J’aime la nuit, et je crois qu’elle me le rend bien. Souvent, elle m’enveloppe de son voile, me couvre pour mieux me cacher. J’aime sa capacité à éteindre les incendies qui ravagent mon coeur – nuit refuge. Nuit que j’illumine de mes pensées absurdes, que le jour vient à chaque fois effacer.
Nuit où tout est permis, tous les caprices.
Nuit qui déclare la guerre au jour, qui refuse de s’en aller, de partager son temps, de voir les graminées jaunir, de voir les fruits s’abêtir, de voir l’horizon vert s’affaisser, de voir le monde s’aouter.
Nuit et ses cris, ses murmures, ses échos, ses voix dissonantes et ses résonances, ces instants partagés où l’on réfute autant le retour à la geôle crinoline et infantile que le lendemain salarié.
Nuit où je consens à suspendre mon incrédulité, à me raconter des histoires enivrées et enivrantes.
Nuit rêveuse, qui suspend le temps, le dilate pour garder un peu de cette fraîcheur, mais pas trop non plus, juste ce qu’il faut pour continuer d’y croire.
Nuit sans souvenirs – fondu au noir.
Nuit dans laquelle je me jette à corps perdu…
Dans les rues oranges, je titube sous les enseignes parfois bleues, parfois rouges sanguines, parfois statiques, parfois clignotantes, souvent lancinantes. Les yeux embués, je regarde les couples se jalouser, les ivrognes oublier, les fumeurs disparaître, les gens s’amuser, les corps se mouvoir. Je m’adosse à la paroi, m’enveloppe de mon drap nuiteux, je contemple la pulsation binaire des néons roses, et la succession des flashs blancs de l’écume nocturne qui, je le sais d’avance, n’amènera dans son ressac que des coquilles vides…
Pourtant, « cette nuit-là finit mieux que beaucoup d’autres. »
