Playlist Sound Protest de septembre – Superfluité.

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Un soir d’avril, avec la Bande, nous sommes remontés du port vers les hauteurs de la ville. Pour, comme on aimait à le dire : « faire une soirée ». Nous étions presque tous là, heureux et insouciants, cherchant juste à se perdre dans les pulsations mystiques de la musique électronique. Vers la fin de la nuit, épuisés, allongés devant une station service, sur le goudron frais, les jambes tremblantes et la cervelle encore en ébullition, les rires semblent prendre toute la place. Untel cherche à allumer une cigarette, alors qu’un autre joue avec la pierre de son briquet, on se partage quelques gorgées de bière. Certains ont chaud ; dans un élan grégaire d’autres se serrent contre les autres comme des hamsters en cage. Pas parce qu’ils ont froid, non, juste parce que cela fait du bien de sentir qu’on est ensemble. Mes jambes sont lourdes, mes pieds solidement ancrés sur ce parking, pétrifiés par les produits, mon coeur tambourine encore mais ma tête est définitivement ailleurs. Pas en pleine réflexion, non, pas du tout. Bercé par les esclaffades et la mosaïque des sourires, une sensation de chaleur m’envahit, c’est doux et mauve, je n’ai pas peur, pas du tout. Dans un dépouillement mental quasi-total, je ressens mais ne pense plus, comme une grande réinitialisation spirituelle où plus rien n’a réellement d’importance que cet unique moment, ces rires. L’espace de quelques secondes, tout autour de moi disparait, le réel se dépouille de sa substance, de sa parure concrète. Mon cœur s’apaise, je relâche mes muscles – enfin – et laisse s’éveiller cette minuscule pomme de pin qui se niche au creux de mon cerveau, je m’abandonne au monde. Je nous vois, flottants dans les débris de Saturne et les larmes de Vénus, dérivant à grands éclats de rire, sans direction précise – pour une fois – à travers une obscurité suprême. J’ai souhaité que cet instant ne finisse jamais, qu’il soit noyé sous des myriades de pétales, de roses et de violettes, qu’il reste beau, qu’il reste ainsi pour l’éternité, caché sous les décombres de nos vies, et qu’on ne finisse plus d’en rire. Depuis, beaucoup de chemins ont été empruntés. Nous nous sommes peu revus. Il ne me reste donc que ce tout petit souvenir déjà grignoté, comme un crouton de pain, celui que j’aime tant, qui craque délicatement sous la molaire avant de finir, comme tout le reste, en charpie, miettes humides, mie poisseuse, et de disparaître définitivement dans le Grand Égout de notre monde.

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