[ Chronique ] BORIS – W ( Sacred Bones Records )

image article [ Chronique ] BORIS - W ( Sacred Bones Records )

Dans un effort plus ou moins vain de sublimer l’énergie négative qui enveloppait et planait au dessus 2020, les légendes du metal nippon BORIS ont livré avec « NO » une oeuvre une fois de plus surprenante, un condensé de rage et de ressentiment, certainement l’album le plus extrême de leur longue et imprévisible carrière. Fondé et crée dans l’urgence, le groupe a même tenu à auto-publier l’album, souhaitant le sortir le plus rapidement possible, mais en a intentionnellement piégé le dernier morceau « Interlude », ayant semble-t-il déjà une idée derrière la tête…

La fin de « NO » devait alors servir de goulot d’étranglement, de commutation avec ce nouvel album, « W », formant ainsi le terme NOW, le présent, et entamant une nouvelle aventure aux antipodes de la première. « W », ouaté et floconneux, vient donc chuchoter, susurrer et s’épanouir dans une brume mystérieuse, vapeur tremblante de sensations fragiles.

Tout oppose « NO » et « W », de la pochette rouge brut et punk du premier au bleu langoureux et liquéfiant, sirupeux, du second créée par Kotao Tomozawa. Comme à rebours, on découvre alors un BORIS ayant atteint une certaine forme de plénitude et de sérénité, se fondant dans des aspirations plus pop, rock, new-age, trip-hop, electronica et nous offrant des compositions éthérées à portée salvatrice. Le trio semble en recherche de perspective, de profondeur et de sensations nostalgiques, lénifiantes. 

Les titres tournent autour de mélodies simples mais truffés d’arrangements, de détails noisy, de rythmes décalés, de guitares saturées ou non, souvent reléguées à l’arrière plan. Tout commence avec « Icelina » puis continue sur « Drowning By Numbers », sa basse qui groove et son roulement de batterie qui lui confèrent une atmosphère étrange et attirante ; une structure jazz anodine qui s’évanouira immédiatement après dans les vapeurs post-rock de « Invitation » et de « The Fallen ». « Beyond Good And Evil » marque le vrai retour de la distorsion avant que le smog, la mélasse de « Jozan » viennent clôturer l’album.

image article [ Chronique ] BORIS - W ( Sacred Bones Records )

Ici, BORIS cherche donc à toucher plus profondément, subrepticement, tout en restant léger, en effleurant l’âme, avec tact et une certaine forme de tendresse dans les compositions. D’ailleurs la discrète guitariste Wata y tient un rôle principal, assumant toutes les parties vocales, nous murmurant de douces promesses aux accents angéliques. En d’autres termes et pour faire court, BORIS envoûte.

À la fin, on a assemblé « NO » et « W », on les a fait se répondre, se continuer pour former NOW. On a donc fait l’effort de construire l’histoire, de former le cercle alternant fureur et apaisement, et ainsi boucler la boucle, éprouver la temporalité. Lorsqu’on s’intéresse à une forme d’art, un sport, à une matière quelconque ou un style de musique depuis longtemps, qu’on en a subi les méandres, qu’on en a vécu les évolutions, qu’on les a décortiqués, il est de plus en plus difficile d’être authentiquement surpris ou que quelque chose surgisse que l’on ne connaisse pas ou qui nous déroute, que quelque chose nous déclenche un intérêt ou une émotion inédite. Que l’on aime ou que l’on déteste, BORIS arrive presque toujours à passionner grâce à des concepts qu’il peaufine, qu’il affine à chaque sorties, dans les moindres détails, afin de rester pertinent et énigmatique tout en nous accompagnant dans la complexité de son oeuvre sonore, toujours plus pointue et exigeante, mais toujours aussi ressourçante.

 

Partager