Je me suis rendu à toutes les éditions du Hellfest, ou presque. J’ai fait le chemin du Mans à Clisson. J’ai vu le festival grossir, se remplir, s’arrondir. J’ai aussi vu un paquet de concert étalé sur plus de quinze ans, sans aucun regrets. Mais le temps passant, mon coeur s’est noirci. J’ai vieilli, évidemment, et j’ai aussi commencé à être aigri, à ne plus voir que les mauvais côtés et non plus les bons, plus jamais. J’ai fini par ne plus me rappeler de l’excitation des premières années, des sensations et des sentiments, par ne plus me rappeler pourquoi j’y allais, pourquoi je continuais d’y aller chaque année inlassablement alors que je commençais à m’y sentir moins à l’aise, à presque exécrer ce rassemblement, cette foule insondable devenue trop populaire et nigaude, ces « apéro » criés à tue-tête et autres exhibitions intempestives, ces attitudes de touriste prêt à tout pour fouler les terres clissonnaises au grand dam de la passion ( du moins c’est ce que je pensais ).
En 2019, je n’y suis donc pas allé. Puis deux ans de pandémie ont fait le reste. Aujourd’hui, après avoir été comme tout le monde sevré de concert, de sorties, de culture, de vie en somme, je me rends compte que j’ai eu besoin de m’éloigner pour retomber amoureux, pour être à nouveau séduit, pour créer le manque. Un manque qui a eu le temps de s’installer, de trouver le chemin jusqu’au siège de mon âme, jusqu’au coeur. La fièvre de la passion, cette renaissance est venue avec un autre étrange sentiment : cette envie de se retrouver agglutiné, de se faite secouer, de crier, de se jeter dans un océan de son ; mais aussi de retrouver l’ambiance des files indiennes, d’y entendre les tracas des uns et des autres, et leurs relents de bière chaude. Je (re)vois désormais le bon dans le mauvais ( si mauvais il y a ), et je rêve à nouveau du fracas des rires, du crissement des guitares, de la poussière et de l’euphorie permanente… Je crois enfin être prêt pour mon retour à Clisson.
