[ Chronique ] HARAKIRI FOR THE SKY – Maere ( AOP Records )

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J’avais fini 2020, comme à peu près tout le monde : amer et pétri d’angoisse. La venue de 2021 aurait pu être vue comme une bénédiction, une sorte de nouveau départ vers lequel on s’élancerait sans vergogne et plein d’optimisme. On pourrait ainsi oublier cette ( trop ) longue et ( trop ) étrange année, comme un mauvais souvenir dont, avec le recul, on se moquerait allègrement.

J’ai donc décidé d’attaquer cette « nouvelle ère » avec le duo autrichien d’HARAKIRI FOR THE SKY, un groupe pas vraiment connu pour sa joie de vivre ou sa combativité mais bien pour son metal qui se confond en noirceurs, celles d’avant comme celle d’après et même celles qui se terrent dans les zones sonores brumeuses, presque opaques. Je ne me définirai pas comme un grand connaisseur du duo, les ayant vu une fois ou deux en concert, en festival ou en première partie d’un autre obscur groupe. Je me suis plongé dans leur précédent album, « Arson », plutôt intéressant et bourré d’émotions grises. Émotions qui sont au centre de la musique d’HARAKIRI FOR THE SKY et qui perdurent sur « Maere », ce nouvel et cinquième album, celui qui nous intéresse aujourd’hui…

Une fois n’est pas coutume, je vais essayer de faire court : l’album est long, inutilement long pour moi.

C’est sans aucun doute bien fait, le son est résolument moderne et de qualité. On a droit à de nombreux changements de rythmes et de dynamiques, de belles alternances entre blast-beats et mid-tempos. Cependant, l’album avoisine les 90 minutes et je les ai senties passer. Je comprends bien là où veut nous emmener le groupe, c’est même limpide. D’autres le font extrêmement bien et me happent à coup sûr. Mais ici, cela ne fonctionne pas pour moi, malgré un rythme soutenu, des superbes mélodies et un Kerim Krimh Lechner ( SEPTICFLESH / DECAPITATED / DEVIN TOWNSEND live ) qui donne une ampleur et un rendu incroyables aux parties de batterie.

Je décèle aisément la mécanique : cette volonté de transcendance morne et de capter l’imagination, d’attirer l’auditeur dans des mondes sonores enclins à la tristesse, au désespoir romantique ou à la nostalgie, le tout saupoudré d’une lumière cathartique. À ce titre, je n’ai rien à redire car c’est efficace, c’est du bon post-black, varié, et les compositions sont épiques à souhait. Mais trop d’épique tue le mythe et au bout des trois ou quatre premiers morceaux, je trouve que le soufflet retombe en platitude, tout me paraît lisse ( même le son ) et l’ennui me guette. « Maere » est sans aucun doute un disque dans lequel on peut se perdre, je m’y suis moi-même perdu. Au bout d’un moment, embrouillé dans tous ce post’, j’ai pris les assauts, un par un, comme des vagues lascives, de discrets clapotis grisâtres qui ont eu peine à effleurer mes sens…

Et ce n’est pas le chant linéaire de J.J., fait de hurlements très peu variés, qui va venir sauver l’affaire. Au contraire, il accentue encore un peu plus cette sensation de longueur et de morosité ambiante. Heureusement, le groupe nous avait prévu quelques invités dont le chanteur de GAEREA, Neige d’ALCEST ( qui signe un des meilleurs titres de l’album avec « Sing For The Damage Done » ou encore Audrey Sylvain de MALENUIT et ASPHODÈLE. Sauf que cette dernière n’est finalement pas apparue sur l’album… Pourquoi me direz-vous ?

C’est là que j’ouvre la parenthèse sur ce que j’ai envie d’appeler « L’affaire Audrey Sylvain » ( qui n’en est en fait pas une ). C’est simple : le groupe l’a annoncée comme invitée puis « s’est rendu compte » de son implication dans le sulfureux groupe PESTE NOIRE. Sous la pression du tribunal populaire des réseaux sociaux, d’une chanteuse invitée, elle est devenue l’épouvantail foireux, la piñata du microcosme black. Au final, tollé général pour le groupe et annulation de sa participation, HARAKIRI FOR THE SKY et Audrey Sylvain sont passés à deux doigts de la Roche Tarpéienne.

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Que penser de tout ça ? Personnellement, ça m’emmerde. C’est devenu un mal de notre époque. On fait des procès aux artistes. Je me fiche pas mal d’elle, de son parcours et de ses idées. Ce qui me gêne c’est le fait qu’on bâillonne un groupe ou une prestation sous prétexte que. Si on y regarde de plus prêt, Neige a lui aussi joué dans PESTE NOIRE, ne l’oublions pas. Mais il se meut désormais en repenti, sorte de gendre idéal du post-black, tournant à peu près partout, même dans les shows endorsés par les plus grandes marques de boisson énergisante. Cherchez l’erreur… Loin de moi l’idée de critiquer les artistes mais bien tous les Torquemada de pacotille qui peuplent désormais cette scène. Où se cache maintenant le metal dangereux et subversif ?! J’ai l’impression que lui aussi est devenu aseptisé, lisse et bien pensant. Écoeurant.

Voilà, moi aussi je peux faire long. Mais après tout on a du temps à perdre non ? À ne plus savoir quoi en faire, à tuer même ! Alors je vous conseille quand même d’écouter « Maere », parce qu’il me semble avoir été fait avec le coeur, au moins pour vous faire une idée. Si sur la longueur il n’a pas fonctionné sur moi, j’ai quand même passé un bon moment. À bientôt messieurs.

 

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