Interview de VILE CREATURE – Rencontre avec le duo originaire de l’Ontario versant dans le post-doom – queers et patrons d’une boulangerie vegan dans « la vraie vie », amoureux des animaux, ouverts sur le monde, engagés politiquement etc. 

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Au Hellfest, il n’y a pas que des blackeux aigris, des anciens en manque de sensations fortes, des jeunes en recherche de sensations, des coreux bas-du-fronts qui veulent exhiber leur musc’ ( et leurs beaux tatouages ) ou faire la bagarre dans le pit, il n’y a pas que des simples vacanciers qui viennent pour boire de la bière discount en essayant de mater des nichons sur écran géant pendant le concert de STEEL PANTHER, non, vraiment il n’y a pas que ça ! Il y a aussi des groupes comme VILE CREATURE. 
Et oui, une fois de plus si on ne se contente pas des mainstages, on peut aussi tomber sur des artistes étonnants comme ce duo de l’Ontario versant dans le post-doom, queers et patrons d’une épicerie vegan dans « la vraie vie », amoureux des animaux, ouverts sur le monde, engagés politiquement, attentifs aux droits humains, etc.  Un groupe qui mérite qu’on s’y arrête tant KW et Vic sont attachants et à mille lieux des « metalleux classiques ». Comme quoi, et quoiqu’en disent ces détracteurs, le Hellfest est aussi un lieu d’ouverture et de partage…
Je crois que c’est votre première fois au Hellfest, non ? 

KW : En effet, c’est notre première fois au Hellfest ainsi que notre première fois en France tout court.

Comment s’est passé le show ? Comment le public a réagi ?

KW : Plutôt bien autant que je sache. C’est assez dur à dire quand tu es sur une scène. Ici, le public est assez loin. Mais il semble que ça s’est bien passé.

J’ai vu que vous aviez un batteur sur scène mais je pensais que vous étiez que tous les deux ?

KW : Oui, pour cette tournée nous avons un batteur, c’est un ami à nous qui s’appelle Adam McGillivray qui vient de Toronto et qui joue dans différents groupes…

Ce n’est pas trop dur de jouer tôt le matin ?

Vic : Ouais, honnêtement, ça va. J’aime bien jouer tôt le matin parce qu’alors tu as toute la journée pour faire ce que tu veux ensuite. Mais j’avoue que si j’étais pas loin de chez moi, je crois que je rentrerais à la maison juste après pour dormir et voir mes chats…

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Votre dernier album est sorti il y a deux ans, quel regard portez-vous dessus aujourd’hui ?

KW : En effet, il est sorti il y a exactement deux ans jour pour jour.

Vic : Nous espérions jouer tous ces shows juste après l’avoir écrit et sorti. Alors, je ne sais pas, on se sent toujours très connectés à la musique et à tout ça mais j’ai juste l’impression qu’on a dû traverser une autre sorte de catharsis parce qu’on a dû attendre deux ans pour le jouer enfin. Nous étions vraiment dedans émotionnellement quand nous l’avons sorti, puis nous nous en sommes dé-connectés parce que nous étions juste coincés à la maison à ne rien faire et cela n’avait rien à voir avec l’idée de ce que nous avions envie d’en faire. 

Maintenant, après ces six ou sept shows que nous avons joués, on a l’impression de renouer avec lui mais d’une manière différente. C’est un peu comme lui donner une deuxième chance, une seconde vie, ce qui est vraiment cool.

Il y a une chorale sur votre dernier album, cette année vous avez sorti une collaboration avec le groupe BISMUTH, souhaitez-vous aller plus en avant dans ce genre de projet, d’expérimentations ? Vous avez des limites ?

Vic : Pour la collaboration avec BISMUTH, c’était « une commande » du Roadburn, c’était donc destiné à être écrit puis joué qu’une seule fois, mais nous avons fini par le sortir, ce qui, je pense, avec tout le travail que ça nous a demandé, est plutôt bien que ça soit finalement sorti. On pense que partager la musique et nos créations est quelque chose d’aussi important que de les jouer. 

KW : Oui, on est content qu’il existe et qu’il soit sorti. Pour nous, le plus important dans le fait de jouer de la musique est que ce soit quelque chose d’intéressant, d’amusant, et de différent. C’est facile de prendre sa guitare, de balancer de la disto’ et de jouer un truc lent et lourd… Mais ce n’est pas tellement amusant… Nous essayons de traiter l’émotion et de donner du sens à notre musique… 

Vous jouez avec votre cœur… 

KW : Ouais, absolument. Mais autant nous essayons de jouer avec notre cœur, autant nous voulons être intéressés, stimulés et mis au défi à notre manière. Donc je pense que dans la veine de cette partie avec la chorale dont on parle depuis tout à l’heure, nous allons continuer à essayer de nous pousser à faire quelque chose de différent. On a commencé à bosser sur quelques pistes, nous n’en sommes qu’aux préliminaires disons mais encore une fois, c’est fascinant, ça nous fascine. Et je pense que si ce n’est pas le cas, ça devient vite ennuyeux.

