[ Chronique ] WOLVES IN THE THRONE ROOM – Primordial Arcana ( Century Media Records )

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Voilà vingt ans que WOLVES IN THE THRONE ROOM règne sur le black atmosphérique et épique made in U.S. grâce à ses hommages répétés à mère-nature et à un son unique, organique et majestueux dont il est en partie le créateur, ou tout du moins le continuateur. Sans être révolutionnaire, et en s’ancrant toujours dans une mythologie qui puise ses sources dans les forêts primitives cascadiennes, le groupe nous propose à chaque sortie une variation sur le même thème tout en restant attrayant pour son auditoire. À ce titre, « Primordial Arcana », aux paysages sonores toujours aussi vastes et brumeux, ne fait pas défaut au trio et marque une nouvelle évolution dans sa carrière.

Tout d’abord, « Primordial Arcana » est la première œuvre entièrement auto-produite par groupe : en plus de la composition, les frères Weaver et le guitariste Kody Keyworth ont géré tous les aspects de l’enregistrement, de la production et du mix dans leurs propres studios Owl Lodge au fond des forêts de l’État de Washington. Ce qui est encore un pas de plus vers une liberté de création et l’accomplissement d’une vision artistique totale.

Ensuite, ce nouvel opus nous immerge dans tout ce qui fait le sel de WOLVES IN THE THRONE ROOM : sa capacité à créer des ambiances et des atmosphères sombres, occultes, captivantes, évocatrices. Si le groupe a toujours utilisé un black metal aux racines nordico-scandinaves pour mettre en avant « les Esprits qui résident dans les montagnes et les rivières », ou en d’autres termes ses rêves et ses visions païennes, mystico-romantiques ou même éco-misanthropes, il a aussi su mâtiner sa palette artistique pour y inclure d’autres motifs ou formes musicales qui l’ont à un moment ou un autre influencé.

Sur « Primordial Arcana », on notera outre une présence significative de nappes synthétiques venues directement des plus grandes heures du black sympho’ 90’s et à toute la première frange du black metal européen mais aussi quelques références à peine cachées au death-metal américain de cette même période ( rien d’étonnant quand on sait que les musiciens se réclament de DEICIDE ou de MORBID ANGEL ).

Pour le reste, WOLVES IN THE THRONE ROOM semble avoir encore gagné en harmonie. Un peu difficile pour moi au départ, la production profonde mais crue, résonnante, est devenue captivante et vient servir une instrumentation puissante, furieuse, sauvage et pourtant léchée. On ressent tout le travail studio pour arriver à transmettre cette énergie très « organique », épique et méditative, appuyant le concept de l’album, tout en ne nous offrant pas un objet Lo-Fi. De fait, il sera impossible d’apprécier l’album si les bonnes conditions sonores ne sont pas réunies…

Alors que « Thrice Woven » était très terre à terre, ce nouvel opus se veut plus froid et plus tranchant, comme l’air frais des montagnes, plus proche du monde des esprits et plus éloigné du Royaume des Hommes. Le son y est une force naturelle, glaciale et destructrice, inamovible et inaltérable. Il demande de la concentration et une forme d’adhésion de la part de l’auditeur : il faut s’immerger dans le son et se laisser porter car le lien terrestre n’est pas rompu, WOLVES IN THE THRONE ROOM continue de s’adresser aux Hommes et de souligner son lien intrinsèque avec la Nature.

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Que ce soit d’un bruissement, d’un crépitement, d’un croassement ou d’un clapotis, à chaque fois la musique vient briser le sentiment de plénitude, vient déchaîner les éléments, foudroyer et distordre. Le point d’entrée, « Mountain Magick », donne ainsi le ton avec des mélodies célestes, des atmosphères synthétiques et une noirceur crue, sorte de pluie battante qui vient tremper os et moelle avant de nous souffler et nous élever vers le ciel en triomphe. Les cordes pincées de « Spirit of Lightning », la flûte de « Eostre », les synthés magnifiques de « Underworld Aurora »,  ou l’épopée « Masters Of Rain And Storm », les arrangements autour de la batterie, les voix rocailleuses et perçantes, toujours un peu en retrait, comme fantomatiques, et les guitares tantôt abrasives tantôt aériennes ; tout n’est qu’évocation grandiose et ambiance orageuse. La foudre peut et vient frapper partout, à tout moment.

Avec un état d’esprit plus DIY que jamais, le trio affine et affirme son art grâce une esthétique et une spiritualité singulière, convoquant aussi bien Mère-Nature que les Grands Esprits du Metal Noir à sa table ( sans tout le fatras anti-religion ), le trio nous offre ainsi une nouvelle expérience transcendantale, intense et mystique. Fermez les yeux, respirez, goûtez cette préparation mystérieuse, « Arcane Primordiale », et laissez-vous porter par ce souffle, par cette voix lointaine qui vous attire et vous embrasse ; ce tourbillon sombre et relaxant auquel on a envie de s’abandonner, sans restriction, corps et âme.

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