Playlist Sound-Protest de décembre – Épiphanie.

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Il y a quelques temps, en Judée, dans la ville de Daoud, appelée aussi Bethléhem, vivait un couple, Youssef et Maryam, tous deux originaires de la région. Maryam était enceinte de son premier enfant. Et, un jour comme un autre, vint le moment où Maryam dût accoucher et cela arriva, et elle mit au monde un fils. Elle l’enveloppa de langes et le coucha dans l’unique pièce, vétuste et exiguë, de leur appartement. Au même moment, à quelques kilomètres de là, il y avait des bergers qui passaient la nuit dans les champs pour y garder leur troupeau, mais aussi des amis et de la famille du jeune couple, et des mages venus d’ailleurs, suivant les étoiles qui brillaient au firmament. Et, sentant que quelque chose était en train de se produire, ils se dirigèrent vers la cité. À tous un ange apparut et resplendit autour d’eux. Ils furent immédiatement saisis d’une grande frayeur, et lui présentèrent une carte d’identité bleue, ou verte pour certains. 
L’ange leur dit: « N’ayez pas peur, tout va bien se passer si vous êtes en règle. Que faites-vous ici et où allez-vous donc ainsi ? Que transportez-vous dans vos bagages ? ».
Soudain l’armée céleste se joignit à l’ange, entoura le groupe et commença à le fouiller à hauteur du check point 300. Toutes les affaires furent retournées, les sacs plastiques vidés. Par terre furent jetées les maigres trésors des voyageurs : des breloques plaquées d’or, des bâtons d’encens et quelques fioles d’huile essentielle de myrrhe. Mais on ne trouva rien de suspect. Cependant, ils étaient tellement impatients, qu’ils pressèrent l’armée céleste qui, par excès de zèle, discuta, pérora, et digressa durant des heures, et finit par les empêcher d’aller plus avant en Bethléhem. Et alors chacun dût regagner son pays par un autre chemin.
Maryam et Youssef, ainsi que leur nouveau-né restèrent donc seuls. L’enfant hurlait dans la ville de poussière, derrière le haut mur de béton brut et sous un soleil de plomb. Ils ne surent jamais ce qui s’était joué un peu plus tôt, mais savaient parfaitement ce qui se jouait tous les jours sur ces hauteurs. Terrifiée par leur situation précaire et par un avenir plus qu’incertain, Maryam se mit à pleurer doucement, sans bruit, pour ne pas effrayer plus le nouveau-né. Youssef quant à lui se jura de garder le souvenir de tout cela, et de le méditer dans son coeur. D’un bond, il se leva, voulut fuir à grande enjambées et ne jamais se retourner. Il jeta un regard à Maryam et à leur enfant. Dans un geste de colère, il frappa un des maigres murs de l’appartement puis sortit. Dans la rue, il serra fort ses poings et retenant ses cris de rage, il frappa une cannette qui jonchait le sol. Il jeta un oeil à sa montre et marcha jusqu’à l’arrêt de bus le plus proche. Il s’acheta un billet pour Jérusalem, où il se rendit après avoir passé sans trop d’encombre le check point.
Et il retrouva ses collègues pour boire un café et fumer une cigarette, en silence. Il pris ensuite son poste et balaya sans relâche les rues de la ville « trois fois sainte » salies par les hordes de pèlerins, avant de refaire le chemin en sens inverse à la fin de la journée pour mieux retrouver les siens, et essayer tant bien que mal d’élever son fils. Dans cette prison à ciel ouvert, enclos de béton armé où le soleil semble briller sans discontinuer, on entend des cris et des pleurs, des petites histoires comme celle-là et de grandes lamentations, d’inconsolables enfants dont les ballons ont été crevés par les barbelés, des graffitis, et de la poussière, et encore de la poussière, aussi divine soit-elle…

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