[ Chronique ] HYPNO5E – Sheol ( Pelagic Records )

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Un nouvel album d’HYPNO5E est toujours l’occasion d’une aventure singulière et profonde, une réflexion et une exploration des géographies extérieures et intérieures, aussi lointaines et mystérieuses soient-elles. Cette fois-ci, le défi semble différent puisqu’il s’agit aussi de recomposer avec une nouvelle formation tout en gardant ce cap, cette évolution constante entamée il y a plus de quinze ans. À mes yeux, chaque sortie du groupe communique avec la suivante, formant des échos, s’inscrivant dans une continuité, une réminiscence, une prescience…

Et je suis heureux d »entendre que « Sheol » ne marque pas de rupture avec les précédents travaux du quatuor ( malgré les changements de personnel ). Il est même une référence immédiate à « A Distant (Dark) Source » ( 2019 ) et « Alba, Les Ombres Errantes » ( 2018 ) puisqu’il renoue avec la Bolivie ( pays d’origine d’Emmanuel Jessua, le chanteur et guitariste ) et les rivages du lac Tauca pour se confronter à sa propre mémoire, à ses fantômes. 

« Sheol » est, dans la Torah, le lieu où se dirigent les âmes après la mort afin de retourner à l’état de poussière, et il est désormais également un morceau du cycle HYPNO5E, une exploration de thèmes déjà abordés sur « A Distant ( Dark Source ) » mais sous un jour nouveau, une nouvelle narration, une vision à la fois lointaine et brumeuse, mais chaleureuse et évocatrice. Ce nouvel opus conserve toujours les aspects cinématographiques du groupe mais sonne plus lumineux, plus suave et progressif. HYPNO5E semble même à certains moments s’éloigner du côté dur et métallique pour plonger dans le psychédélisme chaleureux des années 70 à grands renforts d’harmonies vocales et de mouvements volontairement rétro’, voire jazzy ( « Bone Dust », « Lava From The Sky » )« Sheol » compte ainsi plusieurs ensembles à la richesse émotionnelle aussi impressionnante que passionnante. Plusieurs ensembles qui s’imbriquent subtilement, formant un tout qui fait scintiller la nostalgie et fait passer l’auditeur de l’ombre à la lumière, inexorablement.

La formule qui a fait le succès du groupe reste donc inchangée mais se veut plus profonde, plus délicate notamment grâce à l’apport des cordes et de percussions minimalistes, de cliquetis mystiques, qui permettent de maximiser les passages saturés et écrasants. L’intégration des échantillons poétiques ou filmiques se fait très naturellement et nous plonge au coeur des réflexions et des pensées du groupe. L’album s’écoute d’ailleurs comme tous les précédents d’une traite, nul besoin de pause ou de temps morts tant la narration est fluide mais il nécessite cependant une attention de chaque instant pour en percevoir toutes les aspérités, les anfractuosités, les récits entrecroisés, les liens qui unissent l’ensemble des morceaux. « Sheol – Part II – Lands Of Haze » sort de l’obscurité, apporte la lumière avec fracas, expose le liens ténus, « Tauca – Part I – Another » se densifie progressivement pour exploser en « Lava From The Sky »; après une introduction mystique, « The Dreamer And His Dream » écrase et saccade, « Slow Steams Of Darkness – Part I – Sacred Woods » et « Slow Steams Of Darkness – Part II – Solar Mist » éclatent lentement et nous ramènent à l’ombre, à la finitude brute, avant que tout ne recommence, encore et encore. 

Sur « Sheol », tout semble loin et proche, étranger et familier, les mélodies et les voix sont insidieuses mais puissantes, elles nous hypnotisent et nous guident sur le chemin, à travers la mémoire et les spectres qui, tantôt nous entourent, tantôt nous laissent dans un vaste désert lacrymal. Tout est contraste, nuance, clair-obscur, et sfumato sonore. HYPNO5E propose ici une oeuvre sensorielle et lumineuse, poétique, complexe et bouleversante. Si on daigne prendre le temps de s’y plonger, de s’y noyer, de s’en imprégner jusqu’à (res)sentir et presque toucher du bout des doigts la terre salée, immaculée, le mystère Tauca s’estompera alors, peu à peu. 

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Un commentaire

  1. c’est un disque intéressant et une bonne surprise dans un genre musical le plus souvent dans la médiocrité

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