[ Report ] BATUSHKA + DIABOLICAL + PARADISE IN FLAMES @ Le Cargö, Caen

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Il fait beau dans la cité de Guillaume Le Conquérant en ce samedi soir, veille de jour férié. La lumière rasante du soleil colore d’un ton orangé les murs blancs de la ville, prémices d’un été tant attendu.  Je me dirige vers le Cargö pour la « grand-messe » et je me dis que c’est étonnant de voir ce plateau très orienté black metal ici. Étonnant par l’aspect relativement « underground » des groupes qui le compose ( ce qui n’est pas pour me déplaire ) et étonnant car habituellement ce sont nos cousins rennais ou nantais qui héritent de ce type de soirée ( à mon grand regret ). Toujours est-il que c’est d’un pas allègre et léger que j’arrive sur l’esplanade et que je pénètre dans cette antre que je ne connais que trop bien.

Premier constat : le public a répondu présent puisque je me fraye tant bien que mal un chemin vers le bar entre les Doc’ Martens et autres bottines à clou, les t-shirts aux écritures difficilement déchiffrables, les cheveux aux couleurs sombres ou plus improbables, et les perfectos ressortis pour l’occasion. J’apprends alors que sur les cinq groupes prévus seulement trois joueront ce soir ( les Colombiens d’ESHTADUR et les Suédois de VANANIDR ayant annulé ). Les raisons restent obscures et je décide de ne pas y prêter attention. On ne va pas se mentir : je suis avant tout venu pour BATUSHKA, le reste c’est du bonus.

Il est 20h et le premier groupe montre sur scène. Il s’agit des Brésiliens de PARADISE IN FLAMES. Le son est plutôt bon, clair et assez puissant. C’est plutôt une bonne surprise, le quintet donne dans le black/death disons sympho’ non dénué d’intérêt, dans le genre de CRADLE OF FILTH ou DIMMU BORGIR voire un soupçon de FLESHGOD APOCALYPSE. Un style solidement maîtrisé depuis plus de vingt ans… Étonnant que je ne connaisse pas le groupe ( comme à priori pas mal de monde dans la salle ). PARADISE IN FLAMES enchaîne les titres sans accrocs, entre claviers un peu kitsch, growl et chant lyrique, faisant vagabonder mon esprit sur des territoires gothico-horrifiques pendant une grosse demi-heure. Une mise en jambe plutôt agréable qui semble avoir contenté le public comme les musiciens qui se retirent avec humilité sous des applaudissements assurés.

Sorti de ma torpeur, je remarque que la salle est déjà bien remplie, quelques flaques de bière collantes qui produisent un bruit assez désagréable lorsqu’on marche apparaissent de-ci de-là et les conversations, considérations d’ordre technique, ou simples rigolades, vont bon train. Quelques minutes plus tard la scène se remplit d’un épais brouillard pour accueillir l’arrivée des Suédois de DIABOLICAL. Dès l’introduction par le titre « We Are Diabolical », l’ambiance est de mise et le groupe nous distille son meilleur black death, encapuchonné et embrumé, avec une conviction aussi intacte qu’à ses débuts ( il y a déjà 25 ans ). Le public, désormais plus touffu, semble hypnotisé par ces ombres mouvantes et bruyantes, une présence scénique fantomatique qui colle parfaitement au concept du groupe. Niveau son, c’est également très bon, bien plus puissant et sombre, radicalement différent de PARADISE IN FLAMES. Le quatuor enchaîne sans réel temps mort et semble faire l’unanimité notamment grâce à des titres puissants, rapides, mystiques et épiques comme les tubes « Black sun » ou « Requiem », et notamment grâce aux voix cristallines de Carl Stjärnlöv. Presque une heure de show plus tard, le groupe quitte la scène sous les applaudissements soutenus d’un public cette fois-ci complètement acquis.

De mon côté, ravi également, je m’extirpe néanmoins difficilement de ce gigantesque bar à chicha goût sueur, les semelles encore collées au sol, et file respirer un peu puis prendre une bonne rasade de boisson maltée avant d’atteindre le point culminant de cette soirée et d’entrer en communion… Malgré les démêlés des récentes années sur lesquels je ne reviendrai pas, BATUSHKA reste BATUSHKA. Et ce soir, c’est celui de Bartłomiej Krysiuk qui nous fait l’honneur de sa présence ( celui qui a en fait une réelle activité et qui joue sur les plus gros festivals ). Vu le décor, je comprends vite que le groupe vise toujours dans l’immersion et la théâtralité : sorte de « reproduction » du rituel orthodoxe agrémenté de nombreux accessoires et costumes, choeur, icônes, cierges, chandeliers, encens, pupitre de célébration, etc.

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Baignés de pourpre et d’encens, les musiciens s’installent à un train de sénateur avant d’accomplir leur devoir, solennels et statiques. Le set a peu évolué depuis la dernière fois que je les ai vu, le choeur est cette fois placé derrière le chanteur principal, ce qui offre de plus belles perspectives et renforce le côté liturgique. Les titres de leurs trois albums sont savamment mélangés mais de toute façon hormis « Hospodi » qui est sensiblement différent, plus folklorique je trouve et mieux produit déjà, leur musique tend à l’homogénéité. Les titres s’enchaînent donc avec une mise en scène codifiée à l’extrême, rodée, au cordeau. Le public répond positivement, aspiré par les incantations et cantiques noirs, mais au bout d’une heure ( le show durera 1h30 ) l’itération des structures et des motifs tend à fatiguer une partie de l’auditoire qui comme « à la messe » finit par se lasser et décrocher un peu. Sans forcément quitter l’office, certains filent au bar, ou ailleurs, d’autres restent là comme happé par le rituel et par les visuels sobres et évocateurs.

Alors que je marche sur les quais afin de regagner le centre ville, j’ai en tête mes premières réflexions, la lune haute couplée aux vapeurs d’encens et à l’odeur de la bière me donnent le tourni, et je me refais le film. Au final, j’ai vécu une belle soirée que je ne pensais pas gagnée au départ. Les Polonais et leurs comparses ont su répondre à mes attentes, c’est à dire un bon concert de black metal. J’espère maintenant avoir l’occasion d’en revoir plus au Cargö dans les mois à venir tant le lieu est agréable, le public extra’ et la salle bien sonorisée.

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