[ Chronique ] ABBATH – Dread Reaver ( Season Of Mist )

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Je dois l’avouer, ABBATH est un personnage qui me fascine, un musicien hors-pair ayant fait partie d’un groupe pilier de la scène black metal, IMMORTAL. Bien loin de la gravité de ses petits camarades, l’homme est presque plus connu pour ses blagues, pour ses chutes, pour son alcoolisme latent, pour sa passion pour Lemmy Kilmister, pour ses poses extatiques que pour sa musique et ses performances ( à mon grand regret ). Raillé par les exégètes rigoristes et autres pontes du microcosme black, Olve Eikemo alias ABBATH n’est pas pris au sérieux, il est sujet à rire, à mème, alors qu’il reste une légende du style ayant su se réinventer et mettre tout ce qu’il était dans sa musique, souvent pour le meilleur…

Avoir quitté IMMORTAL a été hautement bénéfique pour Ole ( et pour nous ). Désormais libre artistiquement le musicien a, en trois albums, remis l’église au milieu du village en laissant libre court à son art et à l’expression de ses influences au rang desquelles se distinguent le hard-rock, le heavy british et une bonne dose de thrash, tout en ne reniant jamais ces racines norvégiennes. Aujourd’hui avec « Dread Reaver », ABBATH bataille encore et toujours au premier plan, il (re)vient pour enfoncer le clou, plus épique et sombre, triomphant et concis.

Composé de huit morceaux percutants dont une reprise du « Trapped Under Ice » de METALLICA, « Dread Reaver » est également servi par une production très organique et crue, comme en quête des monstres sacrés, des héros d’ABBATH que sont KISS, MANOWAR, BATHORY ou MOTORHEAD. Imprégné de violence, de chagrin et de courage,  l’idée même du Dread Reaver – duelliste intrépide – peut ici être lue comme une métaphore des difficultés de la vie et des luttes qui en découlent ( pour Ole, ses addictions ). Pourtant, le Norvégien y apparait régénéré et vindicatif, toujours guidé par sa verve et sa fougue légendaire.

Ainsi les solos de guitares heavy pleuvent et viennent charger les atmosphères, les réchauffant, les électrisant. Les clins d’oeil à ses pairs s’accumulent tout en conservant l’épais et infatigable blizzard, rouleau compresseur de riffs exaltants et blast-beats jouissifs dont l’artiste sait nous gratifier. En tête de gondole, on retrouve les thrashisants « Dream Cull », « Dread Reaver » avec un chant entre Lemmy et Quorthon, le brutal « Myrmidon », le plus hard rock « The Deep Unbound » puis suivent « Septentrion » et « The Book Of Breath » qui renouent avec le passé glacial d’Ole.  En quelques quarante minutes, l’artiste ne fait pas de quartier et nous offre sans nul doute son album le plus frontal, avec sa dose de riffs cryptiques, presque proto-black, qu’il mélange  à un état d’esprit très rock’n’roll. Au final, ABBATH se recentre sur ce qu’il est : il fait du ABBATH, sans détour.

« Dead Reaver » continue la voie ouverte par ABBATH il y a maintenant six ans. Au fur et à mesure, il semble vouloir nous montrer autre chose qu’un quinqua’ imbibé fan de heavy bondissant dans une épaisse forêt scandinave, ou ce vulgaire « Lemmy du black metal » comme certains aiment à le qualifier ( même si le masque de la pochette est une référence claire au Snaggletooth des Anglais ). Il apporte de la complexité, de la profondeur, de l’humanité et une certaine dose d’authenticité au personnage d’ABBATH. Ici, j’ai l’impression de voir un peu plus d’Ole derrière le maquillage, un peu moins d’IMMORTAL donc ( n’en déplaise aux puristes ) et je découvre le récit d’un démon de plus en plus humain, de moins en moins grotesque, inspiré et inspirant, plus eschatologique que scatologique, et ce n’est pas pour me déplaire, bien au contraire.

 

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