[ Chronique ] PRIMITIVE MAN – Immersion ( Relapse Records )

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Cela fait déjà un bon moment que le trio originaire du Colorado écume les routes et qu’il n’est donc plus un étranger aux yeux de la scène doom / sludge mondiale. Issu des miettes et du torpillage des précédents groupe du chanteur et guitariste Ethan Lee McCarthy, PRIMITIVE MAN s’est toujours concentré sur la désillusion, offrant, jetant à la face du monde son doom le plus agressif, le plus malsain et le plus abrasif possible ; et s’évertuant à décliner les plus sombres pensées et sentiments de ses protagonistes. En huit ans, trois albums et un nombre entropique de splits, le groupe s’est donc forgé une réputation aussi « dégueulasse » et putride que sincère. Chantre de la dissonance nauséeuse, de la répétition niaise et du riffing minimaliste, PRIMITIVE MAN ferait donc passer CONAN pour des guitar-heroes ( c’est pour dire ) et THOU pour un groupe de pop’ ( j’exagère un peu ). Toujours est-il que le groupe, increvable comme Ravaillac en place de Grève, continue de nous martyriser, sortie après sortie et « Immersion » ( le sujet du jour ) en est encore la plus belle des preuves…

Il n’y a pas de fanfreluche, pas d’aspect un tant soit peu rock’n’roll ou quoi que ce soit d’entraînant dans ce qu’a fait, ce que fait ou ce que fera PRIMITIVE MAN. Leur vision du doom ou du sludge est entièrement monochrome, sombre, douloureuse et s’appuie sur un son répugnant, répétitif pour imposer une atmosphère impitoyable, totalement hermétique, et dont on peine presque à franchir les herses sonores.

Là où leur dernier méfait « Caustic » avait tendance à ( trop ) s’étirer, à nous flanquer dans la bouillasse jusqu’aux genoux, à repousser les limites de l’audible ( ou du moins du temps que l’on peut ou veut consacrer à une musique comme celle que produit le groupe ), « Immersion » et ses 35 minutes semble avoir gagné en efficacité tout en réussissant à capter et à garder autant la tension, l’intention que l’attention. Si il n’y a pas de changements majeurs dans la formule, on note donc une volonté de concision, une volonté de nous livrer la quintessence de PRIMITIVE MAN : un riffing bourdonnant, dissonant et grésillant, des plus basiques ( « Entity » ) mais aussi un concentré de violence, de rage, une colère sourde ( « Lifer », « Consumption » ). Le résultat est donc sans concession et aussi laconique que son chanteur ( cf. notre entretien ).

D’ailleurs, hormis l’intermède noise « ∞ », on retrouve beaucoup moins l’aspect noise que sur les précédents opus, un peu comme si le groupe avait voulu se recentrer sur lui-même, et laisser parler la puissance de feu, déjà très impressionnante, du trio. Évidemment, ce type de musique ne trouve pas toujours son public, d’autant plus quand le groupe ne joue clairement pas la carte du dynamisme. « Immersion » ne faisant que tourbillonner lentement dans les têtes, imposant son pessimisme et son nihilisme au fil des minutes et des cris rauques de son leader. Les Américains semblent alors se débattre dans une bouillie de viscères et d’excréments, n’élevant le rythme que très ponctuellement, ce qui à l’écoute transforme l’expérience déjà crue en véritable expédition punitive. Si certains verront une faiblesse dans la lenteur, j’y verrais plutôt un point de vue artistique respectable, une volonté rendant l’album encore plus écoeurant, encore plus pur et plus nocif…

 

Si vous cherchez le raffinement, la politesse, la poésie, l’humanisme, une musique positive qui va vous tirer vers le haut, évitez à tous prix d’écouter cet album. En revanche, si vous souhaitez vous plonger dans les méandres de la torture mentale et physique, dans cet océan de larme et de merde où surnagent vos pires pensées, vos peurs, vos échecs, vos fautes, vos excès ; si vous cherchez la musique qui ne vous aidera pas, si vous ne savez que choisir entre l’eau de javel et la soude caustique, écoutez « Immersion », imprégnez-vous en, délectez-vous en, tel un supplice, jusqu’à la lie.

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