Les rameaux dépouillés, les arbres dénudés, la campagne soumise au va-et-vient de la sève nourricière, les épouvantails infructueux, attirent corneilles railleuses et innombrables passereaux, se détachent des célestes nacres ostréicoles. Dans les pavillons à la stéréométrie impeccable, royaume de perdition, la chaleur dégouline de l’âtre, un arbre agonisant ou déjà mort se désagrège au grand dam des rombières maniaques. Le misérable cadavre conifère s’orne de guirlandes plastiques et de boules chamarrées, comme l’embaumeur maquille le décès. Sous le liseré jaunâtre de la stéatose hépatique, « l’or bon marché », on étale grossièrement ses richesses, dissimulées derrière le clinquant et la brillance outrancière de l’emballage et du bolduc.
Puis, on se déguise de soies, de sequins et de laines couleurs cola, s’engonce de matières désagréables, on se cache pour se rendre plus beau, on se tire à quatre épingles, met quatre épices dans le vin, on met à l’épreuve la crédulité infantile, on éponge son âme pour mieux se tolérer et supporter l’autre, rêve d’expiation sous le joug d’une tradition édulcorée, aspartamique. Des chants rituels à la gloire du sauveur, messie en qui on place tous les espoirs, s’élèvent dans la nuit épaisse, dés-astreuse, s’échappent des imposants édifices de pierre grise ; eux aussi camouflés d’atours rococos et de coutumes prétendues millénaires pour mieux en voiler l’austérité.
Noël, mystification mercantile et volontaire, période sombre où l’on parsème la réalité de bonnes illusions comme pour mieux la faire reculer, le temps d’apprécier faussement les autres, l’union sacrée, et pleinement le gras, le sucre et l’éthanol. On s’échauffe, on étire panse, bonnet et feuillet pour mieux « profiter » de la bûche grasse dont les molécules caloriques viennent se loger dans les diastèmes, dégueulent des bouches crémeuses aux rires factices et lipidiques ; et que l’on espère, sitôt englouties, déjà voir brûler.