J’ai l’impression que vous ne vous posez pas vraiment de limites dans la création…

KW : Oh, je ne sais pas pourquoi nous devrions le faire. Nous écoutons tous les deux beaucoup de styles très différents et nous aimons tous les deux la musique heavy. Mais Vic aime avant tout la musique électronique et la musique dance. Moi, j’écoute beaucoup de STING, THE TRAGICALLY HIP et tout un tas d’autres trucs genre FLEETWOOD MAC

Je pense que nous faisons ce type de musique « heavy » parce que c’est ce que nous ressentons et c’est de cette manière là que pouvons le mieux nous exprimer, émouvoir et être émotifs, mais nous venons et nous aimons de styles tellement différents qu’on essaye et qu’on essayera toujours de le faire différemment. 

Vic : Oui, tu sais nous sommes un groupe depuis plus de huit ans maintenant et il y a pas mal d’opportunités de collaboration qui se présentent. C’est souvent juste avec les gens avec qui on s’entend au niveau musical ou juste avec nos amis mais pas que, et je pense que c’est cool d’explorer tout ça. Je pense aussi que la collaboration doit se faire naturellement, qu’il ne faut pas la forcer.

Vous vous définissez comme un « angry queer gloom band » ? Vous pensez avoir la responsabilité ou le devoir de dénoncer certaines oppressions ?

Vic : Je pense que nous sommes enracinés dans nos identités en tant que personnes et, je ne suis pas binaire, je ne veux pas parler au nom d’autres personnes ou d’identités marginalisées, mais je pense que l’intersectionnalité est très importante. La race, la classe et le sexe sont tous liés aux oppressions qui sont entrelacées dans le monde. Donc, je pense que nous sommes juste, dans notre vie quotidienne, très motivés par le combat pour une justice sociale et je pense que c’est quelque chose qui va faire partie de nos vies pendant longtemps, car c’est simplement ce que nous sommes.

KW : Ouais, je ne sais pas. Tu l’as très bien dit Vic. Je dirais juste que c’est ce que nous sommes. Et j’ai l’impression qu’on doit lier cette authenticité à notre musique. Nous devons être authentiques envers nous-mêmes et dire à la fois qui nous sommes et comment nous agissons dans ce monde. Donc, nous allons toujours défendre les choses auxquelles nous croyons.

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Vic : Les gens auront toujours des attentes par rapport à ce que nous faisons en tant que groupe. Mais un groupe est avant tout une création musicale et puis il y a la vie à côté, la vie quotidienne, c’est là qu’il faut le plus se battre, c’est tous les jours, c’est là que l’on peut vraiment influer et que le plus de changements peuvent se produire. J’ai l’impression que seuls les gens nous tiennent à cette étiquette de groupe politique, nous mettent dans cette case quand il s’agit, tu sais, de combattre l’oppression mais ce n’est qu’une partie de ce que nous sommes, ils ne nous connaissent pas en fait, ils ne savent pas qui nous sommes dans notre vie quotidienne.

C’est quelque chose que vous mettez dans vos paroles ?

KW : Oui, en fait nous écrivons juste sur ce que nous savons, sur nos expériences, sur notre queerness, sur notre position, sur la haine, faute d’une meilleure façon de faire, cela n’a rien d’une fantaisie, c’est ce que nous sommes en tant que personnes. Sur notre dernier album, nous avons beaucoup écrit sur le nihilisme, sur l’apathie et sur comment les combattre. Notre premier disque traitait de nos expériences en tant que personnes queer. Sur notre deuxième, nous avons créé une fable réelle, un truc entre réalité et fantastique. Mais, peu importe ce que nous faisons. Parce que nous sommes ce que nous sommes et c’est ancré dans tout ce que nous écrivons. C’est tout. C’est la toile de fond de notre musique. De tout ce que nous faisons.

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Pensez-vous que la scène métal soit suffisamment ouverte d’esprit ?

KW : Je pense que oui, nous sommes assis ici avec toi, on vient de jouer comme si nous n’étions pas queer. Nous sommes ouverts mais tout le monde ne l’est pas, il y aura sûrement toujours des difficultés. Quand on commencé à jouer c’était dans des squats et des trucs très D.I.Y. avec pas mal de groupes de pop, de punk et de noise et il y avait déjà beaucoup de personnes queer qui faisaient de la musique, mais pas trop de metal ou de musique heavy. Mais année après année, on voit que ça commence à s’élargir, à grandir. Sur les cinq dernières années, nous avons joué exclusivement dans des salles avec des groupes de métal et on voit de plus en plus de gens queer ou ouvert, c’est réel et c’est très sympa.

