[ Chronique ] MAYHEM – Daemon ( Century Media Records )

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Je n’ai jamais caché mon amour pour MAYHEM. Amour qui a commencé lors de mes premiers pas dans l’univers métallique et qui, force est de constater, ne m’a jusqu’à alors pas quitté, ou plutôt qui a suivi mes déplacements, tel une ombre. Fasciné dans mes jeunes années par toutes les histoires de meurtres, d’incendies criminels et d’automutilation qui ont édulcoré et coloré l’histoire des Norvégiens puis, par la suite, intrigué par l’influence qu’a pu avoir « De Mysteriis Dom Sathanas » sur toute la vague black metal des années 90 et des années 2000, il me convient d’avouer que c’est désormais sa richesse, sa versatilité, son imprévisibilité musicale, sa liberté totale quant au style black metal à proprement parlé que MAYHEM me passionne.

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En 1994, le groupe s’impose en leader incontesté de la scène avec son chef-d’-oeuvre inégalé, et inégalable selon certains, « De Mysteriis Dom Sathanas ». Mais la vision complexe que le groupe a du style black est et restera extrêmement différente de ce qu’en pensent le commun des mortels. De fait, le groupe divise en permanence ses partisans car il recherche toujours à faire évoluer sa musique, à la complexifier, à ne jamais sonner de la même façon. Pour moi, MAYHEM se pose comme un explorateur audacieux des territoires obscurs. Parfois ultra-moderne, parfois extrêmement conservateur, il reste froid, glacial et inhumain. En conséquence, cinq ans après « Esoteric Warfare », personne ne peut prédire ce qu’il en sera de sa nouvelle incarnation : « Daemon »

Ce nouvel opus, on le sait, a été composé et conceptualisé lors de la tournée anniversaire de « De Mysteriis Dom Sathanas », l’influence de ce dernier y est donc assez évidente. Avec « Daemon », MAYHEM semble vouloir lier cet album à son passé et refermer ainsi la boucle ouverte par Euronymous et consorts il y a plus de vingt ans maintenant… L’album est une éruption spontanée et frontale, sorte d’incarnation symbolique, l’essence juvénile de MAYHEMLa musique est dépouillée de son superflu dans une volonté d’intemporalité, dans une démonstration de force noire fondamentale et homogène. Les Norvégiens reviennent à quelque chose d’agressif, de sinistre et d’impitoyable ; primitif dans l’unité mais extrêmement complexe et intelligent dans sa construction, sa structure, sa dé-construction.

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Pour autant, cela ne ressemble pas à un simple remaniement d’une gloire passée et passéiste car évidemment, ce ne sont plus les mêmes personnes aux manettes, du sang a été versé et de l’eau est venue le nettoyer… D’ailleurs, l’oeuvre ne fait en aucun cas part d’une quelconque « renaissance » et semble s’inspirer ou rendre hommage d’avantage à une époque qu’à un album en particulier. Le groupe utilise des éléments que l’on retrouve chez les classiques comme EMPEROR ou TORMENTOR, tout en les faisant définitivement siens.

De par une expérience acquise au fil du temps, mais aussi une qualité de production et une manière de composer résolument moderne, « Daemon » arrive à maintenir une ardeur et une intensité qui pouvaient justement faire défaut à toutes ces anciennes productions. De même, les véritables héros ici sont les musiciens qui indéniablement maîtrisent totalement leur sujet.

Les morceaux sont presque tous rapides, matraqués sans relâche par un Hellhammer plus destructeur, plus martial et plus en forme que jamais. Côté riffing, c’est toujours aussi dissonant et dérangeant. Le trio Necrobutcher, Teloch et Ghul offre un travail extrêmement précis, pointu, étrange et malsain, dans un sens plus heavy et donc plus dynamique mais toujours aussi alambiqué. Les guitares tranchent le brouillard là où la basse gronde et éclabousse…

De son trône, Attila doit, quant à lui, regarder les autres vocalistes avec un léger rictus et une certaine arrogance tant ses oraisons provoquent l’effroi. L’utilisation théâtrale de ses voix renforce nettement la sensation de malaise qui se dégage de la musique. Du grognement classique au choeur apocalyptique, jusqu’aux chuchotements, aux feulements, aux borborygmes, et j’en passe, le Hongrois remplit l’espace de toute sa cacophonie, de tout son opéra guttural.

L’atmosphère s’en ressent énormément, on est balloté sur les lacs putrides de l’incompréhension, de la morbidité et de la malveillance. D’un mausolée lugubre jusqu’aux sangles de Regan MacNeil, ce démon-là s’insinue partout, avec force. À travers ce chaos glacial et totalement contrôlé, MAYHEM évoque ainsi son passé pour mieux nous emmener dans son futur, il avance en regardant en arrière, acceptant sa part de responsabilité dans la création du black metal : sa plus grande création.

 

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