Après deux albums qui les voyaient s’installer solidement au coeur de la scène grind – death – powerviolence, il apparaissait évident que tout le monde, auditeurs comme critiques, allait attendre de pied ferme la nouvelle production des Américains de FULL OF HELL. Mais ne courant aucunement après le succès ( si succès il existe sur la scène grind ) ou la reconnaissance, le groupe ne souffre d’aucune pression et a donc décidé de continuer sa progression, son cheminement complexe et brut en nous proposant un « Garden Of Burning Apparitions » aussi hermétique et revêche que possible.
L’album se décline en une douzaine de morceaux pour une grosse vingtaine de minute mais l’intensité maintenue de part en part et la densité sonore est telle qu’on en ressort éprouvé comme après une heure d’écoute attentive. Véritable assaut des sens, blitzkrieg de genre, la musique de FULL OF HELL n’est pas à mettre entre toutes les mains. Aux confins des styles les plus abrupts, « Garden Of Burning Apparitions » est une collection de douleurs aiguës, comme des éclats de shrapnel fichés dans le bas-ventre.
Ici, la démarche reste donc inchangée : créer pour ne pas se consumer, expulser la noirceur et la haine qui rongent ce monde et qui nous rongent un peu plus à chaque seconde. Avec cette idée en tête, le groupe assène des titres, petits brûlots, haïkus macabres où la technique s’allie à la puissance pour créer un électrochoc sur l’auditeur et le faire réfléchir aussi bien sur la religion organisée, la marchandisation de la spiritualité que « Industrial Messiah Complex » réduit en bouillie en 90 secondes, que nos peurs profondes et nos terreurs sociales sont évoquées sur « Reeking Tunnels » et son riff presque emprunté à THE DILLINGER ESCAPE PLAN.
Hormis « Derelict Satellite » ou « Non-Atomism » qui restent pour moi des énigmes harsh-noise dont je me serais allègrement passé, « Garden Of Burning Apparitions » propose globalement un grindcore chargé, sulfatant et édulcoré à la noise. Si l’ensemble sonne donc un peu plus brouillon, c’est une volonté du guitariste Spencer Hazard et du bassiste Sam Di Gristine d’ajouter plus de math et de bruit à cet implacable monstre de distorsion et de perdre encore un peu plus l’auditeur dans un jeu de textures âpres et stridentes qui néanmoins transmettent des sensations extrêmes et cathartiques.
« Asphyxiant Blessing » nous fait suffoquer avec une série de notes à la violence hypnotisante et des voix martelantes, criardes. Le très court et très death « Eroding Shell » évoque l’ochlophobie et la foule ignorante, scène devenue banale dans notre société volatile. Là où des titres comme « Urchin Thrones », « All Bells Ringing » et « Murmuring Foul Spring » nous entraînent aux confins d’une distorsion cruelle, dans les abysses d’une réflexion sur l’impermanence de la vie, la fatalité et la peur qui les accompagne. Enfin « Celestial Heirarch » referme lourdement les portes de l’Enfer et vient incarner une folie extrême, assourdissante, sans rémission possible.
Le résultat final est un disque qui s’ajoute bien au canon des Américains mais que j’ai pour ma part moins apprécié, qui m’a moins séduit que « Trumpeting Ecstasy » ou « Weeping Choir ». Si il reste un abîme sans lumière, abrasif, terrifiant, et à forte dimension cathartique, le marasme se présente de manière plus mono-chromatique que sur les précédents essais. Mais, il a le mérite de me rappeler à quel point ces gars sont doués et créatifs, même lorsqu’ils sont moins bons. Et c’est un peu l’apanage des grands, qu’on aime ou pas, cela ne sonne jamais foncièrement mauvais. À ce titre, FULL OF HELL marche dans les pas d’un NAPALM DEATH, gardant toujours sa patte, main gangrénée, près de ses racines tout en développant, expérimentant et déplaçant son curseur vers de nouveaux horizons, ou s’enfonçant toujours plus loin dans les profondeurs de la brutalité sonore. J’attends donc la suite avec impatience.