[ Chronique ] BLOOD INCANTATION – Timewave Zero ( Century Media Records )

Rien qu’à son nom, on sait ce que va proposer un groupe comme BLOOD INCANTATION. Invariablement, sorties après sorties, on dira peu ou prou la même chose, cherchant dans les détails la micro-évolution qui distinguera un album d’un autre. Le brutal death et les autres genres affiliés ne sont pas des styles qui goûtent beaucoup au renouveau ou à la remise en question ( cf. la discographie de CANNIBAL CORPSE ). Par ailleurs, cela n’enlève rien à leur attrait. Après des années à en écouter, j’aime toujours autant me casser la mâchoire, la nuque et la voix sur un bon vieux OBITUARY ou sur un MORBID ANGEL. Ce qui compte dans la musique et l’art en général, c’est avant tout le plaisir qu’on y prend non ? 

Bref, je m’égare. Quelle ne fût pas ma surprise lorsque j’ai commencé à écouter ce nouvel album de BLOOD INCANTATION. Je m’attendais à une suite pas piquée des hannetons de l’épique et formidable « A Hidden History Of Human Race », rien ne m’avait mis la puce à l’oreille : la pochette, l’écriture illisible, le titre, photos promo’, cheveux longs, bras croisés, ceinture de balles !! Tout colle au style… Et pourtant !

« Timewave Zero » avait été annoncé par le groupe il y a dix ans, souhaitant ne jamais s’enfermer totalement dans un style et garder l’éclectisme intact. Leur premier album devait s’inspirer de MORBID ANGEL et de GORGUTS, leur second se tourner vers un death plus mystique à la STARGAZER et leur troisième serait ambiant.

Ce nouvel album est donc totalement instrumental, cinématographique, aussi extrême et excentrique dans sa conception que le reste de la production du quatuor de Denver. En seulement deux titres pour quarante minutes, BLOOD INCANTATION déroule ses plus beaux synthétiseurs, mais aussi quelques riffs de guitares, et déclare sa flamme, rend hommage à la musique de film, à « 2001, L’Odyssée De L’Espace, à l’espace, à TANGERINE DREAM, à JOHN CARPENTER, à JEAN-MICHEL JARRE et consorts, à la musique électronique en somme.

Ce qui peut paraître choquant pour le fan de base, ce qui pourrait faire croire à une trahison, c’est le contraste total, la dichotomie dans l’intensité, dans la brutalité, dans la saturation et l’empilement de riffs. Alors qu’il faudrait dépasser cette idée et plutôt voir cet album comme une composition à part entière. Ce jeu d’atmosphère ne semble d’ailleurs pas si hors sujet, il fait partie intégrante du son de BLOOD INCANTATION. Il en est sûrement une des extrémités, une vague vibrante, bourdonnante et tourbillonnante, une lente dérive spatiale, spirale teintée de vert, de pourpre, de violet, dont on avait pu ressentir les prémices sur « A Hidden.. », notamment avec « Inner Paths (to Outer Space) » et « Awakening From The Dream Of Existence To The Multidimensional Nature Of Our Reality (Mirror Of The Soul) ». 

Alors bien sûr je ne vais pas vous dire que c’est l’album de l’année mais je trouve la démarche intéressante : s’affranchir des attentes pour gagner en liberté et en créativité. Au final, ceux qu’ils ont mis en colère passeront leur chemin mais à partir de maintenant les autres auditeurs s’attendront à tout et à rien avec BLOOD INCANTATION. Les Américains passeront peut-être même à côté de la critique ou de la conspuation puisqu’ils essayent de proposer quelque chose de nouveau et de ne pas stagner dans leur art. Cette quête d’épanouissement intérieur, de sens, de plaisir semble devoir passer par l’atmosphère, par les silences et les molécules longilignes de « Timewave Zero ». Maintenant et pour finir j’aimerais que BLOOD INCANTATION se réalise vraiment, qu’il expérimente cette vision en live, qu’il nous impose ses gros synthés, ses ambiances, qu’il les mêle à son death progressif et à des visuels projetés… J’ai désormais l’eau à la bouche.