Comme je l’ai dit récemment dans un billet d’humeur : j’ai dû, pour diverses raisons, différer mon retour à Clisson. Ce qui m’a permis de diluer mes sentiments et de retrouver l’envie de redevenir un protagoniste bienheureux plutôt qu’un commentateur aigri. Aujourd’hui, j’ai donc fais mon retour sur cette désormais mythique terre de rouille et de feu où règne l’union sacrée des corps et des décibels. J’y ai retrouvé ce qui m’a tant manqué : de la musique d’abord, des rencontres et des amitiés ensuite. Je me suis laissé porter sans essayer de trop prévoir, sans m’en tenir à un programme précis, comme piégé dans une dilatation temporelle ( de sept jours tout de même ) que j’imaginais presque infinie, suspendue ; coagulé dans cet endroit magique, édifice onirique où les nuits d’ivresse effacent les jours de liesse.
Maintenant l’heure est au bilan et je me dois donc de vous partager mes sentiments sur ce premier week-end…
J’écume depuis longtemps les scènes de France et de Navarre, et sans vouloir paraître pédant, j’ai déjà vu une grosse partie des groupes présents à l’affiche. Alors, sans pression, je me suis baladé au gré de mes envies et j’y ai trouvé quelques belles pépites et forcément quelques déceptions. Tout d’abord, j’ai toujours été un grand fan de MASTODON et si j’adore les albums, j’ai trop souvent été déçu par leurs prestations : jamais à la bonne heure, jamais avec un bon son ( voire vraiment un son horrible ), des voix qui sonnaient souvent faux. Bref, je ne partais pas gagnant sur la Mainstage II en cette fin de journée où le soleil brûlant me remémorait définitivement le son aride du magnifique « Emperor Of Sand » et la chaleur du Sud des US d’où le groupe est originaire. Et ce fût une bonne surprise, certainement la meilleure de la journée ! Le son était parfait, et la setlist faisait la part belle au dernier album du groupe « Hushed & Grim » ainsi qu’à leurs premiers efforts.
Comment alors ne pas se laisser embarquer dans le tourbillon de la scène de Savannah ? C’est comme ça que quelques heures plus tard, je me suis planté devant BARONESS. Groupe avec lequel j’entretiens « une relation amoureuse » depuis au moins aussi longtemps que le précédent. Même si les Américains squattent la Valley à peu près à chaque édition, c’est avec le même entrain et à grands renforts d’applaudissements qu’ils y sont accueillis. Et BARONESS est une véritable machine à tubes portée par les flamboyants John Dyer Baizley et sa fidèle lieutenante Gina Gleason. « Take My Bones Away », « A Horse Called Golgotha », « March To The Sea », « Eula », « Isak », pour ne citer qu’eux sont tous repris en coeur par une audience conquise…
Une fois la nuit tombée, les feux s’allument de-ci de-là et l’ambiance change, s’épaissit pour voir arriver les Anglais de ELECTRIC WIZARD et leur doom occulte, sulfureux. La masse difforme de la foule se meut alors lentement en réaction aux assauts de la basse ronflante et des guitares dégoulinantes du groupe. Juste parfait.
Revigoré par une nuit âpre et bercée par le fracas métallique des caddies qui s’entrechoquent, c’est encore sous la Valley que je me rends ce matin pour rencontrer le duo THE PICTUREBOOKS et leur blues-rock rafraîchissant à la rythmique si particulière. Sans aucune formation, très DIY dans l’esprit, avec juste une guitare, un chant et notamment une batterie « faite de bric et de broc » : une plaque de tôle et deux cloches pour toutes cymbales, le groupe se défoule et joue avec une puissance impressionnante. Côté public, on a tout compris, on vibre et on reprend avec joie et en choeur les tubes si énergiques et grisants des Allemands : « Zero Fucks Given ».
