Toute personne qui fréquente le milieu metal de près a déjà eu affaire avec les Polonais de BEHEMOTH et leur leader charismatique, Nergal. En effet, cela fait une trentaine d’année que le groupe opère sur scène et qu’il est devenu, à force d’un travail acharné et d’un talent qu’on ne peut nier, une des entités de metal extrême les plus connues au monde. Évidemment, du black obscur des débuts il ne reste que peu de choses tant BEHEMOTH a évolué, sans non plus trop se dénaturer malgré les pérégrinations parfois discutables de son maître à penser comme son passage en tant que juré dans The Voice – Pologne, son projet parallèle folk ( ME AND THAT MAN ) ou ses diverses aventures judiciaires pour blasphème ( qui par ailleurs ont largement contribué à la publicité et la popularité du groupe ). Néanmoins, ce que j’accorde à Nergal c’est, au-delà de son talent, le fait d’avoir fait connaître à un public plus large le metal extrême, et ce sans l’avoir vidé totalement de sa substance.
Mais ce n’est pas ce qui m’intéresse aujourd’hui. Là, je viens d’écouter leur nouvel album « Opvs Contra Natvram » et la question des attentes se pose. Qu’est-ce que j’attends vraiment d’un nouvel album de BEHEMOTH ?! Bon déjà, je ne me suis pas ennuyé. J’ai pas eu le temps l’album dure à peine trois quarts d’heure. Le contenu ? J’ai lu quelque part qu’il était considéré par ses protagonistes comme l’album de la maturité ( non mais sérieux ? ), avec des titres concis, frontaux, et taillés pour le live. Ok, ça me va ! C’est vrai que c’est bien fait, solide, et qu’une fois passé le son hollywoodien et aseptisé, ainsi que l’absence de plus en plus marquante d’odeur de soufre ou de camphre, on peut se laisser porter et accepter que le groupe tente un revirement vers quelque chose de plus « simple », sorte de retour à des titres moins épiques, nettement moins ambitieux et moins « expérimental » que « I Loved You At Your Darkest » ( 2018 ) qui avait reçu un accueil mitigé, mais en conservant un côté accessible ( chose difficile ).
Je pense qu’incontestablement le succès de « The Satanist » ( 2014 ) masque et continuera de masquer les efforts suivants du groupe tant il est un album extraordinaire et certainement inégalable. Après, il ne faut non plus tomber dans le catastrophisme et raison garder : ça reste du bon BEHEMOTH. Maintenant, est-ce leur meilleur album ? Non puisque pour moi c’est « The Satanist ».
Leur black death à l’esthétique très poussée, théâtral, toujours anti-religieux et versé dans le satanisme ( les titres en latin et tout le toutim sont de sortie ) reste cependant ici très efficace ( plus d’un groupe aimerait pouvoir sortir ce genre de compositions ). Je vis de bons moments mais rien de bien nouveau et surtout rien qui ne ressort vraiment. J’ai un sentiment général d’homogénéité qui, pour un album des Polonais, me dérange ( Où sont les « Blow Your Trumpets Gabriel » ou les « Ov Fire and Void » ? ). J’aime bien le groove rampant de « Once Upon A Pale Horse », la force d’un « Neo-Spartacvs », ou la puissance évocatrice d’un « Thy Becoming Eternal » mais il y a pour moi des morceaux qui ne sont pas à la hauteur, des titres un peu trop faciles et identifiables jusque dans leurs micro-arrangements ( « Disinheritance », « Ov My Hercvlean Exile » ).
Souvent le final des albums de BEHEMOTH est important, il ouvre les perspectives et offre un moment épique ( cf. « O Father O Satan O Sun! » ) . Ici, « Versvs Christvs » qui joue sur un piano et des choeurs avec un tempo assez lent, plutôt bon, ne va pas non plus assez loin pour moi ( six minutes tout de même ). Un peu à l’image de l’album, il manque quelque chose qui me donne un sentiment d’inachevé…
Tout ceci n’est qu’une hypothèse mais peut-être que cet album n’est pas la direction que le groupe souhaitait vraiment prendre, qu’il a choisi de faire un album taillé pour la scène afin de jouer sur ses acquis, de ne pas se perdre et de ne pas perdre son public. J’espère me tromper car ce n’est pas le genre de Nergal et sa bande de courber l’échine devant ce type de considération.
Au final, j’ai l’impression d’un BEHEMOTH qui fait du BEHEMOTH, sans y croire vraiment, un peu « contre-nature » et non pas dans l’opposition comme il l’a toujours fait ( opposition à l’Église, aux croyances, à la justice de son pays, etc. ), comme il s’est construit en fait. Au contraire, le groupe semble faire un pseudo-pas en arrière ( j’aurais presque préféré un pas de côté ) dans une quête insensée, un défi vaste et laborieux pour n’importe quel artiste, celui de dépasser le jugement d’autrui par rapport à son apex et renouer avec le succès…