On ne sait jamais à quoi s’attendre avec le prolifique DEVIN TOWNSEND. Toujours sur plusieurs projets, toujours à s’activer, à créer, à ne jamais vraiment cesser d’avancer et de triturer ses méninges pour proposer de la nouveauté, l’artiste canadien a vécu ces dernières années non pas comme un coup d’arrêt ( même si foncièrement cela en était un pour les tournées, les répétitions, les enregistrements, les sorties, etc. ), mais comme un moyen de faire les choses autrement, de se retrouver seul face à ses créations. Après le luxuriant et foisonnant « Empath » ( 2019 ), Devin a donc fait face à la pandémie; et ce qui en est ressorti a pris la forme de ce nouvel album sobrement intitulé « Lightwork ».
Assemblé à partir d’idées qu’il a eu lors des différents confinements, ce nouvel album nous entraîne vers l’intime, vers l’exploration de soi et les méandres de nos sentiments personnels. Là où « Empath » était centré autour d’une gigantesque collaboration musicale, collage stylistique ou fourre-tout génial, très intense et parfois presque impromptu, « Lightwork » est né du seul cerveau de l’artiste épaulé par son producteur et ami de longue date, GGGarth Richardson. Le producteur a avant tout aidé Townsend a aller au bout de chaque piste, de chaque idée et de les structurer pour en faire une collection cohérente et percutante.
Beaucoup plus facile à appréhender donc pour le commun des mortels, « Lightwork » parle simple ( du moins en surface ), parle positivement, parle au coeur et dégouline de l’âme du Canadien. On connait sa capacité à faire passer des émotions et lorsqu’il la canalise dans des titres directs avec des refrains puissants comme « Lightworker » et « Call of the Void », cela fonctionne immédiatement. La première partie de l’album nous montre toute sa capacité à créer des mélodie entêtantes et « relaxantes » ( « Moonpeople » en tête ).
Le déséquilibre et le grain de folie n’arrivent qu’avec les choeurs et les claviers électroniques de « Heartbreaker » où l’on comprend que l’artiste veut nous montrer une autre de ses facettes, un peu plus taciturne, excentrique mais lunatique ; sorte de voyage cosmique en Absurdie. Le dansant « Dimensions » embrasse le MINISTRY des années 80′ et nous ramène sur Terre, alors que « Heavy Burden » et « Celestial Signals » sonnent comme des hymnes puissants et imparables. Au loin, l’anecdotique « Vacation » nous entraîne sur le sable chaud et l’eau turquoise des Bahamas…
Plus on plonge dans les strates de « Lightwork » plus on s’infiltre dans les anfractuosité cérébrale de Townsend et plus il apparaît difficile d’en décrire les effets et les sensations. L’album semble progresser vers un monde bio-électronique, nous emmenant un peu partout à la fois, tout en ne nous perdant jamais, notamment grâce à la voix de Devin qui éclaire chaque morceau. Au bout de la jetée, « Children of God » scintille de couleurs vives et brillantes, de structures floues, de textures imprécises, confuses, comme le reflet de l’incapacité de l’artiste à prédire son futur et quelque part, le nôtre.
Bien que préférant foncièrement la musique proposée sur « Empath » ( si on compare les deux albums ), je comprends néanmoins mieux la démarche très immersive et intime de « Lightwork ». Il est le résumé d’une période et d’un état d’esprit que le Canadien a traversé ces dernières années et il peut facilement me ramener à mes propres sentiments, à mes propres joies, mes propres peines, à mes questionnement, mes échecs et mes envies. En gardant toujours sa sincérité et son authenticité, Townsend nous offre donc un lien indéfectible entre lui, sa musique et nous ; ce beau phare blanc, immaculé et lumineux, qui nous protègera des terrifiantes tentacules de l’avenir et nous guidera à travers les tempêtes intérieures…