[ Chronique ] HANGMAN’S CHAIR – Banlieue Triste ( MusicFearSatan ) note : 9·1

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C’est sûr, HANGMAN’S CHAIR ne sont pas vraiment réputés pour faire partie de la frange des tendres, ni des pleurnichards et ne sont pas non plus connus pour en faire des caisses… Choses que l’on apprécie franchement par chez nous tant on vit dans un monde d’affamés, d’assoiffés et d’exploiteurs de pathos. Faisant fi des modes et des « modeux », étant régis par leur seule envie, leur seul besoin d’expression, les Parisiens d’HANGMAN’S CHAIR continuent donc leur chemin, en infatigables pèlerins de la musique qu’ils sont. C’est donc sans façon, sans détour et sans ronds de jambe que l’on s’attendait à une nouvelle sortie en cette année 2018. Et voilà que, sans crier gare, du bout de la rame d’un RER en perdition, nous nous retrouvons une fois de plus face à cette sale bande qui compte bien nous enfermer avec elle direction : sa « Banlieue Triste »

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D’emblée, on peut saluer le travail de Monsieur Francis Caste au Studio Sainte Marthe qui a encore fait des merveilles. Le son est sublime, puissant, clair, froid et lisse ( mais pas trop ), dur comme un bloc de béton, c’est une véritable explosion de plaisir, un ravissement pour les esgourdes. Pour le reste, on est dans la droite lignée de ce que le groupe aime à proposer : le quatuor ne verse et ne versera définitivement pas dans le ska à tendance festive. Bien au contraire, on ne parle ici que de malléoles en miettes, de genoux langoureusement concassés, de mise en joue. On reste dans le domaine de compétence et d’excellence de nos Franciliens : mettre en ruine, les corps et les âmes.

Du gros riffs gras et dégoulinants de dépression il y en a, faites-leur confiance. Mais on retrouve également ce qui fait tout le contraste d’HANGMAN’S CHAIR et donc toute sa force : ce naturel efficace, cette simplicité si complexe dans la composition et surtout cette richesse mélodique. Ce sens de la mélodie qui vient vous ravager, qui fait tomber vos dents, une à une, pour mieux s’infiltrer, briser ce dernier rempart vers votre gorge, vos organes, vos pores et votre cœur. Le groupe s’insinue, plus aqueux et rampant, quasi-gothique, presque androgyne, vicieusement exquis et sale à la fois. La rue de cette « Banlieue Triste » est si belle de loin, avec ses enluminures et ses lampadaires aux lumières attirantes, mais lorsqu’on se penche sur son caniveau, réellement, qui viendrait y boire son eau ?!

Entre cette eau croupie de CROWBAR et d’ALICE IN CHAINS, un trottoir éclaté de TYPE O NEGATIVE et la lumière aveuglante, infusée de mélopées populaires, plus new-wave, plus rock, nos quatre amis essayent de marcher bien au milieu de cette rue, de cet urbanisme délabré, de ce marécage trop moderne pour eux. Ils y titubent bon gré mal gré au son de leurs pérégrinations, de leur élucubrations et des effets psychotropes ou éthyliques encore bien trop présents. Un rêve ou un cauchemar, qui sait ? Un flou aussi doux qu’amer, mélancolique. Un rêve de banlieusard.

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Happés, obnubilés par ce rêve, on l’est sans nul doute…  Des tréfonds de la longue et douloureuse « Touch The Razor » aux tartines massives et « halogènes » que sont « Naïve » ou « 04-09-16 », on ne s’essouffle ni ne s’ennuie, à aucun moment. On traverse autant l’album qu’il nous traverse. Sa voix douce et cristalline, machiavélique, vient apaiser et désespérer. On y rend aussi des hommages comme sur l’éthérée « Sidi Bel Abbes » qui met en avant Marc De Backer aka. MONGOLITO, ses nuées de notes et sa guitare vaporeuse. On y disserte, on y vit ou on y survit comme sur la superbe « Tired Eyes ». Enfin, on y conjure le sacré, on y abjure son humanité avec l’aide de Georges Bataille sur la poisseuse et frissonante « Full Ashtray ».

Après plusieurs écoutes, le constat s’impose, implacable. Qu’il soit tantôt écrasant, étouffant ou tantôt plus mélo-mélancolique, HANGMAN’S CHAIR garde tout son attrait. Il conserve jalousement cette froideur terriblement intime et personnelle, cette franchise malsaine, cette honnêteté sulfureuse, son goût pour la prédation nocturne, ce sublime désespoir couplé à son amour dégoûté des autres ( et peut-être un peu de lui-même ) incarnant toute l’amertume de cette rue que tout le monde connaît… Beau.

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