[ Chronique ] IMPERIAL TRIUMPHANT – Spirit of Ecstasy ( Century Media Records )

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Chaque sortie d’IMPERIAL TRIUMPHANT est un pas de plus vers l’inattendu. Depuis « Vile Luxury » en 2018 et le fantastique « Alphaville » en 2020, on ne peut qu’être surpris, intrigué, voire dérangé par la musique du trio. Se détachant à chaque fois un peu plus des piliers du metal extrême dissonant comme ATHEIST ou GORGUTS, les New-Yorkais se sont taillés leur propre chemin et affinent en permanence leur son. Leur musique aussi complexe et technique qu’hermétique plonge aussi bien dans le metal noir que dans le death progressif et avant-gardiste avec une approche free-jazz.

La grande différence ( avec les autres ) vient du bagage même des membres qui composent IMPERIAL TRIUMPHANT : des musiciens de jazz. Et ils n’hésitent pas à s’en servir, intercalant des parties de cuivres, du piano, des choeurs, des samples noisy ou des atmosphères « feutrées » à leurs compositions déjà extrêmement denses. Tant est si bien qu’on y perdrait un peu la tête si tout n’était pas maîtrisé de bout en bout. Ajoutez à cela une esthétique singulière dont des costumes de scène et un penchant pour le futurisme, l’expressionnisme et l’art déco’ ( très présent sur « Alphaville »), et vous arrivez à un OVNI sonore, à ne pas mettre en toutes les mains. 

Musicalement, « Spirit Of Ecstasy » s’inscrit dans la continuité des oeuvres d’IMPERIAL TRIUMPHANT c’est-à-dire un épais maelström qui excelle dans le maintien d’une tension et d’un état d’inconfort permanent. Outre les collaborations toujours intéressantes avec Kenny G., Snake de VOIVOD, Alex Skolnick de TESTAMENT et Trey Spruance de MR. BUNGLE, les morceaux sont complexes, d’une densité incroyable, et semblent divaguer entre folie furieuse et délire fantasmagorique. Une section jazz ( déjà pervertie ) avec du saxophone, du piano, ou de la trompette peut à tout moment dégénérer et se transformer, exploser en riffs noueux et dégingandés, ou en groove discordant et tout à fait étrange, et ce jusqu’à la frénésie. Honnêtement, par moment, on ne sait plus vraiment où l’on se situe tant le groupe étouffe et arrive à faire rentrer ses riffs tortillants dans des rythmiques hallucinées, et hallucinantes de technique. L’émotion, si il en reste, est alors noyée sous des tonnes de notes créant ainsi ce mirage grotesque et suffocant où les voix mystiques s’entremêlent aux cris de mort et aux synthétiseurs lancinants. Le chaos est plus que jamais contrôlé.

Si les titres comme « Chump Change », « Metrovertigo » ou « Tower Of Glory, City Of Shame » poursuivent les schèmes tumultueux, les basses ondulantes, le riffing labyrinthique atonal et les roulements de snare intempestifs des précédents opus, la fin de l’album semble vouloir aller encore plus loin dans l’expérimentation sonore claustrophobique. Sous couvert d’une sorte de fusion be-bop lysergique, « In The Pleasure of Their Company » pousse le groupe dans ces nouveaux retranchements, que le noisy « Bezumnaya » vient encore accentuer avant que le road movie lynchéen « Maximalist Scream » ne referme l’album. Après une écoute éprouvante : définitivement, il n’y a personne qui ressemble à IMPERIAL TRIUMPHANT.

L’analyse technique relèverait donc presque de l’impossible tant « Spirit Of Ecstasy » est riche. L’oeuvre impénétrable, mais d’un mysticisme fort et affiché, absorbe la force vitale pour la transformer en flux sonore informe. Il ne reste alors qu’à se faire aspirer par ce tourbillon décadent où la brume toxique et les lumières urbaines opulentes troublent les sens, désorientent et attirent dans un continuum espace-temps plus qu’incertain, colossal cimetière civilisationnel, sorte de cauchemar ploutocratique où règne la brutalité absolue de la machinerie capitaliste. 

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