[ Report ] KATATONIA & SÓLSTAFIR, SOM // Trianon ( Paris ) – 19/02/23

C’est toujours impressionnant de pénétrer dans une salle comme le Trianon : sa pourpre, ses grands escaliers, ses balcons, ses moulures et son ambiance feutrée. Je ne sais pas pourquoi mais en ce dimanche soir de février je me sens d’humeur rêveuse, comme happé par l’atmosphère de ce théâtre parisien. Je me dis qu’on a de la chance de pouvoir profiter de ce type de lieu, agréable et « noble », de pouvoir se délecter de son histoire et déambuler dans sa salle de bal et son jardin d’hiver qui ont dû voir défiler Mistinguett ou La Goulue, magnifique. Je remercie Garmonbozia Inc. de continuer à organiser des soirées ici ( et ailleurs ). Bref, ce soir nous sommes donc à Paris pour accueillir deux pontes du metal et du rock scandinave que sont KATATONIA & SÓLSTAFIR. Les deux groupes font escale dans notre chère capitale après déjà un mois de tournée européenne ( également en compagnie de SOM ). On s’attend donc à des shows rodés mais aussi peut-être un peu de fatigue…

Le premier groupe à fouler les planches ce soir est SOM. Un quatuor américain que j’avoue ne pas très bien connaître. J’ai dû en entendre un ou deux titres de leur premier album « The Shape Of Everything » et aussi une très bonne reprise de Billie Eillish. Je sais seulement que SOM est composé de certains membres de CASPIAN et de JUNIUS. On a donc ici affaire à du post-metal / shoegaze de très bonne facture, vu le pedigree des musiciens en lice. Le son est bon, clair et précis. Le public semble bien répondre aux assauts aériens du groupe notamment grâce à un chant très en avant, très haut perché et blindé d’effets, qui contraste avec la lourdeur des riffs et qui n’est pas sans me rappeler DEFTONES. Malgré une communication laconique et un set court mais intense, SOM semble apprécier son passage et le transmet à son auditoire, une bonne entrée en matière.

À peine quelques minutes pour se désaltérer que la scène du Trianon voit débarquer les cowboys islandais de SÓLSTAFIR. Après une tournée des festivals cet été ( Hellfest et Motocultor entre autres ),  le quatuor est déjà de retour dans nos contrées… Et c’est toujours un plaisir pour moi de les voir en salle tant j’ai du mal avec eux en festival, tant je trouve l’ambiance et l’atmosphère, l’énergie dégagée, souvent décalée par rapport aux sentiments que fait apparaître, que génère en mon for intérieur la musique de SÓLSTAFIR. Sensation étrange que cela ne colle pas, non pas pour les autres ou pour le groupe, cela doit venir de moi et de mon état d’esprit « festivalier », alors que j’apprécie énormément la musique de SÓLSTAFIR et qu’elle m’a accompagné bien souvent. 

Je pensais entendre les titres du dernier album « Endless Twilight Of Codependent Love » ( 2020 ), mais à ma grande surprise le set du soir ne sera composé que d’un seul titre issu de cet opus et aucun de « Berdreyminn » ( 2017) . Les Islandais ont plutôt axé leur show sur les vieux mais classiques « Köld » ( 2009 ) et « Svatir Sandar » ( 2012 ) ( sans oublier les tubes « Fjara » et « Ótta » qui viendront clôturer le set ) offrant au public un spectacle beaucoup plus rock et dynamique, voire agressif. Un choix qui peut étonner mais qui leur va bien et qui semble bien fonctionner avec le public. Le groupe est déchaîné et je dois avouer que je les ai rarement vu comme ça. On retrouve tout ce qui fait sa force mais avec le supplément d’âme qu’apporte le live. Les guitares sont un peu plus agressives que sur album, la basse ronronne, le chant se fait plus versatile, parfois à la limite, presque crié, et pourtant les titres vivent, vibrent d’émotions et restent marqués de leur empreinte sonore singulière. Niveau jeu de scène, il y a un fossé ( qui prête à rire ) entre l’impassible et « somnolent » guitariste Pjúddi, le fougueux bassiste Svabbi aux superbes nattes et le leader Addi qui se déplace sur scène tel un félin nourri au dandysme, excité et rageur, allant jusqu’à invectiver les spectateurs assis au balcon, marchant sur la rambarde de la fosse, se retenant sur les nombreuses mains tendues tout en chantant et déclamant ses textes… Beau et intense ! Un show que je ne suis pas prêt d’oublier de la part d’un groupe que j’ai pourtant vu et revu !

Les changements de plateau sont très rapides ce soir. Une petite vingtaine de minutes et le Trianon est à nouveau plongé dans le noir et la brume. KATATONIA entre en scène au son de « Austerity », extrait de « Sky Void Of Stars », son dernier album, mis à l’honneur ce soir. Longtemps absents du circuit ( pas loin de six années sans les voir tourner dans nos contrées ), les Suédois sont attendus et la foule réagit positivement à chaque titre, applaudissant et accompagnant les refrains. Malgré l’absence du guitariste Anders Nyström ( pour raison familiale ), remplacé au pied levé par l’ex-ENTOMBED, Nico Elgstrand, le groupe déroule son set en toute simplicité, sobre et sans chichi. Noyé dans les ambiances sombres, dans un brouillard qui peine à se dissiper, je ne vois pas trop l’intérêt des bannières et du fond de scène à l’effigie de l’album mais passons… Les tubes du dernier album ( « Birds », « Opaline », « Atrium »), déjà bien assimilés par le public, s’ajoutent aux plus anciens qui déchaînent la foule, la symbiose du vieux et du jeune crée une ambiance chaleureuse et mélancolique à la fois.

Le son est vraiment bon une fois de plus, assez équilibré. Jonas Renkse en Cousin Itt, caché derrière sa masse de cheveux, déambule sagement derrière son micro et pose parfaitement sa voix. Le guitariste Roger Öjersson vient compléter le tableau avec des vocaux maîtrisés, plus hauts, plus vastes qui viennent se mêler idéalement à ceux de Renkse, ils transmettent ainsi toute l’étendue émotionnelle des morceaux. On voit souvent les limites des voix claires dans le metal, trop souvent faussées par l’abus d’effet, limitées, ou couvertes par la puissance du rythme et de la distorsion, rarement un groupe arrive à retranscrire l’intensité et la subtilité d’une production studio et pourtant KATATONIA semble réussir le pari tant on reconnaît les titres dès les premiers mots, sans fausses notes, sans accrocs. La portée n’en est que plus significative et extrêmement satisfaisante. « Atrium » ou « My Twin » résonnent encore dans ma tête alors que le groupe se présente pour les rappels ( « July » et « Evidence » ) et sort discrètement sous des ovations bien méritées.

Le retour à la réalité et à la saleté du pavé parisien me fera regretter la beauté froide des paysages scandinaves et s’avèrera d’autant plus difficile après ces quelques moments d’extase en compagnie de trois groupes aux talents différents mais étonnement complémentaires… À très vite, j’espère.

Merci encore à Garmonbozia pour cette magnifique soirée…