[ Chronique ] GAEREA – Mirage ( Season Of Mist )

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GAEREA est un groupe qui avance masqué, à couvert. Il fait partie de ceux qui décident de ne pas se mettre en avant, de rester sobres et minimalistes, totalement dévoués à la musique tout en gardant une identité forte. Et on peut dire qu’au fur et à mesure de ses sorties, le groupe arrive à s’insinuer, à se tailler une place sur une scène extrême paradoxalement attachée à ses traditions et en manque de renouveau. Sans toutefois révolutionner le metal noir disons moderne, les Portugais y impriment lentement leur marque : ce masque désormais bien connu et une énergie cathartique qui leur est propre.

GAEREA revient donc avec « Mirage » qui s’inscrit dans la continuité de « Limbo » ( 2020 ). Un album que le groupe définit comme puissant et fondateur autant pour eux que pour nous. En effet, jusqu’à maintenant, le groupe était tenu par une seule et même personne, Guilherme Henriques, qui créait tout. Mais ici, GAEREA fonctionne comme une entité, et cela se ressent dans les titres. Quelque chose a changé, a évolué. On sent plus de confiance et de force malgré la tension, l’intensité et l’intangibilité qui traversent l’album, ces montagnes russes émotionnelles qui évoquent autant la tristesse et l’introspection que la folie et l’exaltation. Au fil des titres, le groupe nous expose toutes ces zones d’incertitude, ces abstractions dans lesquelles nous baignons en permanence, nous transportant au fond de gigantesque palais oniriques pour mieux nous inciser douloureusement avec un scalpel de réalité brute.

Produit par Miguel Tereso, connu pour son boulot au sein de la scène brutal death, « Mirage » sonne grand, puissant, écrasant mais pas écrasé. Il ne se perd pas dans les caveaux délabrés baignés de brume mais reste organique, épique et cherche avant tout à nous atteindre, à nous toucher, à nous faire vibrer, et cela fonctionne.

GAEREA parvient toujours a crée une atmosphère singulière : quelques arpèges, une accalmie avant l’explosion de blasts et de distorsion, de subtils détails saupoudrés de-ci de-là élaborent un tout emprunt d’urgence et d’imprédictibilité. Il n’y aucune formule consacrée, le groupe se laissant plutôt porter par les vagues lancinantes, assonantes ou dissonantes, qui viennent nourrir son désespoir et sa souffrance. Les riffs inventifs envoutent,  ou torturent, frôlent l’avant-garde, mais restent aérés et donc parfaitement lisibles. Le bien nommé « Deluge » s’accroche et ne lâche plus, oppressant de bout en bout avec ce crochet qui vient vous transpercer à chacun de ses assauts. « Arson » est une épopée magnifique notamment grâce à son riff épique, sa petite mélodie entêtante, ses solos majestueux, ses nuances et nombreux changements de rythmes. « Mirage » est une éruption cathartique alors que « Mantle » ressemble plus à une guerre-éclair. « Laude » finit l’album dans un souffle de mort noire, minimaliste mais efficace comme ce susurrement « We Are Gaerea » que l’on peut entendre juste avant l’acmé, et ce riff solennel où l’on perçoit une nappe chorale quasi-liturgique comme pour bien nous faire comprendre que GAEREA est désormais une unité.

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À noter que le chant joue un rôle majeur dans le message. Parfois en retrait, mais toujours très intense, Guilherme Henriques semble tirer profit de son expérience pour proposer différentes modulations, pour s’incarner et incarner ce masque sombre, sauvage et mystérieux, prenant corps à travers ces cris bouleversants, atteignant ou repoussant parfois ses limites mais décuplant ainsi son retentissement.

Les Portugais frappent donc fort avec ce « Mirage » plus cathartique que jamais, peut-être moins « primitif ». Ce masque doré à la feuille qui trône fièrement est en passe de changer le bout de chiffon noir qu’il était jusqu’à présent. Ainsi GAEREA oeuvre pour son art, un metal sombre qui s’efforce de nous parler, de nous faire réfléchir. Plus orné, plus délicat mais aussi plus solide et uni que jamais, le groupe semble vouloir identifier nos craintes, nos peurs, nos contradictions et arrive à travers cet anonymat à les expérimenter, à nous les faire ressentir et à nous les faire embrasser tant notre regard ne peut que se concentrer sur le message. 

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