[ Chronique ] A.A. WILLIAMS – As The Moon Rests ( Bella Union )

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J’ai découvert A.A. WILLIAMS avec son premier album « Forever Blue » en 2020. Un album aux allures de promenade dans les méandres intérieurs de l’artiste, qui alternait le chaud et le froid, le metal et le rock, le post’ et le classique pour un résultat très intimiste et fragile. Évidemment, j’ai tout de suite pensé à CHELSEA WOLFE, un peu inévitable lorsque l’on parle d’une artiste solo plutôt orientée rock que metal, très goth’ et doomy, mais pas que… Et puis surtout, j’ai eu la sensation d’avoir face à moi quelque chose de différent qu’une simple copie ou inspiration.

La pandémie et les différents confinements ont par la suite poussé A.A. WILLIAMS à se réinventer, à transformer ces instants « perdus » en une expérience positive et un dialogue continu avec ses auditeurs grâce à ses vidéos de reprises « à sa sauce » et suggérées par les fans ( « Creep » de RADIOHEAD, « Be Quiet and Drive » de DEFTONES, etc. ). « Songs From Isolation » est donc né de cette période, et par exemple il a été pour moi quelque chose d’assez fort tant dans la façon dont elle a repris les titres que dans la façon dont elle les a partagés avec le monde.

Cette année, la Britannique revient avec son second album baptisé « As The Moon Reste » et on peut dire qu’elle est attendue au tournant ( déjà par moi et sûrement par d’autres ). Si j’avais trouvé « Forever Blue » très prometteur pour un premier album, je dois d’emblée avouer que ce nouvel opus le dépasse largement tant dans sa production que dans sa composition. On sent immédiatement que A.A. WILLIAMS, très pointilleuse et perfectionniste ( de par sa formation classique je suppose ), a pris son temps, a peaufiné chaque arrangements, chaque textures, pour que cela sonne comme elle l’a souhaité. De même, on sent plus de confiance dans sa voix notamment sur les passages lourds où elle laisse exprimer toute sa force et sa puissance sans jamais surjouer. Comme elle me l’avait confié lors de notre interview post-Hellfest, cet album c’est « Forever Blue » mais en puissance 10, tout est mieux, tout est plus réfléchi. « Forever Blue » passe pour un brouillon, une super insula où l’artiste avait mis un peu tout ce qu’elle avait sur le coeur sans vraiment faire le tri.

« As The Moon Rests » est donc la suite d’un voyage, son amplification, mais aussi son élucidation. Pour cet album, A.A. ne s’est pas contentée de jouer tous les instruments mais a composé les cordes pour un ensemble d’une dizaine de personnes atténuant ou du moins nuançant les aspérités métalliques par des orchestrations somptueuses et élégantes, ce qui renforce sa dimension dramatique, cathartique et cinématographique.

« Hollow Heart », « Evaporate », « Murmurs », « Pristine », « The Echo » ou même la plus simple « Alone In The Deep », il n’y a pas de temps morts, presque que des temps forts, et tout n’est qu’équilibre et justesse. Les émotions palpitent lentement, pulsent, bourdonnent et traversent les morceaux toujours à la limite du chaos. L’impact de la voix de WILLIAMS est profond et embelli, accentué par une composition précise, limpide mais ouvragée. 

Comme annoncé, « As The Moon Rests » est donc une progression en tout point. À travers ses émanations introspectives, l’artiste vient nous labourer le coeur, va chercher en profondeur, réussit à créer des mélodies remarquables, des refrains accrocheurs, touchants, bouleversants et donc inoubliables. Le coeur en ébullition, on comprend qu’elle se parle autant à elle qu’à nous, se rassure autant qu’elle essaye de nous rassurer, nous parle d’amour et de lien indéfectible entre les personnes, ou entre deux parties conflictuelles de nos propres êtres. Elle essaye de se comprendre et de s’accepter plutôt que de chercher à se cacher ou s’annihiler, elle assume cette fragilité pour en faire une force, la partager. Grâce à son art, en se livrant ainsi, elle semble pouvoir guérir, faire le bien autour d’elle et je suis persuadé que ça marche. 

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