[ Chronique ] GGGOLDDD – This Shame Should Not Be Mine ( Arttofact Records )

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Depuis près d’une décennie, GGGOLDDD ( anciennement GOLD ) développe son style, brouillant les frontières, à la croisée du post-metal, du post-punk, de la pop’ et du trip-hop. Fort de son dernier album « Why Aren’t You Laughing ? »  qui les avait fait passer encore un pallier en terme de reconnaissance, le groupe revient avec un nouvel opus baptisé « This Shame Should Not Be Mine », aussi poignant qu’important dans sa construction, dans sa démarche, et dans sa portée. 

Le confinement a contraint toute la planète à s’enfermer, à se tourner vers soi, à entrer en introspection. Le duo au coeur de GGGOLDDD, Thomas Sciarone et Milena Eva : mélomanes passionnés, créateurs curieux et explorateurs enthousiastes, en a lui profité  ( comme beaucoup d’artistes ) pour créer, pour écrire un nouveau projet, un nouveau pan de son histoire.

Ce cinquième album avait tout d’abord été présenté en live dans le cadre du festival Roadburn Redux en 2021 ( en ligne et en streaming ) puis il a maintenant pris forme en studio. J’ai la sensation qu’il s’agit d’un projet à part dans la discographie du groupe puisqu’il traite des événements traumatisants, notamment des agressions sexuelles, subies par la chanteuse Milena Eva durant sa jeunesse.

L’album se concentre donc autour de sa libération, de sa voix qu’elle nuance et module au gré de ses expressions : parfois cristalline, parfois plus forte, parfois désincarnée, mais toujours douce, ou presque. Chaque mot y est chanté avec conviction et l’histoire est ainsi posée pour qu’elle soit compréhensible par le plus grand nombre.

Milena domine les titres « de la tête et des épaules », la musique ne faisant presque qu’accompagner sa parole. Et pourtant si on prête une oreille attentive, l’album est truffé d’arrangements malins venant s’ajouter à l’intérêt intrinsèque du projet qui en devient une décoction complexe, parfois presque plus électronique que métallique.

Les couches de styles s’enchaînent, se fondent avec cohérence, soutiennent le propos et les émotions qui en découlent, ainsi l’on voit se côtoyer des riffs black et des nappes new wave sur un tempo trip-hop. Les rythmes oscillent entre beat synthétique et batterie organique tout en ne brisant jamais la dynamique. Les mélodies et les harmonies s’entremêlent de manière évocatrice, les synthés’ pulsent, hypnotiques. Le tout sonne comme une pop’ sombre et puissante grâce notamment à des refrains accrocheurs et un sens de la mélodie que le groupe maîtrise déjà depuis longtemps.

GGGOLDDD a réussi à créer un petit chef d’oeuvre, déroutant, profond et singulier dans sa fusion d’influences disparates et d’émotions noires. « This Shame Should Not Be Mine » ne ressemble à rien d’autre qu’à lui-même et c’est déjà beaucoup. Les titres semblent agir sur la chanteuse, et avoir des fonctions apotropaïques et prophylactiques, comme une amulette qu’elle pourrait brandir. À l’image de la pochette, on la voit revêtir un harnois et prendre les armes pour se battre ( contre elle-même ? Contre ses démons ? Contre les autres ? Ou peut-être un peu tout à la fois ) dans une véritable ode à la salvation. L’album semble ainsi documenter le phénomène d’acceptation progressive, de guérison, de partage, de dépassement, d’espoir pour au final essayer d’en faire une force, passer de l’ombre à la lumière, se (re)construire, (re)vivre, et pourquoi pas (re)danser…

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