Vous l’aurez compris je suis un animal qui navigue et se terre entre Temple et Valley, là où j’ai creusé mon terrier en ce premier week-end. Comment donc passer à côté de MESSA ? Les Italiens, adeptes d’un doom psychédélique aux influences orientales, sont un peu mes « chouchous » ( et le groupe qui monte cette année ) tant j’ai aimé leur dernier album « Close » qui est pour moi un oeuvre complète, aussi bien techniquement qu’émotionnellement. Quel plaisir de les voir ici, à cette heure-ci ( haut sur l’affiche ), et en terrain déjà conquis ! La puissance vocale de la chanteuse et les mélodies de guitare irradient la tente autant que le soleil fait des ravages à l’extérieur.
C’est une soirée 100% nippone dont je voudrais parler maintenant. En ce samedi soir, MONO et son post-rock instrumental, accompagné de la violoncelliste JO QUAIL, de la chanteuse A.A. WILLIAMS et d’un quatuor à corde, a hypnotisé la scène avec un show prévu initialement pour les 20 ans du groupe et préparé pour le Roadburn ( qui demande régulièrement à ses artistes de créer quelque chose de spécial ). Un son un peu brouillon au départ a laissé place à une densité cinématographique et une intensité rare. Le contraste entre l’aspect classique et les guitares déchirantes exalte les sentiments, joue sur nos météos intérieures. J’en viens à penser qu’il est presque dommage de les voir en festival tant la musique est belle, enivrante, précise, et qu’elle demande un effort de concentration.
À peine une heure après et sous une Valley pleine à craquer, ENVY viendra appuyer là où MONO avait déjà ouvert une brèche mais avec un aspect plus énergique et post-hardcore. Le groupe joue sur ses textures sonores uniques, ses guitares fougueuses et ses mélodies cathartiques pour toucher en plein coeur l’ensemble de l’audience : beau et brut, délicat et ravageur. Bravo !
Ma surprise du week-end a sans nul doute été TWIN TEMPLE. J’avais un peu entendu parlé d’eux en première partie de GHOST sur leur dernière tournée mais je ne connaissais que très peu le style et le look du groupe : un duo aux allures d’Amy Winehouse et de Fred Chichin qui auraient pactisé avec Lucifer. En ce dimanche, un peu lassé et fatigué d’avoir subi les agressions sonores répétées durant trois jours ( j’ai perdu l’habitude ), j’étais heureux de me laisser emporter par leur « Satanic Doo Wap » kitsch mais séduisant. Voir mes congénères se balancer, se déhancher et ressentir le souffle des 60’s me parcourir l’échine m’a alors complètement revigoré, un peu comme si j’étais moi-même descendu aux Enfers… Pour le meilleur bien sûr !
Au rayon des flops ou des déceptions, je suis obligé de parler de DEFTONES. Je ne trouve plus aux Américains la stature d’une tête d’affiche, devenus une pantomime vintage, mauvaise caricature de ce que le groupe était. Je n’aime pas attaquer sur le physique mais Chino Moreno m’a semblé bouffi, fatigué et à bout de souffle… Sa voix chevrotante, hésitante et ses cris autrefois feulements félins sont devenus aujourd’hui chatons. Sans compter sur un line-up remanié car le guitariste est anti-vax’-platiste et refuse de voyager. Bref, passons.
Enfin, j’étais impatient de voir SUICIDAL TENDENCIES pour les voir retourner la Warzone et aussi re-voir enfin sur scène Ben Weinman ( ex-THE DILLINGER ESCAPE PLAN ) à la guitare. Et pffff ! Les longs discours ennuyeux de Mike Muir, les bouts de chansons interminables, joués, coupés, puis rejoués, puis re-entrecoupés, puis re-re-joués, ont eu raison de moi. Tant est si bien que les longueurs et la foule sur scène pendant une grosse partie du show ont rendu l’ensemble illisible voire indigeste pour moi. Burp !
N.b. Je me permets d’ajouter une liste non-exhaustive de groupes que je n’ai pas cité dans cet article mais qui mériteraient pourtant d’y figurer : THE OFFSPRING / LACUNA COIL / OPETH / ELDER / RED FANG / INTER ARMA / VILE CREATURE / DEVIN TOWNSEND / GATECREEPER / INGESTED / ENSIFERUM / GAAHLS WYRD / SKÁLD.
Voilà pour ce premier week-end.
Le HELLFEST XV Part. II arrive dans quelques jours…
