Playlist Sound Protest de janvier – Sacacomie.

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Dans mon esprit s’accroche une image, la carte postale d’une matinée de janvier au cours de laquelle il ne sait rien passé, ou presque. Je marche lentement, en silence, au bord de la route. Quelques arbres squelettiques, et de fiers conifères aux épaules larges et chargées dardent leurs épines. Je chancelle dans cette nature figée, immaculée et prise au piège. Ma respiration est profonde et crée de petits nuages dont l’environnement qui m’entoure semble se nourrir avec avidité. Je m’assois face au lac entouré de petites maisons de bois, je n’arrive pas à savoir si toute cette masse blanche m’apaise ou me pèse. 
Ce paysage sclérotique, sorte de tableau presque monochrome, m’éblouit, me force à parpeléger puis à fermer complètement les yeux. Lorsque je les rouvre, rien n’a bougé. Seul un léger rideau de flocons, levain mystique que je peine encore à distinguer, commence à s’abattre autour de moi. Loin sur la gauche, entre deux grandes colonnes résineuses, quelque chose est en mouvement et me fait sortir de ma pseudo-méditation touristique. Un petit point noir apparait dans l’immensité crayeuse, il file de la gauche vers la droite, traversant curieusement l’ étendue de glace. Ce jeune « xalibu » comme le nommait les Micmacs déclenche en moi un étrange engouement. D’un bond je me lève et subvocalise diverses formes d’encouragements de peur de briser le silence. Passé l’émerveillement des premières secondes, je me sens épris d’une (com)passion instinctive pour ce jeune cervidé. Le souffle court j’observe ses petits sabots qui claquent et claudiquent sur la glace comme un tambour détraqué. Je décortique sa démarche qui peine à se structurer, entre sauts, glissades, arrêts, petits trots et pas assurés : urgence, détresse et prudence. Ne pas penser, juste voir. Ne pas savoir, ne pas glisser, juste avancer. 
Puis il a traversé et soudainement disparu de mon champ de vision. Il m’a laissé seul, frustré, avec mon imaginaire contre lequel je lutte inutilement tant son appétit est insatiable. Définitivement, je ne le reverrais jamais, j’essaie donc de l’imaginer, de le faire galoper dans mes pensées – appétit du savoir. Mais je me rassois alors sans entrain, m’allonge complètement sur une congère et me laisse écraser par la masse blanchâtre, par cet horizon sans démarcation. Je le sais, il ne se passera rien d’autre, rien de mieux aujourd’hui. 

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