[ Chronique ] CULT OF LUNA – The Long Road North ( Metal Blade Records )

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En moins de trois ans, CULT OF LUNA aura sorti deux albums et un EP. Tout d’abord « A Dawn To Fear » qui avait marqué les esprits en enfonçant le clou : toujours plus viscéral, ambitieux, épique et baigné d’émotion. Ensuite avec « The Raging River », le voyage s’est poursuivi jusqu’à « The Long Road North ». Ces trois sorties doivent être vues comme interconnectées par un processus créatif et un besoin de se libérer d’un corset que le groupe s’était imposé depuis trop longtemps. En effet, les Suédois ont décidé d’abandonner la mécanique de narration qui leur était cher pour écouter la pulsation, l’impulsion, l’instinct et revenir à l’organique et au ressenti, – écrire avec le coeur – comme le dit si bien le leader Johannes Persson. Ce dernier opus du « triptyque » ne peut donc s’écouter qu’en gardant le lien avec ses deux ainés.

Alors que l’album s’ouvre sur une note monolithique, sorte de pouls lent et résonnant dans l’horizon désertique qui se transforme en riff puissant accompagné de la voix caverneuse de Persson, dans la plus pure veine CULT OF LUNA, on comprend immédiatement le lien avec « A Dawn To Fear » qui suit à peu près la même structure et qui nous emmène sur les mêmes sentiers. Jusqu’ici rien d’étonnant puisqu’une partie de l’album provient des sessions de « A Dawn To Fear ».

La batterie cyclique et les effets  de guitare ne sont pas non plus sans nous remémorer les ambiances industrielles de « Vertikal » ( 2013 ), mais ici c’est l’aspect mélancolique et l’espoir qui l’emportent notamment grâce à des mélodies qui viennent enrober lentement l’auditeur, jusqu’à le rassurer, le réchauffer. « Silver Arc » avec ses sonorités enchevêtrées, noyées dans les guitares et claviers aussi mystérieux que scintillants, suit le même chemin, nous entraînant pour de bon sur les traces de ce Grand Nord. 

Comme c’est le cas pour chaque album du groupe ces dernières années, il y a beaucoup de changements de dynamique, d’intensité et de densité sonore, et peut-être plus que d’habitude sur « The Long Road North ». Les flux et reflux sont justes, et lorsque certains titres sonnent plus massifs et écrasants, ils sont immédiatement rééquilibrés avec des silences ou des atmosphères délicates et vaporeuses. Ce qui en fait sûrement l’album le plus varié du groupe.

Ainsi, « Beyond I » et « Beyond II » sont des compositions ambiantes, hypnotiques. La première est portée par la voix poignante de la chanteuse et multi-instrumentiste suédoise Mariam Wallentin, tandis que le saxophoniste américain Colin Stetson ( TOM WAITS, THE ARCADE FIRE ou encore la  bande originale de The Hereditary ) propose sa ré-interprétation de cette même pièce sur l’obsédant « Beyond II » qui clôture l’album.

Stetson et son saxophone contribuent également à ce qui est pour moi l’une des meilleures pistes de l’album, l’épopée « An Offer To The Wild » qui se construit tout en progression, en adjonction de sons qui s’amplifient, qui se complexifient, qui prennent leur élan, lentement, puis gagnent en puissance, un peu comme lorsqu’on observe l’arrivée d’une tempête au loin, on voit le ciel s’assombrir, le vent se lever, avant l’arrivée inexorable du grésil. Plus loin « Into the Night » nous dirige vers un post-rock sombre et retenu, et voit Persson y appliquer une voix claire profonde, presque Laneganesque, avant que la fin explose dans une dissonance tout à fait cathartique. Enfin, sur le titanesque « Blood Upon Stone » se mêlent les guitares des Français de PHOENIX à la lenteur rituelle du post-hardcore des Suédois pour deux fois plus d’intensité purificatrice.

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Sur ce nouvel album, CULT OF LUNA utilise pratiquement la même formule que sur ses deux prédécesseurs. Certains diront d’ailleurs qu’il y a une forme de redite, et il y en a une puisque les albums sont irrémédiablement connectés les uns aux autres. Ils se regardent, se répondent, s’interrogent, se synthétisent pour mieux s’affirmer. « The Long Road North » est donc un album truffé de significations, la nouvelle pièce d’un puzzle métallique que CULT OF LUNA essaye de résoudre depuis plus de vingt ans.

Il symbolise d’abord un voyage mental, celui qui nous fait sortir du chaos émotionnel pour nous amener doucement vers la sortie, vers un retour à la plénitude et à la sérénité. Mais il incarne aussi un voyage physique et bien réel, celui de Persson vers Umeå après 15 ans passé à Stockholm. Un retour au bercail qui a rapproché les membres du groupe et a facilité le travail d’écriture, le processus collaboratif. Cela transparaît dans la musique qui se veut immersive, cohérente, et qui nous montre que le groupe a accompli une partie de cette grande route vers le Nord, là où l’environnement et les paysages sont omniprésents, et il nous les peints avec ses mots, ses sons et ses sens.

 

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