[ Chronique ] DECAPITATED – Cancer Culture ( Nuclear Blast )

DECAPITATED est un groupe qui aurait pu perdre la tête à maintes reprises : tout d’abord en 2007 à la suite de l’accident de tourbus ayant coûté la vie au batteur Vitek et ayant laissé le chanteur Covan handicapé pour le reste de ses jours, ensuite en 2017 lorsque tous les membres se font arrêter pour viol durant une tournée américaine et passent donc plusieurs mois en prison avant que toutes les charges soient abandonnées début 2018. Le groupe décrira cette malheureuse expérience comme « l’une des périodes les plus terribles et irrationnelles de notre vie ».

Et pourtant, malgré ce véritable chemin de croix, les Polonais mené par le guitariste Vogg sont toujours là, plus de vingt ans après leur premier opus, et arrivent encore à distiller, à se servir de toutes ces sales expériences pour créer une musique inspirée, puissante et pleine de rage. Leur nouvel album, le bien nommé « Cancer Culture », semble à nouveau utiliser ces leviers pour asseoir un peu plus sa force, pour impressionner un peu par son excellence et sa constance.

Désormais bien loin du brutal death de son « Winds Of Creation » ( 2000 ), DECAPITATED n’a ( comme dit plus haut ) jamais cessé d’évoluer et de se nourrir de ses expériences. Si « Carnival Is Forever » proposait un metal froid, technique et haché, « Anticult » versait dans le groove metal tout en ne reniant pas les travaux antérieurs mais en les exposant sous un aspect plus mid-tempo, chargé de riffs et de breakdowns puissants, comme un hommage à peine dissimulé à PANTERA et consorts. Aujourd’hui, « Cancer Culture » voit les Polonais approcher une fusion presque idéale de tous ces aspects, à la fois moderne et authentique, marchant sur une corde raide entre piétinements groovy et envolées techniques, remettant au passage un peu de blast et de vitesse pour donner une nouvelle dynamique à sa musique.  

Malgré sa longue carrière, DECAPITATED arrive toujours à pondre quelque chose de rafraîchissant, il possède encore la capacité de surprendre et n’a pas perdu l’étincelle de la créativité. Sur « Cancel Culture » tout se passe très rapidement, en à peine 37 minutes pour être exact, le groupe se meut comme un rouleau compresseur sur l’autoroute, imposant un rythme soutenu dès le début. La vitesse et l’intensité s’amplifient de piste en piste et sont couplées à une production équilibrée, claire et puissante. « Cancer Culture », « Just A Cigarette », « No Cure », en un clin d’oeil on est happé par les riffs et les ambiances qui s’articulent parfaitement autour des cris ravageurs de Rafal « Rasta » Piotrowski. La batterie assurée par un nouvel homme en la personne de James Stewart est colossale et très dense techniquement.

Au milieu de l’album, on retrouve « Hello Death » qui voit la participation Tatiana Shmayluk de JINJER au chant. Sa performance envoûtante offre une respiration au milieu du groove syncopé de la piste. Ensuite, « Iconoclast » qui voit également la participation de Robb Flynn de MACHINE HEAD vient ajouter une dimension supplémentaire, plus mélodique et plus émotionnelle au paysage sonore colossal que le groupe présente ici. Enfin, « Suicide Space Program » vient « refermer » cette partie de l’album plus mélodique, avec des harmonies de guitares et des arrangements à suspens avant que l’album ne se termine sur un « Last Supper » au style thrashisant avec des riffs véloces et savoureux ainsi qu’un solo de guitare qui ajoute encore de l’intensité et fait culminer le titre ( et par delà même l’album ). Bien pensé. Concis. Parfait.

Après tous les obstacles auxquels le groupe a dû faire face, après toutes ces années DECAPITATED est définitivement un groupe qui ne pourra jamais décevoir, les Polonais apparaissent d’ailleurs plus confiants que jamais : matures, expansifs et agressifs. Bien sûr, il y aura toujours quelques fidèles qui aspireront à un retour de l’époque « Winds Of Creation », mais quand on écoute « Cancer Culture » on ne peut que voir une évolution permanente, une nouvelle étape méticuleusement préparée pour atteindre de nouveaux sommets, toujours aussi extrêmes mais différents. Il est exactement ce que l’on attend d’eux : une chevauchée agressive, une explosion cathartique de riffs menaçants qui imposera ( on l’espère ) définitivement DECAPITATED comme l’un des meilleurs groupes de sa génération ( il serait temps ).