[ Chronique ] CYNIC – Ascension Codes ( Season Of Mist )

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L’année 2020 restera pour notre génération comme une année compliquée, on peut même dire merdique. Pour CYNIC, ça a été pire que ça, catastrophique, il paraît même incroyable que le groupe ait pu survivre puisque ses déboires ne sont pas limités à la pandémie. En effet, c’est deux membres du groupe qui nous ont quittés cette même année, d’abord le batteur Sean Reinert en janvier puis le bassiste Sean Malone en décembre. À ce moment là, le monde du metal et le monde de la musique au sens large se sont rendus compte de l’influence qu’avaient pu avoir ces musiciens. D’une part Reinert qui, grâce à son style, a révolutionné et inventé une partie de ce qui se fait désormais dans le metal extrême en s’inspirant du jazz et de la fusion, chose plutôt inédite au début des années 90. D’autre part, CYNIC dans son intégralité pour sa vision et son évolution constante, son développement continu du style dit progressif.

À travers les ouragans, les tempêtes et l’acrimonie à la fois personnelle et existentielle, le groupe continue donc d’avancer, de créer et de rester inspiré. Aujourd’hui, on retrouve un Masvidal un peu seul aux commandes, entouré de Dave McKay à la basse et aux synthétiseurs ainsi que Matt Lynch à la batterie et Plini en invité spécial pour une musique qui s’éloigne toujours un peu plus du death technique des débuts pour se diriger vers un style plein de nuances, progressif et expérimental à la fois, à l’intersection du rock, du new age, du jazz fusion, du metal, et d’une myriade d’autres expressions sonores. 

Les neufs titres qui jalonnent l’album s’articulent autour de neuf introductions-transitions qui permettent de mieux se plonger et comprendre le cheminement artistique qui a mené à la création. « Mu-54* » se meut en basse ronflante de « The Winged Ones », « Ha-144 » nous rapproche doucement de « Mythical Serpents », « DU-*61.714285 » cache la puissance d’un « In A Multiverse Where Atoms Sing »,etc. Complexe, l’album reste cependant fluide, les cassures rythmiques, les enchevêtrements, les progressions et explosions inattendues ne brisent jamais la trame mélodique, n’entravent jamais le voyage. Les vocaux vocodés de Paul Masvidal sont disparates et souvent camouflés au milieu d’une mosaïque sonore luxuriante et éthérée. Capable d’une grande technicité, CYNIC n’oublie cependant pas son aspect émotionnel et cathartique, n’hésitant pas se tordre et se distordre, envoyant quelques riffs bien trempés sur « 6th Dimensional Archetype » ou inscrivant quelques growls en filigrane sur le cortège de note et de mélodies d’un « Mythical Serpents » a proprement dire magnifique.

La complexe et protéiforme « Diamond Light Body » clôture un album aussi insaisissable que curateur et on ressent que « Ascension Codes » semble vouloir mettre le doigt sur la quête et sur l’éveil, sur le chemin vers la guérison plus que sur la destination, marquant donc une nouvelle étape dans ce développement continu qu’est CYNIC. Toujours aussi ambitieux, Masvidal trouve la force d’exister malgré les lourdes pertes et trace ici un voyage sonore et spirituel imprégné de couleurs et d’énergies étonnamment positives. On a l’impression qu’il a réussi à dépasser l’étape du choc pour atteindre celle de l’acceptation et de la reconstruction, et ainsi développer grâce à tout son talent une quête régénératrice et nécessaire avec un yogi – metal que l’on pourrait presque qualifier de healthy, de purificateur.

 

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