bien sûr l’approche vocale atypique, variée, extra-ordinaire de Travis Ryan qui me bluffe à chaque fois un peu plus. L’intensité qui caractérise la musique des Américains est toujours présente mais se teinte ici de guitares ambiantes et chargées d’effets, de claviers un peu plus mis en avant, de mélodies supplémentaires qui apportent un peu de nostalgie à la panique.

Au niveau du concept par contre on peut noter quelques évolutions, de l’artwork aux textes, avec notamment une sortie de l’ombre à la lumière – l’horreur de notre monde se déroule désormais « en plein jour et aux yeux de tous » selon les dires de Ryan qui a lui-même créer le mot-valise « Terrasite », signifiant tout simplement « Mangeur de Terre » ( la planète, pas l’élément ). Il joue ici avec le terme de parasite, et renvoie l’Humanité à son rôle prépondérant, pro-actif, dans la destruction de notre planète. L’artwork signé Wes Benscoter en est d’ailleurs la parfaite illustration.

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L’album est donc ainsi jalonné de désespoir, de rage, de colère, d’incompréhension, d’anxiété. Les dévastations intimes telles que la perte d’amis chers à Ryan et au groupe ( les suicides de Gabe Serbian, co-fondateur de CATTLE et deTrevor Strnad de THE BLACK DAHLIA MURDER ) s’additionnent, s’ajoutent au désastre planétaire. « Just Another Body », plus personnel, compte ainsi autant que l’oecuménique « We Eat Our Young ».

Si « Death Atlas » sonnait pour le groupe comme « une espèce d’achèvement ultime », le summum de son art, sa seule façon de continuer à avancer était de renaître, il était nécessaire que « Terrasite » essaye d’aller un peu plus loin ( pas trop non plus ) dans son concept comme dans ses textures sonores tout en conservant son intégrité. Ce personnage central mi-humain mi-cafard, confus et apeuré, qui s’extirpe de son cocon, de sa coque dans laquelle les insectes enferment leurs oeufs pour mieux se démultiplier et coloniser, peut s’apparenter à l’Homme qui filera s’agglutiner avec ses congénères pour mieux se reproduire et mieux détruire, mais il peut aussi se voir comme la renaissance du groupe sous un jour nouveau – une nouvelle évolution sur la même trajectoire, anormale, singulière, aboutie et pertinente, de bout en bout. Le message passe…

 

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