Vic : Ouais. Et j’ai l’impression qu’il y aura toujours des personnes différentes aux concerts et on ne sait jamais comment on va être reçu. Mais moi comme tant de gens sur internet ou dans des émissions, nous sommes ouverts aux discussions sur les queers, les trans ou simplement sur les gens qui se questionnent. Alors si notre musique peut les aider et si elle compte pour eux, cela nous donne aussi la force de continuer. J’ai l’impression que le metal est un style un peu « pour tout le monde » et qu’il suffit parfois de s’y créer son propre espace pour s’y sentir à l’aise.

C’est quoi la suite pour vous ?

Vic : Nous rentrons à la maison. On tient une boulangerie vegan et on a beaucoup de travail là-bas. On est un petit groupe, tu sais. Tout ceci est une belle évasion de notre réalité…

KW : Nous avons une double vie, c’est plutôt amusant de tourner et tout, et ensuite de rentrer à la maison et de bosser…

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Alors pas de nouvelle musique ou de festivals ?

KW : Nous avons quelques festivals et quelques petites dates en juillet, nous allons être au Portugal à l’Ampli Fest en octobre. Mais oui, c’était en quelque sorte notre grande tournée de l’année. Mais comme l’a dit Vic, nous prenons notre art et la musique très au sérieux, mais nous savons aussi que ce n’est pas notre vie, encore moins notre métier. Alors nous profitons et nous apprécions d’autant plus ces moments, jouer en Europe, rencontrer des gens, te parler par exemple, tout ceci c’est vraiment cool.

Vic : Mais faire tout ça pour gagner sa vie, c’est très dur, pour le corps et l’esprit.

Si vous pouviez le faire, le feriez-vous ?

KW : Absolument pas. Aucune chance. Je me casse direct. On est très casaniers. J’ai cinq chats et un chien et je veux les voir et passer du temps avec eux. J’aime ma maison et j’aime notre job, comme j’aime notre musique. Et même si j’aime jouer, je pense que le fait que nous soyons capables de compartimenter, rend la chose durable à long terme.

Vic : Ouais, ça rend le truc « spécial ». Ça rend les choses plus tenables sur la longueur, ça reste quelque chose de frais et d’intéressant pour nous, ce n’est pas un acquis ou quelque chose qu’on fait par obligation et qui finit par nous ennuyer. Cela nous permet simplement de continuer à aimer ce que l’on fait. Cela fait huit ans que nous jouons dans ce groupe et nous continuons, c’est donc que ça marche. Tu sais, chacun a son propre fonctionnement, son propre processus de création. Pour nous, on écrit l’album, on fait des concerts, puis on prend notre temps. Beaucoup de groupes font un peu tout en même temps, mais pour nous c’est très bien de compartimenter de cette façon là.

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Donc, vous avez votre routine et vous ne voulez pas que la musique devienne autre chose qu’une « respiration » ?

KW : Ouais. J’aime être chez moi, j’aime ma maison, j’aime mes animaux. Mon lit est confortable. Mais je ne peux et ne veux parler pour personne, ça garde juste le truc spécial pour nous. Cela nous maintient engagés. Ce n’est pas un véhicule financier, ce qui signifie que nous n’avons pas à sortir un album puis nous précipiter pour en refaire un autre derrière. On peut prendre notre temps, nous n’avons travaillé sur quasiment rien de nouveau depuis notre dernier album tout simplement parce que nous n’en n’avions pas envie. Nous sortirons un album quand nous aurons quelque chose de nouveau à dire…

Vic : Je pense aussi qu’on met beaucoup d’énergie et d’émotion dans l’écriture, donc j’ai l’impression qu’on doit être prêts mentalement à réitérer l’expérience.

KW : On voit pas mal de groupes arriver à ce point où ils sortent des albums à la chaîne, et pas que des bons, genre sur des cycles d’un an et demi, deux ans après leur dernier album juste parce que si ils ne le faisaient pas, ils ne reviendraient pas sur la tournée des festivals chaque année. Cette manière de faire ne m’intéresse pas du tout. Je n’en ai aucune utilité. Je préfère être à ma place que devenir une sorte de marchandise.

Vic : Le capitalisme consumera toujours tout. Nous ne voulons pas d’une usine pour notre musique. « Marchandiser » l’art est juste, comme un moyen de le déshumaniser, de retirer toute l’âme qu’on y met…

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Vous partez aujourd’hui ? Vous allez voir d’autres groupes ?

KW : Non, demain matin. Je vais aller d’abord m’allonger un peu après les quelques interviews qu’il nous reste. Et puis je vais aller me faire masser, je crois qu’il y a une table de massage là-bas. Ensuite, je vais faire plaisir au KW ado’ et aller voir KORN, puis on ira voir KILLING JOKE. Après on va rentrer à l’hotel car on doit être à l’aéroport à 5h demain matin…

Vic : « Living The Life »… Et puis c’est fini… Et toi ? Tu reviens la semaine prochaine ?

Oui, oui.

KW : Tu dors sur le camping ?

Ouais !

Vic : Oh ! Je suis désolé pour toi !! ( rires )

KW : Est-ce que ça va mec ?! ( rires )

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